Inflation : un nouveau ''quoi qu'il en coûte'' n'est pas justifié, juge le gouverneur de la Banque de France

Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, alerte le chef de l'Etat sur le « coût budgétaire significatif » des mesures annoncées pour lutter contre l'inflation. Selon lui, elles « devraient autant que possible demeurer temporaires et ciblées ». Il en appelle à une meilleure maîtrise de l'endettement public.
Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a adressé sa traditionnelle « lettre au président » aux présidents de la République, de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a adressé sa traditionnelle « lettre au président » aux présidents de la République, de l'Assemblée nationale et du Sénat. (Crédits : CHARLES PLATIAU)

Aider les Français. Oui, mais pas à n'importe quel prix. C'est en substance le message adressé par le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, aux présidents de la République, de l'Assemblée nationale et du Sénat, dans sa traditionnelle « lettre au président », transmise chaque année. Et cette année, ce courrier est intitulé « Comment réduire l'inflation ? ».

Alors que l'exécutif a déjà mis en place une série de dispositifs tels que la ristourne sur le carburant ou le bouclier tarifaire sur les prix du gaz et d'électricité, et qu'il prévoit de prolonger, une fois le projet de loi sur le pouvoir d'achat adopté, d'autres dispositifs de soutien au pouvoir d'achat des Français (revalorisation des prestations sociales, des pensions de retraite, du point d'indice des fonctionnaires ou encore la suppression de la redevance audiovisuelle), le gouverneur de la Banque de France estime que ces mesures ont un « coût budgétaire significatif » et elles « devraient autant que possible demeurer temporaires et ciblées ».

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« L'illusion de dépenses sans coût et sans limites est terminée »

La France « doit retrouver la maîtrise de son endettement public », estime-t-il. On est pourtant loin du compte. À la fin du premier trimestre 2022, la dette publique a grimpé à 114,5% du PIB, contre 112,9% à la fin de décembre 2021, selon les chiffres de l'Insee publiés fin juin. Quant à l'inflation, elle a atteint 5,8% au mois de juin sur un an, selon une estimation de l'institut de statistiques dévoilée le 30 juin. Selon l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) calculé par l'organe de statistique de l'Union européenne, Eurostat, elle atteindrait même 6,5%.

Si cette hausse des prix est en partie d'origine externe, avec la guerre en Ukraine qui a entraîné une flambée des coûts de l'énergie et des matières premières, elle est désormais également « interne » puisque l'inflation, hors énergie et alimentation, a atteint 3,3% en France (3,7% en zone euro), note François Villeroy de Galhau dans sa lettre. Or, la « diminution limitée » des marges des entreprises et le « ralentissement pour un temps » du pouvoir d'achat des ménages, « ne justifie nullement un nouveau ''quoi qu'il en coûte'' », estime le gouverneur de la Banque de France.

Alors que le pouvoir d'achat des ménages devrait diminuer de 1% en 2022, le gouverneur relativise cette baisse dans la mesure où elle succède à des années de hausse continue depuis 2013. Il souligne toutefois la nécessité de veiller au sort des plus défavorisés. Et d'ajouter : « du côté de la dette publique néanmoins, l'illusion de dépenses sans coût et sans limites est terminée ».

Afin de soutenir la croissance et de réduire l'inflation, Villeroy de Galhau prône des mesures pour « muscler notre capacité productive », plutôt que des politiques de soutien de la demande. Soulignant les enjeux de transition écologique et du numérique, François Villeroy de Galhau insiste sur le « défi » particulier de la France qui est aussi d'augmenter « l'offre de travail », via l'accélération de l'apprentissage et en ayant « davantage de seniors au travail » avec « une réforme des retraites juste, et un réel engagement des employeurs ».

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Pas de risque de récession pour l'instant

Dans sa lettre, le gouverneur en profite également pour rappeler les mesures prises par la Banque centrale européenne. Sa présidente, Christine Lagarde, a annoncé le 9 juin dernier que l'institution monétaire augmenterait ses taux directeurs de 25 points de base en juillet, suivi d'une nouvelle hausse en septembre. Ce resserrement de la politique monétaire a pour effet de faire remonter les taux d'intérêts dans les pays de la zone euro et donc de freiner la consommation pour tenter de faire redescendre les prix, l'objectif étant de ramener l'inflation à 2% en 2024. En conséquence, augmenter les taux coûtera plus cher pour les états, juge encore François Villeroy de Galhau qui a indiqué, ce jeudi, lors d'une conférence de presse : « Nous n'avons ni la nécessité, ni les moyens, d'avoir un soutien budgétaire massif, car la dette publique coûte aujourd'hui plus cher ».

« En l'absence de nouveau choc énergétique, la phase de normalisation ne provoquera pas une récession, les taux réels - déduction faite de l'inflation attendue - restant très favorables », veut toutefois rassurer François Villeroy de Galhau. Pour rappel, on considère que la récession intervient lorsque le produit intérieur brut (PIB) enregistre un recul deux trimestres consécutifs.

Les risques de récession accrus en 2023 selon le FMI

Ce jeudi, le président de la réserve fédérale américaine (Fed), Jerome Powell, s'est, lui aussi, voulu rassurant après que l'institution ait relevé ses taux de trois-quarts de points de pourcentage, soit la plus forte hausse depuis 1994. Selon lui, l'économie américaine reste « en assez bonne forme » et est capable d'absorber l'impact du resserrement des conditions de crédit tout en évitant la récession. Il a ainsi répété que la priorité de la politique monétaire américaine était de lutter contre l'inflation : « La plus grande erreur serait de ne pas réussir à rétablir la stabilité des prix », a-t-il assuré.

De son côté, le Fonds monétaire international (FMI) s'est montré moins optimiste. Sa directrice générale, Kristalina Georgieva, a indiqué, mercredi, que le fonds devrait revoir à la baisse, pour la troisième fois cette année, sa prévision de croissance mondiale pour 2022, à 3,6% actuellement. La situation ne devrait d'ailleurs pas s'améliorer en 2023. « Cela va être une année 2022 compliquée, mais peut-être encore plus compliquée en 2023 », a-t-elle indiqué, ajoutant que « les risques de récession sont accrus en 2023 ».

(Avec AFP)

Commentaires 7
à écrit le 07/07/2022 à 18:24
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Drôle de gouvernance économique que celle des macronistes, on fait des cadeaux aux pauvres, mais dans le même temps, on en fait encore plus aux riches, donc au final tous ces cadeaux ne servent à rien. Des effets d'annonces qui n'en finissent pas, av...

à écrit le 07/07/2022 à 18:08
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Après les tickets resto, les tickets carburants...quel système soviétiques qui prend d'une main et est obliger de rendre de l'autre pour inciter les gens à aller travailler.

à écrit le 07/07/2022 à 18:03
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L'augmentation de l'assistance ne permet que de mettre "la pompe a cash" en route parfaitement gérée par et pour les spéculateurs! Un blocage des prix a la consommation serait bien plus raisonnable pour assainir le système!

à écrit le 07/07/2022 à 18:00
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L'augmentation de l'assistance ne permet que de mettre "la pompe a cash" en route parfaitement gérées par et pour les spéculateurs! Un blocage des prix a la consommation serait bien plus raisonnable pour assainir le système!

le 07/07/2022 à 19:04
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Quand l'inflation vient de matières premières qui ne sont pas produits en France, bloquer les prix revient à créer une pénurie et un marché noir car qui voudra produire pour vendre sans en maitriser le prix des intrants ? Quelle raffinerie fabriquer...

le 08/07/2022 à 8:38
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Le blocage des prix anticipe le comportement du produit face au consommateur simplement!

à écrit le 07/07/2022 à 17:01
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Vous allez fâcher les Hôteliers, restaurateurs, qui espérer à nouveau cette mesure.

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