"La loi Pacte est un nouveau modèle économique pour la France" Roland Lescure

[Interview] Après plusieurs semaines de débats à l'Assemblée nationale, les députés s'apprêtent à voter le projet de loi Pacte censé favoriser la croissance et la transformation des entreprises. Le rapporteur général de la loi, Roland Lescure considère que ce texte va modifier le modèle économique de la France.
Grégoire Normand
Roland Lescure est député des Français.e.s d’Amérique du Nord depuis le 17 juin 2017.
Roland Lescure est député des Français.e.s d’Amérique du Nord depuis le 17 juin 2017. (Crédits : Reuters/Gonzalo Fuentes)

Alors que le vote solennel du projet de loi à l'Assemblée nationale a lieu ce mardi après-midi, le rapporteur général de la loi Pacte et député LREM des Français d'Amérique du Nord Roland Lescure revient sur le marathon parlementaire effectué ces derniers jours dans l'hémicycle. Arrivé récemment en politique, ce polytechnicien de formation, passé par la London School of Economics (LSE), a fait une bonne partie de sa carrière à la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) pendant huit ans, un fonds d'investissement public doté de 200 milliards de dollars d'actifs sous gestion sur les marchés publics et privés.

LA TRIBUNE - Alors que le projet de loi Pacte est en discussion au Parlement depuis le 5 septembre, quel bilan tirez-vous de ces dernières semaines ?

ROLAND LESCURE - C'est l'aboutissement de 12 mois de travail qui ont débuté par un travail de co-construction par des binômes de parlementaires et de chefs d'entreprises missionnés par Bruno Le Maire et une consultation publique en janvier pour aboutir sur la présentation du texte en Conseil des ministres le 18 juin 2018. L'Assemblée nationale a constitué une Commission spéciale début juin, présidée par Olivia Grégoire. La commission a entrepris des travaux d'auditions et de consultations pour aboutir à l'examen du texte début septembre en commission (1910 amendements discutés, 383 adoptés) et en hémicycle entre le 25 septembre et le 5 octobre (2429 amendements discutés, 343 adoptés) Je considère que le texte a été bien préparé après plusieurs semaines de concertations et d'échanges. On a réussi à faire passer quelques points importants comme l'entreprise à mission. On est passé d'un libéralisme traditionnel de la fin du 20e siècle à un renouveau du libéralisme. La place de l'État dans l'économie doit être repensée. On a par exemple revu la gouvernance de la Caisse des Dépôts et consignations pour la rendre plus opérationnelle tout en préservant le rôle du Parlement dans ses missions de contrôle. Sur les territoires, le rapprochement entre CNP Assurances et la Banque Postale devrait favoriser le financement des acteurs au niveau local. La loi Pacte est un nouveau modèle économique pour la France.

Qu'est ce que la loi Pacte change vraiment dans le modèle économique de la France ?

La place des consommateurs dans l'économie a changé. J'appelle ça le "consom'acteur." On a vu récemment que des clients se détournaient d'entreprises comme Starbucks ou Uber à cause de leurs pratiques. Ils veulent que les entreprises soient plus responsables. Les clients, les fournisseurs sont très demandeurs. Face à cela, il faut que les chefs d'entreprise mènent une stratégie gagnant-gagnant.

Vous revendiquez une certaine conception du capitalisme ?

Nous avons eu beaucoup de débats intenses avec des députés de la France insoumise comme comme Adrien Quatennens (député du Nord) ou Jean- Luc Mélenchon (député des Bouches-du-Rhône) notamment sur la définition de l'entreprise. J'ai été moi-même marqué par le communisme dans mon parcours lorsque j'ai grandi à Montreuil. Pour moi, le capitalisme moderne représente à la fois le meilleur et le pire. Il a permis de mettre fin à la Guerre froide, il a réduit considérablement le nombre de pauvres dans le monde. Pour le pire, le capitalisme a un rôle considérable dans le changement climatique ou la montée des inégalités. Dans ma démarche, je cherche à corriger ces conséquences qui représentent les deux défis du système capitaliste. Les chefs d'entreprises, les actionnaires, les consommateurs ont une responsabilité face à cela. Actuellement, nous utilisons des moyens palliatifs pour tenter de corriger les inégalités par des outils de redistribution par exemple. Je défends plutôt des moyens préventifs qui permettent d'éviter d'empirer ces situations. Je pense par exemple à la présence accrue des salariés dans les conseils d'administration. Je tiens à favoriser l'intéressement des employés dans les entreprises.

Les privatisations, sujet hautement explosif, n'ont pas suscité tant de polémiques. Comment l'expliquez-vous ?

C'est vrai qu'il n'y a pas eu tant de débats. Je considère qu'on a donné du sens à l'histoire. Le rôle de l'État n'est pas de toucher des dividendes issus des loyers payés par  les centres commerciaux ou des parkings situés sur les aéroports. L'État doit dorénavant favoriser l'innovation par des moyens décentralisés. Son rôle est bien de réguler et de protéger. Concernant les privatisations, l'État garde un contrôle sur le processus, ce qui lui permettra de garder un oeil sur la nature des investissements. In fine, c'est l'État qui décidera. Cela devrait nous protéger d'éventuels risques. Nous avons beaucoup travaillé pour qu'il y ait de la transparence vis-à-vis du Parlement. Nous avons prévu la création d'une délégation parlementaire à la sécurité économique. Son rôle sera de suivre toutes les opérations et de convoquer les ministres si nous avons besoin de précisions. C'est une vraie nouveauté.

La loi Pacte a parfois été comparée à un texte fourre-tout avec de nombreux articles. À plusieurs reprises, vous avez montré un attachement au contrôle de l'application de la loi. Avez-vous envisagé des moyens précis pour effectuer ce contrôle pour la loi Pacte ? Et si oui, lesquels ?

J'ai proposé un mécanisme ad hoc d'évaluation des dispositions essentielles du projet de loi. Cet amendement qui ne vise pas à remplacer les procédures d'évaluation classique de la loi a pour objectif de veiller à ce que certains éléments essentiels de la loi soient suivis par un comité d'évaluation. Ce comité d'évaluation permanent auprès du Premier ministre permettrait de réaliser notamment un tableau de bord de l'état d'avancement des ordonnances, d'un échéancier des mesures réglementaires et d'un bilan des effets macroéconomiques des réformes mises en place.

> Lire aussi : Toute la loi Pacte en 10 points clés

Grégoire Normand
Commentaires 4
à écrit le 10/10/2018 à 8:42
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CE n'est pas le premier politicien mythomane que l'on connaitra pas de souci, on ne lui en veut pas, le problème étant les médias de masse qui nous inondent des pathologies de ces gens là.

à écrit le 09/10/2018 à 23:03
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Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement. Ce n'est pas le cas pour cette loi. En gros, ca sent la loi Brexit et l'adaptation Neo libérale, mais pas vraiment la loi française. L'explication semble plus destinée à noyer le poisson qu'à expliquer quoi...

à écrit le 09/10/2018 à 20:57
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Dans les réponses de cet élu, on constate qu’il n’est jamais question de concurrence pour réguler le capitalisme mais de la seule intervention de l’Etat, qui, on le voit tous les jours, ne compte pas que des réussites à son actif. Loin de là......

à écrit le 09/10/2018 à 16:58
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Cher Comrade, oui la France est bien devenu un pays communiste a peine cache ou 97% des exportations sont assures par 1% de ses entreprises. Ces entreprises? Le CAC 40 etc toutes dirigées par le Nomenklatura (pardon Enarques), sociétés qui sont exem...

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