
Après le succès du 19 janvier, journée qui avait réuni 1,12 million de manifestants selon le ministère de l'Intérieur, les syndicats s'étaient fixé de faire mieux pour leur deuxième journée. Le pari semble réussi : ce mardi 31 janvier alors que les huit organisations appelaient les Français à se mobiliser contre le report de l'âge légal de 62 à 64 ans pour le secteur privé, ils ont visiblement été entendus. Selon la police, il y avait 1,272 million de manifestants dans toute la France, dont 87.000 personnes à Paris. Un chiffre une nouvelle fois aux antipodes de ceux de la CGT, qui fait état de 2,8 millions de manifestants, dont 500.000 à Paris.
Selon les chiffres communiqués par les préfectures, ils étaient par exemple 14.000 à Rouen (contre 13.000 le 19) ou 28.000 à Nantes (contre 25.000). A Marseille, quelque 40.000 personnes ont défilé, contre 26.000 le 19 janvier. Une nouvelle fois, les villes moyennes semblaient en pointe avec 7.000 manifestants à Alès (Gard, 35.000 habitants) ou 8.500 à Angoulême (9.000 le 19).
Démonstration de force dans la rue
Pas de quoi rassurer le gouvernement, déjà pris par surprise, la semaine dernière devant l'ampleur de la mobilisation. L'exécutif avait pourtant parié sur une forme de lassitude des Français. Mais malgré l'inflation qui continue de grimper, la hausse des prix sur l'alimentaire qui dépasse les 13% sur un an, en janvier, ils ont été plus nombreux dans les cortèges.
Le taux de grévistes s'est toutefois érodé dans l'Education nationale, mais aussi dans les raffineries, ou chez EDF ou les transports. Souvent entre 5 et 10 % de moins. « Même s'il y a un peu moins de grévistes, ça ne veut pas dire que l'opinion est favorable à cette réforme », plaide encore la CFDT. » « Les Français rejettent massivement cette réforme qui n'est pas juste », répète Laurent Berger, qui écume les plateaux de télévision.
Mais le bras de fer se joue aussi à l'Assemblée
Si la démonstration de force dans la rue est importante, l'opposition à la réforme ne saurait, toutefois, s'en tenir là. C'est tout le pari de Laurent Berger, le patron de la CFDT, qui s'est imposé dans ce conflit comme le leader de la contestation. Le successeur de François Chérèque mise beaucoup sur le débat parlementaire. Alors que le texte est examiné en commission des affaires sociales depuis lundi, la bataille bat son plein dans les couloirs feutrés de l'Assemblée nationale.
« Une forte mobilisation peut faire douter les députés, notamment de la macronie, ou encore de la droite » , explique l'entourage du syndicaliste réformiste. Et d'ajouter : « Il faut que les députés aient plus peur des citoyens, des électeurs qui les interpellent dans leur circonscription que d'Emmanuel Macron et Elisabeth Borne qui leur donnent une consigne. »
Aussi, la CFDT multiplie t-elle, en marge des journées d'actions aux côtés des autres syndicats, les rencontres avec les groupes parlementaires. « Nous allons voir les députés un à un, excepté ceux du Rassemblement national », confie un membre de la centrale de Belleville.
Fracturer la majorité
Et pour cause, sur le terrain, les élus rapportent de fortes réticences des citoyens. Même à droite, alors que les militants étaient pourtant favorables à un recul de l'âge de départ, ils se montrent aujourd'hui partagés. « Ils nous disent que ce n'est pas le moment de faire ce type de réforme , qu'ils n'arrivent pas à payer leurs factures, que le pays est trop divisé, qu'on ne prend pas assez en compte les problèmes d'emploi des seniors ... », rapporte par exemple Maxime Minot, député LR, qui ne votera pas la réforme en l'état.
Même inquiétude du côté des députés Renaissance : « On voit des femmes actives se détacher de la macronie, car elles vont y perdre des trimestres au titre de la maternité », rapporte un élu qui préfère garder l'anonymat. Persuadé de voter le texte il y a encore quelques semaines, il doute désormais : « il y a plein d'angles morts dans notre réforme, c'est vrai, et bien sûr que nous craignons tous le vote sanction, la prochaine fois, au profit de LFI ou autre. »
Même s'il affiche une certaine fermeté, et s'efforce de rester serein, le gouvernement est fébrile. « Est-ce que la droite va trahir l'accord que nous avons passé ? », s'inquiète un ministre proche du dossier. « Est-ce que Renaissance va rester soudée ? », demande un autre.
C'est sur ces faiblesses que l'organisation de Laurent Berger compte bien appuyer. « On va continuer à se mobiliser, et on essaiera de convaincre l'opinion et j'espère les Parlementaires qu'il ne faut pas voter ce report de l'âge légal à 64 ans », assurait-il en tête de cortège ce mardi après-midi à Paris.
Les syndicats doivent se retrouver ce soir après la mobilisation pour décider des suites à tenir. Une prochaine journée devrait être décidée très vite.
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