Retards de paiement, regain de tensions : l'alerte du médiateur des entreprises

La crise de l'énergie et la guerre en Ukraine ont ravivé les tensions entre les entreprises en 2023. Résultat, les sollicitations auprès du médiateur de Bercy ont bondi et les retards de paiement ont de nouveau augmenté. Face à ce regain de tensions, Pierre Pelouzet a tiré la sonnette d'alarme sur les dégâts provoqués par ce fléau.
Grégoire Normand
Le médiateur des entreprises, Pierre Pelouzet.
Le médiateur des entreprises, Pierre Pelouzet. (Crédits : Bercy)

L'électrochoc de la guerre en Ukraine continue de faire trembler l'économie française. Deux ans après le début du conflit, les entreprises tricolores doivent toujours faire face à de vastes difficultés. L'inflation a certes ralenti dans la plupart des secteurs de l'économie française. Mais le coup de frein de l'activité pèse toujours sur le moral des dirigeants.

Et le bilan du médiateur des entreprises dévoilé ce jeudi confirme cette conjoncture morose. L'année dernière, les sollicitations et demandes auprès du médiateur ont bondi de 15%, passant de 3.677 à 4.300. Ces résultats sont loin du record de 2020 au pic de la pandémie à 22.800.

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Ils restent toutefois bien supérieurs aux chiffres enregistrés sur la période 2010-2019. « Il est important de souligner un réel changement de paradigme qui s'est opéré après la crise de la Covid-19 »souligne l'organisation dans un communiqué. Au moment du confinement au printemps 2020, le médiateur Pierre Pelouzet avait dû affronter une avalanche de sollicitations inédite.

A l'époque, un très grand nombre d'entreprises étaient plongées dans l'inconnu. Depuis, la crise sanitaire a disparu des inquiétudes des chefs d'entreprises. Pressées par l'inflation et le durcissement des conditions financières, les entreprises doivent désormais appuyer sur le frein de l'activité. « Face aux chocs, la solution est de passer par le dialogue. D'où l'explosion des sollicitations », a déclaré Pierre Pelouzet, lors d'une réunion avec journalistes au ministère des Finances.

Des retards de paiement en hausse

Lors de la présentation du bilan 2023, Pierre Pelouzet a sonné l'alerte sur les délais de paiement. « On pensait qu'on avait gagné la bataille des retards de paiement. En 2019, le délai moyen était tombé à 10 jours », a rappelé le fonctionnaire. En pleine crise sanitaire, les retards avaient grimpé à 17 jours. « J'avais dû appeler de nombreux chefs d'entreprises et directeurs financiers pour leur dire de payer leurs fournisseurs. En 2023, on était tombé à 12 jours. Et là, ça repart à la hausse », a-t-il poursuivi.

Cet allongement des délais de paiement peut avoir des répercussions néfastes sur le tissu productif hexagonal. « Les entreprises qui subissent l'inflation ont une trésorerie qui diminue. Elles doivent rembourser les PGE. Si un grand compte public ou privé paie en retard, cela peut mettre en difficulté de nombreux prestataires. Je trouve cela terrible de devoir en reparler », a-t-il souligné.

S'agissant des secteurs, la médiation n'a pas apporté de précisions chiffrées. « L'Etat est devenu un bon payeur, selon l'observatoire des délais de paiement », a précisé Pierre Pelouzet. « En revanche, les collectivités locales ou les hôpitaux sont au même niveau que le secteur privé ». Sur l'utilisation du « name and shame », il a reconnu que « c'est un outil utile, mais je préfère que les gens rentrent dans des démarches responsables plutôt que de les clouer au pilori ».

L'énergie, premier motif de sollicitation

Sans surprise, l'explosion des prix de l'énergie en 2022 et 2023 a poussé de nombreuses entreprises a sollicité les services de médiation. Ce sujet a représenté 15% des sollicitations. « Beaucoup d'entreprises ont dû faire face à des renouvellements de contrats et n'avaient pas le choix », a rappelé à La Tribune Pierre Pelouzet. Beaucoup d'entre elles sollicitent la médiation pour sortir de ces contrats, mais elles s'exposent à « des pénalités ». « On peut essayer de trouver des compromis », a fait valoir le médiateur.

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L'autre motif important de sollicitations concerne les aides aux entreprises. Face aux conséquences de la pandémie et de la guerre, le gouvernement avait mis en œuvre les aides du « quoi qu'il en coûte » (PGE, fonds de solidarité, chômage partiel, subventions, bouclier énergétique, report de cotisations et prélèvements). La fermeture progressive du robinet des aides et la reprise des activités dans les tribunaux de commerce ont provoqué des remous chez les entreprises les plus fragiles.

En première ligne pendant ces années de crise, le médiateur explique que « le flot des saisines sur les dossiers entre les bailleurs et les commerçants se poursuit ». D'ailleurs, le commerce est le secteur qui interpelle le plus souvent les services de Bercy avec 12% des saisines. Viennent ensuite la construction (10%), l'hôtellerie-restauration et l'immobilier (8%). La crise qui secoue la construction risque de ne pas arranger les choses.

Grégoire Normand
Commentaires 4
à écrit le 22/03/2024 à 14:59
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En parlant de retard de paiement: Si vous avez pour habitude de recevoir votre salaire en fin de mois, sachez que votre paie de mars risque d’arriver un peu plus tard que d’habitude.En effet, comme le rapporte le Journal du geek, les virements ba...

à écrit le 21/03/2024 à 20:26
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L’Etat n’a pas amélioré ses délais de paiement. Si facialement il paye à 30 jours, la réalité est toute autre. Le circuit infernal administratif des bons de commandes rajoute des délais et empêche de facturer alors que les livraison sont faites. L’é...

le 21/03/2024 à 23:28
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j’ ai travaillé dans les 2 secteurs privé et public en compta fournisseur : je vous répondrai que les entreprises privées ne sont pas toujours les vertueuses sur les délais loin de la …Elles manquent de rigueur et tardent à déposer leur factures dem...

à écrit le 21/03/2024 à 20:26
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L’Etat n’a pas amélioré ses délais de paiement. Si facialement il paye à 30 jours, la réalité est toute autre. Le circuit infernal administratif des bons de commandes rajoute des délais et empêche de facturer alors que les livraison sont faites. L’é...

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