Article publié le 11.10.2023 à 6h34, mis à jour le 11.10.2023 à 15h43
C'est l'invitée surprise du projet de loi de finances 2024 : la chaudière à gaz. Alors que le texte du gouvernement vient d'arriver en commission des Finances de l'Assemblée, la Fédération française du bâtiment, qui porte la voix des professionnels, a communiqué, le 9, sur sa « fin programmée ».
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« Après avoir exclu les chaudières gaz des travaux éligibles à MaPrimeRenov', après avoir voulu les interdire pour ensuite faire marche arrière, les pouvoirs publics viennent de supprimer leur éligibilité aux primes CEE à compter du 1er janvier 2024 », écrit la FFB dans une déclaration transmise à la presse.
Les CEE, ou certificats d'économie d'énergie, reposent sur une obligation triennale de réalisation d'économies d'énergie imposée par les pouvoirs publics aux fournisseurs d'énergie. Ces derniers doivent financer au travers de primes des travaux parmi un catalogue validé par les autorités (isolation des murs, des combles...) dans le tertiaire, l'industrie, les collectivités et chez les particuliers. S'ils ne le font pas, ils s'exposent à des amendes proportionnelles à leur manquement.
Un arrêté du 4 octobre modifiant et créant des fiches d'opérations standardisées d'économies d'énergie dans le cadre du dispositif des CEE a en effet été publié au Journal officiel le 6 octobre 2023. Le présent arrêté supprime notamment la fiche BAR-TH-106 « Chaudière individuelle à haute performance énergétique ». Autrement dit, les chaudières à gaz à haute performance énergétique ne seront plus éligibles aux primes liées aux certificats d'économie d'énergie (CEE).
Un amendement gouvernemental serait en préparation...
Cela ne s'arrête pas là. Toujours selon la Fédération française du bâtiment, « un amendement gouvernemental au projet de loi de finance serait en préparation pour exclure les chaudières gaz du champ de la TVA à 5,5 % et les soumettre au taux de 20 %. Leur éligibilité à l'éco-PTZ se trouverait également menacée ».
« Supprimer toute forme d'aide financière pour cet équipement revient à détruire le pouvoir d'achat des ménages et à freiner l'atteinte de nos objectifs climatiques par pur dogmatisme, alors même que le gaz a clairement été favorisé il y a quelques années dans le neuf avec la RT2012 [réglementation thermique 2012] et que son verdissement est en marche avec le gaz vert produit en France », poursuit la FFB.
Selon une source proche du dossier, le gouvernement serait en effet prêt à déposer un amendement au projet de loi de finances 2024, comme évoqué par certains en septembre auprès de la FFB, non en commission, mais lors de l'examen en séance publique.
Interrogé par La Tribune lors d'un point presse sur le budget 2024 ce 10 octobre, le rapporteur général du budget, Jean-René Cazeneuve, député Renaissance du Gers, n'a pas confirmé ou infirmé un tel amendement gouvernemental mais a estimé qu'il ne fallait « pas arrêter du jour au lendemain ».
Ni Matignon, ni le ministère de la Transition énergétique n'ont répondu...
Sollicités, ni Matignon, où siège le secrétariat général à la planification écologique, ni le ministère de la Transition énergétique, n'ont répondu à nos demandes. Dans d'autres cabinets ministériels, cet amendement porte, selon eux, la patte du secrétaire général à la planification écologique, Antoine Pellion.
Les uns le qualifient de « techno qui ne connaît rien à la réalité du terrain », les autres de « dogmatique ». Des qualificatifs peu sympathiques déjà utilisés dans les couloirs du pouvoir lors de l'hiver 2018-2019, synonyme de taxe carbone et de « Gilets jaunes ». A l'époque, Antoine Pellion conseillait le président Macron sur l'environnement, l'énergie et les transports.
D'autant que le chef de l'Etat, lui-même, avait fait savoir, le 24 septembre, qu'il n'était pas question d'interdire l'installation de nouvelles chaudières à gaz, et ce alors que le gouvernement Borne avait lancé une consultation en ce sens avant l'été.
« On ne peut pas laisser nos compatriotes, en particulier dans les zones les plus rurales, sans solution », avait affirmé Emmanuel Macron, invité du 20 heures de TF1 et de France 2.
Et, en même temps, en se faisant l'avocat des pompes à chaleur: « c'est intelligent, ça fait des économies d'énergie et ça réduit très fortement les émissions », avait enchaîné le président de la République. Le lendemain, à l'issue du Conseil de planification écologique à l'Elysée, il lançait un objectif: 1 million de pompes à chaleur « made in France » d'ici à 2027. Vaste programme...
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Au lendemain de la publication de ces informations dans nos colonnes, Bercy a contacté La Tribune. Son message est limpide: « Nous sommes contre ». Autrement dit, le ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique et le ministre des Comptes publics, Bruno Le Maire et Thomas Cazenave, sont opposés à un relèvement du taux de TVA sur les chaudières à gaz.
Lors d'un brief presse sur Ma Prime Rénov' organisé ce 11 octobre, les ministères de la Transition écologique et de la Transition énergétique, ont, eux, botté en touche, renvoyant au projet de loi de finances.