La polémique est loin de retomber. Un mois jour pour jour après la décision de reporter la publication d'un rapport sur l'immigration irrégulière, le président de la Cour des Comptes est particulièrement remonté. Lors de ses voeux donnés à la presse jeudi 18 janvier, le magistrat a tenté d'éteindre l'incendie tant bien que mal. « La Cour a été l'objet d'accusations infondées », a tonné Pierre Moscovici. Initialement programmée le 13 décembre dernier, la présentation de ce rapport aux journalistes a été décalée au 4 janvier 2024, soit plusieurs semaines après l'adoption du texte controversé sur l'immigration à l'Assemblée nationale.
Cette décision avait provoqué une salve de critiques dans les rangs de la droite et l'extrême droite. Le président du groupe LR Olivier Marleix a jugé ce choix «scandaleux ». A quelques jours du verdict du Conseil constitutionnel sur ce texte décrié, la tension monte au sein du gouvernement Attal. Prévue le 25 janvier prochain, cette décision risque une nouvelle fois de raviver le malaise au sein de la majorité parlementaire. Plusieurs députés de Renaissance avaient mis en garde le gouvernement Borne sur les risques que font peser ce texte sur le quinquennat Macron.
« Neutralité » et « Impartialité»
Face aux flots de remarques depuis plusieurs semaines, la Cour des comptes tient absolument à défendre son statut et ses prérogatives. « Le calendrier de publications de la Cour relève du seul ressort de la Cour des comptes. Nous sommes maîtres de notre agenda de publication. La Cour est totalement indépendante », a expliqué l'ancien ministre de l'Economie dans une longue intervention.
Suspecté d'être aux ordres de l'exécutif et du parlement, Pierre Moscovici a tenu à mettre en avant le devoir de « neutralité » de la Cour. « Publier ce rapport à ce moment aurait été à une entorse à notre devoir de neutralité. Ce reproche n'aurait pas été infondé. Nous avons pris collectivement cette décision. Ce n'est pas par prudence excessive. C'est par une volonté de garantir la neutralité et l'impartialité de la Cour ».
L'ancien commissaire européen considère que « le message du rapport reste d'actualité». « En matière d'immigration irrégulière, il ne suffit pas de légiférer. Il faut agir ». Dans le document dévoilé début janvier, les magistrats avaient pointé une politique contre l'immigration irrégulière globalement « déficiente » « au regard des moyens importants qui lui sont alloués », soit 1,8 milliard d'euros annuel.
La Cour des comptes promet plus de transparence
Accusée d'opacité, la Cour des comptes a voulu mettre en avant ses efforts de transparence. « Désormais la Cour des Comptes publie tous les documents sauf ceux qui sont classés secret défense ou ceux qui sont sous le sceau du secret des affaires », a déclaré Pierre Moscovici. Lors de ses voeux pour l'année 2023, il s'était engagé à publier l'intégralité des rapports. « Auparavant, seul un rapport public était dévoilé par an quand j'ai commencé à travailler à la Cour des comptes. Quand je suis arrivé à la présidence (en 2020), 50 rapports étaient publiés. En 2023, plus de 180 rapports ont été rendus publics », a assuré le haut fonctionnaire.
Et les chantiers de l'institution sont nombreux en 2024. Outre le rapport annuel portant sur les finances publiques, d'autres devraient porter sur « les moyens de réaliser une transition écologique et énergétique « socialement juste », « la lutte contre la corruption »,« la fraude aux retraites à l'étranger », « le pantouflage, c'est à dire le passage du public au privé ». Un vaste programme.