Réforme de l'ISF et du PFU : « Sur l'investissement des entreprises, le comité n'a rien détecté » (Cédric Audenis, France Stratégie)

ENTRETIEN- Après cinq ans de travail et quatre épais rapports, le comité d'évaluation des réformes de la fiscalité du capital (Impôt sur la fortune, prélèvement forfaitaire unique) ne parvient toujours pas à détecter d'impact sur l'emploi ou l'investissement des entreprises. En revanche, il souligne une hausse des créations d'entreprises. Le principal rapporteur Cédric Audenis revient pour La Tribune sur les principaux enseignements de ce vaste travail.
Grégoire Normand
Cédric Audenis a été conseiller économique au cabinet du Premier ministre entre 2014 et 2017.
Cédric Audenis a été conseiller économique au cabinet du Premier ministre entre 2014 et 2017. (Crédits : Thierry Marro)

LA TRIBUNE- Le comité d'évaluation des réformes sur (*) la  fiscalité du capital  vient de rendre son quatrième et dernier rapport de plus de 300 pages. Quel bilan tirez-vous de ces différentes mesures mises en place après toutes ces années d'investigation ?

CEDRIC AUDENIS- L'instauration du prélèvement forfaitaire unique (PFU) a eu dès 2018 un effet très fort sur le versement de dividendes. Malgré les craintes, il a permis d'annuler son coût budgétaire les premières années. L'augmentation de l'assiette fiscale a contrebalancé les pertes de recettes fiscales. En outre, il n'y a pas eu de redénomination des revenus : quand on regarde l'ensemble des contribuables qui ont reçu plus de 100.000 euros de dividendes, leurs revenus d'activité n'ont pas baissé.

Le second résultat important est que ces réformes ont permis à la France de rentrer dans le rang au niveau international de l'imposition du capital financier. Depuis 2018, il y a une claire inversion des départs à l'étranger. Chaque année, ce phénomène se confirme. Il y a des retours plus importants que les départs.

Quelles ont été les répercussions de ces réformes sur l'économie, l'investissement et l'emploi depuis 2018 ?

En 2021, le comité d'évaluation avait conclu qu'il n'arrivait pas à détecter d'effet de ces réformes sur les entreprises dont les actionnaires avaient le plus bénéficié du PFU ou de la suppression de l'ISF. On ne voyait pas d'effet sur l'investissement ou sur la masse salariale.

Dans une nouvelle étude commandée à l'institut des politiques publiques (IPP), nous regardons dans quelle mesure l'augmentation du rendement du capital après impôt généré par ces réformes a un impact sur les créations d'entreprises. En moyenne, on trouve que le taux de création est supérieur dans les secteurs les plus exposés à ces réformes.

Sur l'investissement des entreprises directement exposées aux réformes, le comité n'a rien détecté. S'agissant de l'emploi, le précédent rapport de 2021 n'avait pas observé d'effet sur les entreprises les plus directement concernées.

Comment le patrimoine des ménages situés en haut de la distribution a-t-il évolué ?

Comme l'ISF a été remplacé par l'IFI, on n'a plus vraiment d'information sur le patrimoine financier des ménages les plus fortunés. Sur le patrimoine immobilier, nous voyons que les recettes sur l'IFI sont très dynamiques. Elles ont augmenté de 42% entre 2018 à 2022. Ce dynamisme est dû pour moitié au dynamisme de l'impôt moyen et pour l'autre moitié à la hausse du nombre de contribuables soumis à l'IFI.

Sur le patrimoine financier, les enquêtes de l'Insee donnent des informations sur le top1%, mais ne sont pas assez précises pour cerner les plus fortunés. Sur ce top 1%, le patrimoine a continué d'augmenter après 2017, mais pas plus que la moyenne. A partir des données disponibles à ce stade, on ne voit pas de comportement de réallocation entre immobilier et financier.

Ces réformes ont-elles favorisé les investissements immobiliers au détriment de l'investissement productif ?

Ces réformes ont réduit l'imposition du capital immobilier. Il est difficile d'imaginer un effet favorable à l'immobilier relativement au mobilier. Mais le comité ne détecte pas de réallocation massive en défaveur de l'immobilier.

Les auteurs du dernier rapport notent que malgré l'ISF, le système fiscal français n'était pas progressif pour les milliardaires, si l'on tient compte de leur revenu  non distribué. Que voulez-vous dire ?

Ce passage fait référence à une étude de l'institut des politiques publiques dévoilée en juin. Les plus fortunés ont le choix de se verser un revenu. Ils peuvent laisser les profits de l'entreprise dans l'entreprise et choisir de ne pas se verser de dividende. Ils peuvent également décider de se les verser via une holding. Dans ces deux cas, il n'est pas taxé au titre du PFU. L'IPP a montré que si l'on prend une vision extensive du revenu, incluant l'ensemble des profits réalisés par les entreprises possédées par les plus fortunés, le taux d'imposition chute fortement, et est nettement plus faible que pour le reste des contribuables. Il est toutefois à noter que l'utilisation de ce concept de revenu ne fait pas consensus au sein du comité pour mesurer la progressivité.

Avant 2018, il est clair que l'impôt sur la fortune ne remplissait pas ses objectifs en matière de progressivité. Pour limiter les effets négatifs de l'ISF, l'Etat avait mis en place des dispositifs dérogatoires comme les exonérations de biens professionnels ou des plafonnements. Cela réduisait la progressivité de l'ISF. Au-delà de 100 millions d'euros de patrimoine imposable, quasiment tous les plus fortunés étaient plafonnés, leurs revenus déclarés étant très faibles, relativement à leur niveau de patrimoine. Par exemple, pour les contribuables déclarant 100 à 200 millions de patrimoine, leurs revenus déclarés ne représentaient que seulement 0,2% de leur patrimoine.

Il y avait une forme de rétention des revenus qui n'étaient pas versés. Le plafonnement à 75% génère un taux d'imposition marginal des revenus à 75%. Cela a créé une très forte incitation à optimiser le montant de ses revenus déclarés : toutes choses égales par ailleurs, les ménages plafonnés se versaient moins de revenus que ceux qui étaient déplafonnés.

Propos recueillis par Grégoire Normand

(*) Transformation de l'impôt sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière, prélèvement forfaitaire unique, baisse de l'impôt sur les sociétés de 33% à 25%.

Grégoire Normand
Commentaires 19
à écrit le 20/10/2023 à 6:42
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Bonjour, en france l'ons constate que la fortine de nombreuses personnes est en augmentation depuis de nombreuses années. Malheureusement, comme la théorique du ruissellement est bidon, les salaires augmentation pas et les investissements dans le...

à écrit le 19/10/2023 à 23:35
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Donc la suppression de l'ISF n'a pas créé de perte pour le budget de l'état (car augmentation des dividendes versés qui sont taxés à 30%). En soi cette une information majeure, personnellement c'est la première fois que j'entends ça, car depuis 2017 ...

à écrit le 19/10/2023 à 10:31
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L’important n’est pas la course à la hausse ou à la baisse de la fiscalité, l’important c’est que la fiscalité soit au moins comparable à celle des Pays qui nous entourent pour que les investisseurs n’aient pas l’argument de la fiscalité excessive po...

à écrit le 19/10/2023 à 10:01
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Après les nombreuses concessions fiscales accordées aux multinationales cotées ces derniers lustres, et des artifices en veux-tu en voilà depuis 2010, la France crée un nouveau paradis fiscal pour attirer, cette fois, la "FIFA". Un amendement au proj...

le 19/10/2023 à 10:46
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De toute façon, la FIFA installée à l'étranger ne nous rapporte rien.

le 19/10/2023 à 18:34
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@marc469. La FIFA & les Fédérations sportives internationales!!! Comme si vos amis du gouvernement espéraient surfer sur la vague des JO 2024 pour se procurer par ce biais de maigres retours fiscaux😂Alors même que les JO 2024 - en terme de "retour ...

à écrit le 19/10/2023 à 9:44
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si j'etais de bonne composition, je pourrais leur apprendre a faire des etudes, mais le pb n'est pas la, on leur a pose une etude avec la conclusion a trouver, comme dans toutes les administrations, alors marche comme ca, l'idee sera in fine de toute...

à écrit le 19/10/2023 à 8:30
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Il faudrait cesser de nous parler de coût budgétaire et de dépense fiscale. Il est clair que, depuis cinquante ans, on nous bourre le mou à coups de redressement des finances publiques et qu'en réalité aucun effort n'a été fait en ce sens. Nos "élite...

le 19/10/2023 à 9:56
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Oui, les coûts de fonctionnement de nos administrations et la surpopulation administrative sont tellement exorbitants que se focaliser sur les effets d'une baisse d'impôts de quelques milliards et ne pas avoir un plan de réduction de ces coûts de que...

à écrit le 19/10/2023 à 7:58
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Nos dirigeants sont nuls.

le 19/10/2023 à 10:54
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@Dossier51. "Nos dirigeants sont nuls". Pas tout à fait, nos dirigeants sont les complices du "Crony Capitalism" (capitalisme de connivence). Désolé, mais c'est plutôt une grande partie de la "populace" qui se nourrit de sa propre ignorance. Elle se ...

le 19/10/2023 à 13:15
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"Elle se refuse d'ailleurs de voir le énième tournant opéré par la France post 2009" C'est vrai quand même c'est embêtant tout ces gens qui n'ont pas la science infuse ! C'est leur faute c'est sûr ! LOL !

le 19/10/2023 à 18:48
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@Dossier5. "C'est leur faute c'est sûr!" En grande partie bien évidemment, car personne n'empêche personne de se cultiver, de s'instruire, de faire des études supérieures. Bref s'interroger aussi sur le monde qui l'entoure. Et personne n'oblige perso...

le 20/10/2023 à 6:50
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"Un peu moins de la moitié de nos actes sont du fait de notre volonté, le reste l'est du fait du hasard" Nicolas Machiavel. La volonté est tout parce que nous ne pouvons rien contre le hasard sinon c'est ce dernier qui guide l'essentiel de nos vies, ...

le 20/10/2023 à 16:25
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@Dossier51. La vie reste la vie et à la même valeur de mon point de vue: de la naissance à trépas. Ce que les personnes font de cette immense richesse (un don) demeure un autre débat. Comme la valeur qu'ils attachent à leur propre existence. La vie n...

le 21/10/2023 à 8:46
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"La vie reste la vie" Et la mort c'est la mort ouais génial on avance... ^^ Tu te perds déjà en banalités.

à écrit le 19/10/2023 à 7:34
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On fait une étude du projet avant de distribuer l'argent du contribuable, pas après ! La création d'entreprises provient des chômeurs qui essaient de trouver une solution à leur situation désespérée. Il oubli de dire qu'en même temps, le nombre de dé...

le 19/10/2023 à 9:39
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@PAFO. En plein dans le mille🎯👏

le 19/10/2023 à 10:00
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Des entreprises qui ferment il y en a toujours eu (depuis 100 ans), et des entreprises qui se créent également. Ce qui compte c'est le nombre d'emplois concernés, s'il s'en crée plus qu'il ne s'en détruit, c'est positif, sauf si ce sont des qualifica...

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