Pesticides : le gouvernement assouplit encore les règles sur les cultures de betteraves

A quelques semaines de la présentation du plan de réduction des pesticides Ecophyto, le gouvernement a annoncé une nouvelle dérogation aux betteraviers. Ces derniers pourront utiliser davantage d'un insecticide afin d'éviter la contamination des betteraves à la jaunisse.
Le risque de jaunisse de la betterave provoquée par les piqûres de pucerons est présenté comme très élevé.
Le risque de jaunisse de la betterave provoquée par les piqûres de pucerons est présenté comme très élevé. (Crédits : Reuters)

Voilà une nouvelle réponse à la colère des agriculteurs. Ce vendredi, la ministre déléguée auprès du ministre de l'Agriculture Agnès Pannier-Runacher a annoncé mettre en place une dérogation aux betteraviers pour utiliser davantage un insecticide permettant de lutter contre les pucerons responsables de la maladie de la jaunisse, très dommageable pour la production de sucre.

« Cette année, les betteraviers pourront désormais faire jusqu'à 5 passages de Movento » au lieu de « 2 passages aujourd'hui », a indiqué Agnès Pannier-Runacher, interrogée sur l'antenne de France Bleu Nord.

En raison d'un hiver doux, le risque de jaunisse de la betterave provoquée par les piqûres de pucerons est présenté comme très élevé. Les producteurs de betterave, principalement situés dans le Nord et le Pas-de-Calais, actuellement en pleine période de plantation, s'inquiétaient. Ils pourront donc désormais « faire d'abord trois passages, et si le puceron est toujours présent, deux supplémentaires », a indiqué Agnès Pannier-Runacher à propos du Movento (spirotetramate). L'usage du Movento pourra se faire en plus de l'épandage d'un autre insecticide, le Teppeki (flonicamide).

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La jaunisse inquiète les betteraviers

Les betteraviers craignent que, sans ces molécules, leurs rendements chutent à cause de la jaunisse transmise par des pucerons. Ils gagent que les industriels devront se fournir à l'étranger pour fabriquer du sucre, de l'alcool ou du bioéthanol, avec des betteraves cultivées sans les « contraintes » françaises et européennes. En 2020, le virus de la jaunisse avait détruit un tiers de la récolte en France, premier producteur européen de sucre. Le risque est d'autant plus important cette année que depuis 2023, les néonicotinoïdes, des pesticides tueurs d'abeilles, utilisés également pour lutter contre la jaunisse de la betterave, sont interdits en France. Une interdiction décidée au niveau européen, qui avait suscité la colère des agriculteurs, faute de suffisamment d'alternatives.

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Ce vendredi, le risque sanitaire et économique a donc été priorisé sur les conséquences environnementales par l'exécutif. La ministre s'est néanmoins défendue de faire un compromis sur la santé publique, jugeant que les pesticides qui avaient un « impact avéré sur la santé publique » étaient déjà interdits.

Bras de fer entre agriculteurs et écologistes

Reste que cette nouvelle dérogation est un pas en arrière dans la stratégie de réduction des pesticides. Pour rappel, le gouvernement prévoit de réduire de moitié l'usage des pesticides à l'horizon 2030 par rapport à la période 2015-2017, grâce notamment à l'accélération du développement de solutions alternatives.

Il devrait notamment établir sa nouvelle stratégie dans la présentation de son plan de réduction des pesticides appelé Ecophyto en avril. Ce plan de réduction des pesticides a été au cœur des revendications des agriculteurs lors de leur récente mobilisation. Les pesticides restent considérés comme un « moyen de production » par une majorité d'agriculteurs qui refusent de s'en passer « sans solution alternative » alors que leurs usages sont censés considérablement diminuer d'ici 2030. Dans le détail, le plan français Ecophyto 2030 maintient l'objectif de réduction de moitié des usages (par rapport à la période 2015-17), mais veut aussi préserver la compétitivité en cherchant des solutions alternatives à 75 molécules — représentant près de 80% des volumes vendus en France, selon l'Inrae — qui sont les plus exposées à un risque de retrait du marché dans les 5-7 prochaines années.

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Pour les syndicats agricoles majoritaires, ces changements ne sont donc « pas du tout simples » et se solderaient par une chute de la production ainsi que la destruction des filières. Ils dénoncent surtout des « distorsions énormes de concurrence » au sein de l'UE, jugeant que la France est allée seule plus loin et trop vite. Du côté des écologistes en revanche, le discours est tout autre. A l'occasion d'une réunion à Matignon, mi-mars, réunissant le Premier ministre Gabriel Attal et les principales associations de défense de l'environnement, ces dernières ont notamment fait entendre à Gabriel Attal leur « colère » contre ses « reculs » écologiques depuis cette crise, obtenant la promesse d'être de nouveau écoutées mais sans encore avoir reçu de « signaux clairs ». Il ressort de la réunion, qui a duré deux heures environ, que « nous sommes encore dans le temps de la négociation », résumait au sortir de la rencontre le président de la Ligue pour la protection des oiseaux, nombre d'arbitrages étant encore attendus jusqu'au sommet de l'Etat.

(Avec AFP)

Commentaires 11
à écrit le 06/04/2024 à 9:12
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La dictature de BAYER. L'emprise directe de l’obscurantisme sur nos vies.

à écrit le 05/04/2024 à 20:05
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"la présentation du plan de réduction des pesticides Ecophyto" on est arrivés au combien ? 3, 4ème plan ? Sans succès. Il FAUT, pour chaque produit supprimé, donner LES moyens de faire sans et sans avoir un rendement inférieur du moins trop imprévis...

le 06/04/2024 à 2:43
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"Il FAUT, pour chaque produit supprimé, donner LES moyens de faire sans et sans avoir un rendement inférieur du moins trop imprévisible." Le rendement est un faux problème pour peu que la production nationale puisse satisfaire la demande intérie...

à écrit le 05/04/2024 à 19:38
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La betterave rouge crue contient des quantités relativement importantes d'acide oxalique. Cette substance est connue pour faire augmenter le risque de calculs rénaux. Les personnes souffrant de problèmes rénaux ou de calculs rénaux devraient donc évi...

le 05/04/2024 à 20:09
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Celles de l'article sont blanches, je pense, celles qui servent à produire du sucre et donc de l'éthanol. Légume cru, méfiance (à part les carottes, la salade (pas en sachets, toute prête, pollution mesurée par une association de consommateurs)).

à écrit le 05/04/2024 à 17:32
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Le flonicamide est un PFAS, un de ces polluants éternels dont on connait la rémanence dans les milieux naturels. Comme toujours, les industriels fabiquant ces poisons promettent sur la base d'études partielles qu'ils sont totalement inofffensifs - co...

à écrit le 05/04/2024 à 17:27
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Vive l'empoisonnement de tous pour les profits de quelques uns via l'épuisement des terres agricoles et l'abus de pesticides afin de maximiser des exportations subventionnées par nos impôts... C'est tout simplement scandaleux!

à écrit le 05/04/2024 à 16:19
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comme l a dit Sarkozy, l ecologie ca commence a bien faire. Macron vise l electorat de Sarko : les vieux. donc bye bye l ecologie. Et il ser aplus president quand on aura des problems apres avoir bien pollué (cf les sources d eau comme evian qui doiv...

à écrit le 05/04/2024 à 12:14
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Premièrement avons nous besoin de tant de betteraves à sucre. Ensuite la nature est la solution et les pesticides l’exception. Ces pesticides détruisent toutes les solutions que la nature pourrait appliquer si de la vie était organisée dans ces gigan...

à écrit le 05/04/2024 à 12:14
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Traiter des betteraves pour faire du sucre...passe encore pour cette fois ! MAIS pour faire du bio ethanol ou de l'alcool, là on marche sur la tête 😬

à écrit le 05/04/2024 à 12:10
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Nous savions que la défense de l'environnement par ce gouvernement n'était qu'une "posture", du green washing. Avec les concessions faites aux agriculteurs de la FNSEA, FDSEA et de la Coordination rurale nous sommes confortés. Ces agriculteurs, éleve...

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