Nitrate d'ammonium : la France représentait "8% de la consommation mondiale" en 2017

À l'origine des explosions au Liban mardi 4 août, le nitrate d'ammonium est très présent dans l'Hexagone. Ce produit est notamment utilisé dans les engrais pour l'agriculture.
(Crédits : © Jean Philippe Arles / Reuters)

Importatrice et productrice, la France est friande de nitrate d'ammonium, substance chimique à l'origine des explosions à Beyrouth, entourée d'une règlementation particulièrement stricte en Europe depuis le drame d'AZF en 2001.

8% de la consommation mondiale

La France consomme d'importantes quantités de nitrates d'ammonium, principalement pour l'agriculture sous forme d'engrais azoté, l'ammonitrate. Le reste est employé pour produire des explosifs, notamment dans le secteur minier et des travaux publics, avec une concentration plus élevée et donc plus dangereuse, selon le cabinet IHS.

En 2017, la France a importé 332.694 tonnes de nitrate d'ammonium et 823.727 tonnes de nitrate d'ammonium calcique (un mélange de nitrate d'ammonium et de carbonate de calcium) rien que pour les besoins de l'agriculture, selon l'Agence des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO). Elle représentait 8% de la consommation mondiale, selon la fédération internationale des fertilisants (IFA).

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Une dizaine de millions de tonnes de fertilisants minéraux sont utilisés en France sur une année, selon le ministère de la transition écologique, dont 5 à 6 millions d'engrais azotés.

Benoît Labouille, qui cultive en Gironde du maïs, du colza et des légumes, utilise ainsi chaque année "un peu plus de 10 tonnes" d'ammonitrate, "sur presque toutes les cultures en conventionnel", explique-t-il à l'AFP. Cet engrais est "très utile", dit-il, car "directement assimilable par la plante" qui a besoin d'azote pour se développer.

La quantité totale stockée en France varie fortement au cours de l'année. "Les engrais produits ne restent pas plus de quelques semaines sur les sites industriels, et sont consommés dans l'année", a expliqué à l'AFP un porte-parole de l'union des industries de la fertilisation (Unifa). "C'est un produit qui voyage très peu, on est vraiment sur du flux tendu en fonction des besoins agricoles."

108 sites sous surveillance

"Le risque zéro n'existe pas", assure-t-on à l'Unifa, "mais en France on a une industrie qui tend vers cela. A ma connaissance, en France, un stock d'ammonitrate qui soit resté six ans sans être contrôlé, surveillé, tracé, ça n'existe pas."

Près de deux décennies après l'accident meurtrier d'AZF à Toulouse, les explosions de Beyrouth ravivent pourtant les inquiétudes des associations.

"Les risques sont multiples", alertait mardi le président de Robin des Bois sur RTL. "Il y a sur les quais de Saint-Malo entre 3.000 et 4.000 tonnes de nitrate d'ammonium qui séjournent pendant plusieurs semaines avant que les camions viennent les charger et les distribuer dans les coopératives agricoles. Et il y a un risque camion aussi à ne pas négliger."

Depuis la fin des années 1980, le gouvernement a recensé dix incidents en France susceptibles d'avoir impliqué le nitrate d'ammonium, plus que dans n'importe quel autre pays. Le plus meurtrier reste celui de l'usine AZF à Toulouse, qui avait fait 31 morts et 2.500 blessés dans l'explosion de 300 tonnes de nitrate d'ammonium.

La législation européenne a été depuis renforcée, notamment pour le stockage, encadré par la directive Seveso 3. Dans l'hexagone, 108 sites classés Seveso stockent des ammonitrates. Le ministère de la Transition écologique recense 16 entrepôts Seveso haut (plus de 2.500 tonnes pour les ammonitrates les plus courants) et 31 sites Seveso bas (à partir de 350 tonnes de nitrate d'ammonium.

Lire aussi : Faut-il avoir peur des sites industriels classés Seveso en zone urbaine ?

Tests de détonabilité

Ilots de taille réduite et séparés, distanciation des sources de chaleur, détecteurs de fumée, nettoyages et surveillances régulières sont également imposés. De même que des critères techniques précis.

Pour les produits fortement concentrés en nitrate d'ammonium utilisés comme fertilisants, le règlement européen exige une épreuve de détonabilité. "Mais ces essais n'étant réalisés que sur quelques kilogrammes, un essai négatif ne signifie pas que le produit est incapable de détoner à plus grande échelle ou dans des conditions de stockage inadaptées ou dégradées", nuance Marie-Astrid Soenen, responsable à la direction des risques accidentels à l'Institut français de l'environnement industriel et des risques (Ineris).

Le nitrate d'ammonium explose au contact de produits incompatibles comme des combustibles, s'il est exposé à une forte source de chaleur, ou à la suite d'un impact violent avec un projectile.

Lire aussi : À Toulouse, l'explosion d'AZF effacée du paysage

Commentaires 12
à écrit le 11/08/2020 à 9:20
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"Cet engrais est "très utile", dit-il, car "directement assimilable par la plante" qui a besoin d'azote pour se développer.", effectivement, quand on sélectionne des semences qui produiront peu de racines, il est indispensable de déverser des tonnes ...

à écrit le 10/08/2020 à 15:27
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Au Liban plus de 2000 tonnes de ce produit ont été stockés dans le port pendant des années,le directeur du port est "un peu" responsable de cette situation

à écrit le 09/08/2020 à 11:41
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L'agro-industrie est née de l'industrie d'armement et notamment des bombes chimiques, oui ceci explique aussi cela, permettant de recycler les composants de ces bombes qui sont les produits avec lesquels arrosent leurs champs nos agriculteurs. Voi...

à écrit le 09/08/2020 à 0:24
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Un bien triste bilan que décrit cet article avec l'utilisation et le stockage à gde échelle en France de cette matière 1ere dangereuse à l'orée des villes ayant conduit à la catastrophe de Toulouse en 2001. Tt ça pour satisfaire les appétits féroces...

à écrit le 08/08/2020 à 20:04
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Ces chiffres sont trompeurs car pour apporter de l azote aux plantes en Europe et en France on utilise du nitrate d ammonium qui dose 33 % tandis ailleurs dans le monde on utilise de l urée qui dose 50 % mais qui est moins efficace et produit beaucou...

à écrit le 08/08/2020 à 14:43
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Eh oui, c'est un secret de polichinelle : nos gentils "petits producteur locaux" tellement mus et nous valeur sont parmi les plus gros utilisateurs DU MONDE de produits phytosanitaires et d'engrais chimiques... Tout compte fait, le bio en provenance...

le 08/08/2020 à 22:13
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Bonjour Jeff, il faut mettre le transport et les émissions de CO3 dans la balance... le bio local ça se développe et c’est encore mieux que le bio importé.

à écrit le 08/08/2020 à 0:12
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C'est amusant cet engouement soudain des journalistes pour le nitrate d'ammonium. Ces mêmes journalistes découvriront bientôt que le monde qui les entoure est plein de choses dangereuses: bouteilles de gaz, produits pétroliers, aérosols, batteries in...

le 08/08/2020 à 12:20
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"Ces mêmes journalistes découvriront bientôt que le monde qui les entoure est plein de choses dangereuses: bouteilles de gaz, produits pétroliers, aérosols, batteries inflammables, cigarettes, couteaux, fourchettes, baignoires" Sauf que tout ces ...

le 08/08/2020 à 16:36
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@ multipseudos: "Il y a environ 8 milliards d'êtres humains sur terre." Mais dis moi tu es un véritable génie ?! "Dans 10 ans, nous serons 10 milliards minimum." LOL ! Et toi tes sources elles sont ou ? "La surface agricole terrestre ...

à écrit le 07/08/2020 à 18:44
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"un mélange de nitrate d'ammonium et de carbonate de calcium" ce mélange n'est plus explosif ? Est plus stable ? Si oui pourquoi devoir gérer le danger du produit pur ? Un bateau norvégien n'a pas explosé à Brest en 1920 ou 1940 et qq ? Sûr que rajo...

le 08/08/2020 à 17:54
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On mélange du nitrate d ammonium avec carbonate de calcium pour fertiliser des champs avec un PH acide, le mélange permet un seul passage dans les champs , on peut aussi le mélanger avec de la potasse ou du phosphore , du soufre et autres oligo-éléme...

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