Sécurité sanitaire : l'agence de contrôle (Anses) confirme qu'elle garde la main sur les autorisations de pesticides

Lors d'une prise de parole au Salon de l'agriculture ce lundi, le directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a estimé que son institution gardait la main sur les autorisations de mise sur le marché des pesticides. Ce, malgré la volonté d'Emmanuel Macron d'harmoniser les décisions de l'agence avec les instances européennes.
(Crédits : Mike Blake)

Depuis le début de la crise agricole en France, où l'enjeu du contrôle des pesticides a été remis sur la table, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) était restée discrète. Mais ce lundi, son directeur général Benoît Vallet l'a fait sortir de son silence.

Prenant la parole au Salon de l'agriculture, le dirigeant estime, notamment, que les déclarations d'Emmanuel Macron, qui a dit vouloir « reprendre le pouvoir » sur le calendrier des autorisations de pesticides, ne « remettent pas en cause l'agence ».

Actuellement, « les autorisations de mise sur le marché (AMM) sont placées à l'agence et donc seule une nouvelle étape politique ferait que ces AMM seraient retirées à l'agence et replacées dans un autre type d'organisation. Pour l'instant on n'a pas d'élément qui nous ferait penser que c'est le choix du gouvernement », a tenu à rappeler le directeur général de l'Anses.

Harmonisation sur les calendriers européens

Pour rappel, samedi, le chef de l'Etat a répété vouloir éviter qu'un pesticide soit interdit en France avant le reste de l'Union européenne, pour ne pas créer de distorsions de concurrence. Une demande forte du syndicat agricole majoritaire, la FNSEA. Pour cela, Emmanuel Macron veut que l'Anses, mandatée depuis 2015 pour évaluer les pesticides et autoriser ou non leur mise sur le marché, prenne ses décisions en fonction du calendrier européen.

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L'Anses « travaille sur une base scientifique (...) et donc elle prend des décisions qui ensuite s'imposent à l'administration. (...) Moi je n'y peux rien (...) et donc on reprend le pouvoir en disant "On le fait au niveau européen" », a expliqué le président samedi. L'Anses ne voit là « rien de nouveau », l'exécutif ayant déjà évoqué son souhait « d'harmonisation des calendriers ».

Interrogé de nouveau sur le sujet par l'AFP ce lundi, l'Elysée affirme qu' « il n'y a pas de remise en cause de l'indépendance de l'Anses ». Et d'ajouter : « C'est simplement une volonté d'harmoniser au niveau européen la manière dont les choses se font pour éviter des surtranspositions par le biais d'études qui seraient faites en avance de phase par l'Anses et qui nuiraient à la compétitivité des agriculteurs français », a ajouté la même source.

Le gouvernement à même de contourner une autorisation de l'Anses ?

Si le fonctionnement de l'agence ne change pas, le gouvernement pourrait-il la contourner pour décider d'une autorisation contre son avis ? « Quand la décision de mise sur le marché relevait du gouvernement avant 2015, elle s'appuyait de toutes les façons sur des évaluations de l'Anses », qui tiennent compte des risques pour la santé et l'environnement, a souligné Charlotte Grastilleur, directrice générale déléguée de l'Anses.

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La haute fonctionnaire ne voit pas comment pourrait être décidé une AMM « avec une évaluation défavorable et un produit qui ne répond pas aux critères légaux ». « En l'état actuel des textes, on ne peut tenir compte du besoin d'une filière pour autoriser un produit qui serait très important pour elle, si le produit n'est pas conforme à la loi », a-t-elle rappelé. Sauf si le gouvernement décide d'une « dérogation de 120 jours » comme il l'a déjà fait à plusieurs reprises, notamment avec les néonicotinoïdes sur les betteraves.

L'autorité de l'Anses fragilisée, selon des élus

Votée en 2014, une loi avait confié à l'Anses la charge des autorisations sur le marché. Ces dernières années, plusieurs pesticides, comme l'herbicide S-métolachlore ou certains néonicotinoïdes, ont ainsi été interdits par l'agence en France, alors qu'ils restaient autorisés chez ses voisins européens.

Défenseur de l'Anses et rapporteur d'une commission d'enquête récente sur les pesticides, le député socialiste Dominique Potier voit dans les positions du gouvernement « une entreprise précise et minutieuse de destruction du plan [de réduction des pesticides, ndlr] Ecophyto, avec une mise en cause insidieuse de l'autorité scientifique ».

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« La commission d'enquête a montré que le seul moteur efficace de la dernière décennie, ça a été l'Anses et sa capacité d'expertise. Si nous touchons à cette institution, c'est tout l'effort déjà largement insuffisant de réduction des pesticides qui est menacé », a-t-il estimé, auprès de l'AFP.

Plus sévère, la députée écologiste Lisa Belluco pense qu' « il y a vraiment une volonté de reprise en main politique de toutes les agences (Anses, Ademe etc.), et de nier des arguments scientifiques ».

(Avec AFP)

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Commentaires 2
à écrit le 27/02/2024 à 8:43
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L'ANSES combien de cadavres dans les placards ?

à écrit le 26/02/2024 à 20:56
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Le résultat d'un "assouplissement " des règles sera que les agriculteurs seront encore plus considérés comme des "empoisonneurs". Il y aura suffisamment de monde pour le faire savoir.

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