Exonérations de cotisations sur les hauts salaires : feu vert des députés en commission pour les supprimer

Depuis mardi dernier, les députés se penchent sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2024. Ils ont notamment voté pour un amendement supprimant les exonérations de cotisations sociales patronales sur les salaires supérieurs à 2,5 Smic, jugées sans impact sur l'emploi et la compétitivité des entreprises.
Au total, près de 2.800 amendements ont été déposés pour ces travaux en commission, prévus à ce stade jusqu'à ce jeudi, mais qui pourraient se prolonger vendredi.
Au total, près de 2.800 amendements ont été déposés pour ces travaux en commission, prévus à ce stade jusqu'à ce jeudi, mais qui pourraient se prolonger vendredi. (Crédits : Reuters)

La valse des amendements a bel et bien commencé à l'Assemblée nationale. Les députés ont voté ce jeudi pour une suppression des exonérations de cotisations sociales sur les salaires supérieurs à 2,5 Smic, lors de l'examen en commission du budget de la Sécurité sociale (PLFSS 2024). Cette mesure pourra ensuite être retenue ou écartée par le gouvernement dans sa version finale, s'il recourt au 49.3.

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Initialement porté par le député Renaissance Marc Ferracci, cet amendement est justifié par l'absence d'impact des exonérations de cotisations sociales patronales sur l'emploi et la compétitivité des entreprises. « La ressource générée, à savoir 1,6 milliard d'euros environ, serait utilisée pour renforcer les allègements sur les salaires bas et intermédiaires, entre 1 et 1,64 Smic », car sur cette tranche « les évaluations et les études économiques montrent qu'on crée de l'emploi en abaissant le coût du travail », a expliqué le député.

Un autre amendement pour « prévenir l'alcoolisme des jeunes »

Le député socialiste Jérôme Guedj, co-auteur avec lui d'un rapport sur le sujet, a défendu, en vain, un amendement comparable. Celui-ci ne prévoyait toutefois pas cette réaffectation, préférant que ces ressources puissent être mobilisées pour des politiques sociales. Cet amendement était soutenu par le député Renaissance Sacha Houlié.

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Les différents allègements existants, qui concernent les salaires jusqu'à 3,5 Smic, ont coûté en 2022 près de 80 milliards d'euros, passant de 1,1 point du PIB en 2004 à 2,8 points en 2022, selon le rapport qu'avaient co-signé Marc Ferracci et Jérôme Guedj. Ils y plaidaient pour la suppression au-dessus de 2,5 Smic du « bandeau famille », une réduction de 1,8 point de cotisations familiales portant actuellement sur les salaires jusqu'à 3,5 Smic.

La commission des affaires sociales a par ailleurs adopté un amendement socialiste visant « à prévenir l'alcoolisme des jeunes » avec une contribution sur les bières aromatisées sucrées ou édulcorées. Les députés ont aussi adopté des amendements du député Modem Cyrille Isaac-Sibille. L'un instaure une taxe sur les sucres ajoutés dans les produits alimentaires transformés. L'autre réforme la « taxe soda » sur les boissons alcooliques comprenant des sucres ajoutés, jugeant cet outil fiscal « encore peu et mal utilisé en France ».

2.800 amendements déposés

Pour rappel, les députés ont commencé mardi dernier l'examen en commission de celui de la Sécurité sociale pour 2024, lui aussi promis à une adoption par le biais d'un 49.3. Malgré sa majorité relative, le camp présidentiel a réussi à faire adopter en commission ce mardi l'article « liminaire » du texte, incluant les prévisions financières de l'ensemble des administrations de sécurité sociale. Gauche et RN ont reproché au gouvernement d'y comptabiliser l'excédent de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) pour afficher un solde positif.

L'article rectifiant à la hausse la prévision de déficit de la Sécurité sociale pour 2023, à 8,8 milliards d'euros, a également été adopté. Comme celui rectifiant à la hausse l'objectif de dépenses d'assurance maladie (Ondam) pour 2023. Cette augmentation ne répond pas « à la crise de l'hôpital public, au manque d'accès aux soins en ville, au déficit de prise en charge médicale de l'autonomie », a déploré le député PS Jérôme Guedj.

Elle illustre la « déconnexion totale du gouvernement », a estimé la députée RN Joëlle Mélin, tandis que le député LR Thibault Bazin a regretté l'absence d'une « pleine compensation de l'inflation ». Deux amendements socialistes ont notamment été adoptés : l'un prévoit de rendre automatique l'annulation de la prise en charge des cotisations sociales d'un professionnel de santé coupable d'une fraude. Et l'autre précise que la totalité de cette prise en charge doit être annulée dans ce cas. Au total, près de 2.800 amendements ont été déposés pour ces travaux en commission, prévus à ce stade jusqu'à ce jeudi, mais qui pourraient se prolonger vendredi.

Arrivée du projet de loi dans l'hémicycle la semaine prochaine

Pour 2024, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), jugé « austéritaire » par la gauche, prévoit un déficit de 11,2 milliards. Le gouvernement vise 3,5 milliards d'économies sur les dépenses de la branche maladie. Avec notamment des baisses de prix des médicaments et des mesures de « responsabilisation »des professionnels de santé et des patients, qui pourraient inclure une hausse des franchises médicales.

Face à la hausse des dépenses liées aux arrêts de maladie, l'exécutif veut renforcer les contrôles. Mesure décriée, le médecin contrôleur mandaté par l'employeur pourra suspendre le versement des indemnités aux patients lorsqu'il estimera l'arrêt injustifié. Une mesure prévoit par ailleurs la possibilité de rendre obligatoire, en cas de ruptures d'approvisionnement d'un médicament, la délivrance à l'unité par les pharmaciens plutôt qu'une boîte entière. Dans le domaine hospitalier, le texte amorce une réforme de la tarification à l'acte.

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Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 doit arriver mardi prochain dans l'hémicycle sans les amendements adoptés en commission, qui devront être redéposés. Le gouvernement aura quoi qu'il en soit le choix de ceux qu'il retient ou rejette, s'il déclenche comme attendu le 49.3 pour une adoption sans vote.

La première partie du PLF 2024 adoptée sans vote

Le 18 octobre, Sans attendre l'examen des articles, Élisabeth Borne est venue mettre fin au suspense mercredi à l'Assemblée en dégainant le 49.3 sur la partie « recettes » du budget de l'Etat 2024. « Aujourd'hui, le constat est clair : aucun groupe d'opposition n'est prêt à voter ce projet de loi de finances. Or, notre pays a besoin de ce budget », « clé de voûte de nos politiques publiques », a-t-elle justifié devant l'Assemblée nationale.

Un point de vue partagé par Thomas Cazenave, lors d'un point presse : « Nous n'avons pas le choix que d'utiliser le 49.3, parce qu'il n'y a pas de budget alternatif possible avec des oppositions dont les demandes sont irréconciliables ».

L'année dernière, la Première ministre avait laissé les débats se tenir une semaine dans l'hémicycle. Mais cette fois, elle les a interrompus avant même l'examen de l'article liminaire, qui inscrit notamment dans la loi la prévision de déficit public. Il avait été rejeté en commission tout comme l'ensemble de ce volet recettes. Néanmoins, Thomas Cazenave met en avant un dialogue approfondi tenu avec Bercy ainsi qu'à l'occasion de la commission.

« Le projet aujourd'hui retenu est différent du projet initial du gouvernement. Nous avons retenu plus de 300 amendements, ce qui est nettement supérieur au nombre d'amendements parlementaires retenus l'an dernier », a-t-il estimé.

(Avec AFP)

Commentaires 4
à écrit le 19/10/2023 à 17:34
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Je me demande comment on a pu confier la gestion de la SECU dont le budget doit être, si je ne me trompe, entre deux et trois fois celui de l'Etat au couple gouvernement-parlement qui n'est toujours pas, depuis cinquante ans, capable d'équilibrer les...

à écrit le 19/10/2023 à 15:52
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Non, ce n'est pas sans impact. L'industrie cherche justement ces profils qui gagnent plus de 2,5 fois le smic. Par contre baisser de 50% le nombre de députés, hauts fonctionnaires et hautx commissaires aurait un impact très positif.

le 19/10/2023 à 19:44
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@Adieu BCE. Ça fait bien longtemps que les capitaines d'industrie ont disparu du paysage économique au profit des financiers à la position de "shareholder value" dans les industries. En restant ainsi solidement ancré sur votre position consistant à v...

à écrit le 19/10/2023 à 15:50
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A quand revenu égal impots égaux .LIBERTE EGALITE FRATERNITE !!!! toutes les exonerations n'ont pas de sens exemple cheque vacances prime ceci prime cela souvent pour les nantis des gros groupes MAIS LES AUTRES ?

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