L'horizon se dégage enfin. Après près deux ans de pandémie, la reprise économique insuffle un vent d'optimisme chez les économistes. La plupart des instituts de prévision ont révisé à la hausse leurs chiffres de croissance du produit intérieur brut pour 2021. La Banque de France et le FMI tablent désormais sur une hausse de l'activité de 6,75% cette année.
Après ce choc inédit, quelle sera la trajectoire de la croissance française au-delà de 2022 ? Le Cepremap, un centre de recherche rattaché à l'école d'économie de Paris, projette une croissance de la richesse produite autour de 1,65% chaque année (1,35% par tête) entre 2017 et 2025 contre 1,5% (1,2% par tête) en moyenne sur la période 2009 /2017.
Les chiffres actualisés de l'étude du Cepremap dépassent même, pour les années 2021 et 2022, les prévisions de la Banque de France. En décembre 2019, avant la crise sanitaire, l'institution faisait état d'une hausse de la richesse produite annuelle de 1,3% en 2021 et 2022.
Au regard du plongeon de l'économie française en 2020 (-8%), cette trajectoire de croissance peut paraître surprenante.
"Les chocs ne sont pas de même nature que lors des crises financières. La persistance du choc est beaucoup plus faible. La France était déjà sur un régime favorable de croissance économique avant la crise" rappelle à La Tribune, François Langot, chercheur associé à Paris School of Economics (PSE), auteur de l'étude et professeur à l'université du Mans.
Les récessions en France sont généralement suivi d'un régime de croissance moins favorable comme l'expliquait l'économiste de Nostrum Asset Management Philippe Waechter interrogé récemment par La Tribune. "Après chaque récession, le niveau de croissance baisse un peu. Le taux de croissance est plus faible dans le nouveau cycle que dans l'ancien. Après une récession, il y a un coût permanent". Il rappelle que "depuis 2008, la croissance est très faible. La France a subi la récession de la zone euro. Depuis 2015, la croissance est plus robuste".
L'économie tricolore avait subi de plein fouet la grande crise financière de 2008 et la crise des dettes souveraines de 2012 en zone euro. Le scénario optimiste du Cepremap pourrait cependant être remis en cause par l'accélération du virus en Europe. Le Vieux continent est redevenu l'épicentre mondial de l'épidémie depuis quelques semaines.
Les aides ont permis un redémarrage plus rapide de l'économie française
Chômage partiel, PGE, fonds de solidarité, report des cotisations patronales... Dès le printemps 2020, le gouvernement a déployé tout un arsenal d'aides afin de limiter les effets de la crise sanitaire et du confinement sur l'économie française. Sans un déploiement rapide de ces dispositifs, les dégâts auraient été catastrophiques pour le tissu productif et le marché du travail.
L'économiste du Cepremap François Langot a calculé qu'en l'absence d'aide, l'économie hexagonale aurait perdu l'équivalent de 40,5% du produit intérieur brut de 2020, en plus de pertes observées. La sortie de crise aurait été repoussée de cinq trimestres et l'explosion de la dette aurait été encore plus considérable.
Selon le modèle du laboratoire de recherche, la dette aurait grimpé de 45 points sans les mesures du gouvernement.
"Les dépenses supplémentaires ont certes augmenté la dette mais elles ont permis de contenir cet accroissement de dette. La hausse de 15 points sous la crise n'est pas vraiment un problème. Ce qui est moins normal est de ne pas baisser la dette en dehors des périodes de crise," indique l'universitaire. "Vu que les taux d'intérêt sont proches de zéro et que la croissance serait à 1,65% après 2022, la charge de la dette ne devrait pas exploser", ajoute-t-il.
Une résilience de l'économie française plus importante qu'en 2008
La stratégie du "quoi qu'il en coûte" du président Macron s'est révélée moins dispendieuse que si rien n'avait été mis en œuvre. En 2009, la perte de PIB n'a jamais été rattrapée sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. En revanche, "l'économie française fait preuve d'une forte résilience. C'est un grand amortissage", rappelle François Langot.
Au dernier trimestre 2021, le PIB par tête a retrouvé son niveau de 2020. Cette résilience s'explique par la nature du choc avec des effets très spécifiques et une faible persistance. La crainte d'une onde de choc sur plusieurs années devrait finalement s'estomper rapidement si la propagation de l'épidémie n'empire pas à l'échelle de la planète.
"Le chômage partiel est une assurance"
Le déploiement massif du chômage partiel a permis de limiter les effets de la crise sanitaire sur le marché du travail. Ce mécanisme utilisé dans la plupart des grandes puissances européennes a permis aux entreprises d'ajuster le volume de travail sans licencier à tour de bras.
Le chômage a finalement très peu augmenté au pic de la crise et les situations de non emploi ont été rapidement résorbées.
"Ce chômage partiel est vraiment favorable à la reprise. Aux Etats-Unis, les entreprises ont licencié beaucoup de salariés. On voit bien que le marché du travail est un problème aujourd'hui outre-Atlantique. C'est un gain de temps important sur la reprise. En conservant les employés formés, le chômage partiel est une assurance", poursuit l'économiste.
Concernant les craintes sur les pertes de productivité liées à l'activité partielle, le chercheur n'est pas vraiment inquiet. "Enormément de travailleurs ont été en chômage partiel. La productivité par employé a chuté mais la productivité horaire est plus haute qu'avant la crise. Je ne vois pas pourquoi la France aurait perdu des places en termes de productivité. Le capital humain reste là", estime François Langot