
Le gouvernement l'a dit : il veut sauver l'équilibre financier du système de retraites, lequel devrait être déficitaire dans les prochaines années. Parmi les différents leviers, celui de repousser l'âge légal de la retraite de 62 à 64 ans est retenu par l'exécutif. Objectif : allonger la durée de cotisations des actifs, sans toucher au niveau des retraites, sauf à augmenter leur minimum à 85% du SMIC.
Plusieurs économistes, pas toujours critiques de la réforme du gouvernement, l'exhortent à réajuster le niveau des retraites, en plus ou à la place du report de l'âge. Parmi les solutions proposées, la contribution des retraités. Question : faut-il faire contribuer les retraités à l'équilibre du système de pension ?
Le recul de l'âge de départ à la retraite de 62 ans à 64 ans, avec des aménagements pour les personnes ayant commencé à travailler avant 18 ans ou qui ont exercé des emplois pénibles, est absolument nécessaire pour éviter d'augmenter le poids des transferts publics.
La France détient le record du monde de la dépense publique, tendanciellement à 57% du PIB dont 33% du PIB pour la protection sociale. Les pensions atteignent 14,5% du PIB contre 35% du PIB pour les salaires des travailleurs qui doivent également porter la jeunesse. La dépense publique en pourcentage du PIB est supérieure en France de 9 points de PIB à la moyenne de la dépense dans les 19 autres pays de la zone euro dont 7 points au titre de la seule protection sociale.
Le nombre d'actifs cotisants par retraité est passé de 4 en 1960 à 1,7 en 2019 et devrait tomber à 1,5 en 2040. On ne peut pas demander à chaque actif de porter en moyenne 0,6 retraité plus 1 jeune, soit 1,6 personne en plus de lui ou elle-même. Mais les retraités doivent également contribuer à l'équilibre des régimes de retraite de façon progressive par une sous-indexation des pensions face à l'inflation qui pourrait être calée sur le taux d'inflation moins 1% par an.
La forte hausse du minimum retraite prévue dans la loi en discussion au Parlement à 1.200 euros bruts par mois à partir de septembre 2023, pour un salarié ayant eu une carrière complète au niveau du salaire minimum, va contribuer à éliminer la pauvreté qui touche encore 1 retraité sur 7, sachant que les 6 autres ont un revenu supérieur à celui des actifs. De plus, les dépenses de santé des retraités, qui représentent plus de la moitié des dépenses de santé du pays, sont largement prises en charge par la collectivité.
La sous-indexation des pensions proposée ici, qui peut être qualifiée d'ajustement doux en comparaison avec d'autres propositions comme le plafonnement des retraites ou une forte augmentation de la CSG touchant spécifiquement les retraités, compléterait l'effet bénéfique du recul de l'âge de départ à la retraite qui permettra, non seulement de réduire le déficit des régimes de retraite, mais également d'augmenter le taux d'emploi des 60-64 ans qui est actuellement inférieur d'un tiers à celui de l'Europe du nord. Il faut rappeler que le travail est la seule source de création de richesses, le capital productif n'étant lui-même que du travail accumulé.
La retraite moyenne est aujourd'hui de 61,2 % du salaire moyen. Est-ce trop ? Selon le COR, le ratio retraite moyenne/salaire moyen diminuera à 59 % en 2032, puis 51,5 % en 2050, 45,4 % en 2070. La question n'est pas celle du déficit du système des retraites (un système par répartition peut toujours être équilibré en augmentant les cotisations ou en baissant les retraites), c'est celle d'un choix social que les travailleurs devraient pouvoir faire entre l'âge de départ, le niveau des retraites et le taux de cotisation. Choix que le gouvernement a tranché pour eux : hausse de l'âge de départ, baisse du niveau relatif des retraites avec l'objectif de baisser la part des retraites dans le PIB.
Certains acceptent cette baisse du niveau relatif des retraites ; ils proposent donc de baisser dès maintenant le niveau des retraites. Certes, les jeunes d'aujourd'hui risquent d'avoir des retraites encore plus faibles en termes relatifs, mais ce sont eux qui en décideront dans 20/30 ans quand ils seront aux manettes. Ils pourront choisir de maintenir le ratio pension/salaire en faisant passer à 16,5% la part des retraites dans le PIB, en augmenter de 0,25 point chaque année pendant 20 ans le taux de cotisation retraite, patronale plus salariale.
Certains croient faire une proposition novatrice : s'attaquer aux retraites déjà liquidées, les sous-indexer d'un point par an, ce qui à la longue frapperait lourdement les retraités les plus âgés. Mais les gouvernements ne les ont pas attendus. Durant les 7 dernières années, les retraites déjà liquidées ont perdu 6 % de pouvoir d'achat pour les plus basses; 8,4 % pour les autres, alors que les salaires augmentaient de 2,2% en pouvoir d'achat.
Le niveau de vie moyen des retraités est inférieur de 6,3 % à celui des actifs (y compris chômeurs). Certes, ces chiffres n'intègrent pas les « loyers implicites » dont bénéficient les propriétaires occupant leur logement, et les retraités sont plus souvent propriétaires de leur logement, mais ils supportent de fortes primes aux régimes complémentaires de santé (que les entreprises prennent en grande partie en charge pour les actifs). Rien ne justifierait que les retraités soient de nouveau, après 2030, la partie pauvre de la population comme ils l'étaient avant 1980.
Certes, il y a des plus de 65 ans très riches dans les grandes familles, dans ceux qui ont bénéficié de la hausse des prix de l'immobilier ou des cours de bourse. L'allongement de la durée de vie fait que les grandes fortunes restent aux mains des plus âgés. Mais cela ne concerne pas la masse des retraités. Si l'on souhaite réduire les revenus des retraités les plus riches, ce sont les patrimoines et les revenus du patrimoine qu'il faut cibler... et non les retraites.
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