Tensions commerciales : opération séduction du ministre chinois du Commerce en visite à Paris

Wang Wentao va rencontrer le ministre français de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire ainsi que des membres du Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC) et des dirigeants d'entreprise français. La visite du ministre chinois, qui précède celle de Xi Jinping qui devrait venir en mai, a pour but d'apaiser les tensions commerciales entre les deux pays.
Wang Wentao, en visite en France devait rencontrer, ce lundi, le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire.
Wang Wentao, en visite en France devait rencontrer, ce lundi, le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire. (Crédits : Tingshu Wang)

[Article publié le lundi 8 avril, à 16h23, mis à jour à 16h35]Le ministre chinois du Commerce veut désamorcer la situation. Wang Wentao, en visite en France devait rencontrer, ce lundi, le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire, ainsi que des membres du Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC) et d'autres dirigeants d'entreprises. Une visite qui précède celle du président Xi Jinping prévue en mai à Paris dans le cadre du soixantième anniversaire des relations diplomatiques franco-chinoises. Un déplacement appelé à être largement consacré aux tensions commerciales entre Bruxelles et Pékin.

Et pour cause à l'occasion d'une réunion trilatérale, ce lundi, avec ses homologues allemand Robert Habeck et italien Adolfo Urso, Bruno Le Maire, a soulevé l'idée d'une « préférence européenne » dans l'attribution des marchés publics, visant ainsi les produits chinois. « Le déficit commercial entre la Chine et l'Europe a été multiplié par 3 en 10 ans, en passant de 100 à 300 milliards d'euros, il faut donc, à mon sens, savoir s'il ne faut pas réserver les marchés publics à des produits "made in Europe", ou avoir un contenu européen dans les appels d'offres, de 40, 50 ou 60%, ou imposer des normes de qualité ou des normes environnementales les plus strictes sur les produits dans les marchés publics », a-t-il lancé.

Pour tenter d'apaiser les tensions, le ministre chinois a entamé sa tournée européenne dimanche à Paris, où il a rencontré le président en exercice de l'Association des constructeurs européens d'automobiles (Acea) et le directeur général de Renault, Luca de Meo, a dit à Reuters une source proche du dossier. La rencontre des représentants de ce secteur n'est pas anodine puisqu'il est au cœur des tensions commerciales entre l'Europe et la Chine.

Lire aussiFace à la Chine, Bercy dégaine ses propositions pour muscler l'industrie européenne

Conflit autour des subventions chinoises à l'automobile

Pour rappel, la Commission européenne a ouvert une enquête pour déterminer s'il convient d'imposer des droits de douane sur les importations de véhicules électriques chinois afin de protéger les constructeurs automobiles européens. Les conclusions devraient être rendues d'ici au mois de novembre. Pékin conteste le fait que l'essor de ses constructeurs de véhicules électriques soit lié à des subventions qui les rendent beaucoup plus compétitifs face à leurs concurrents et accuse l'Union européenne de « protectionnisme ».

Lire aussiL'Union européenne exige un rééquilibrage des relations commerciales avec la Chine

Dimanche, le ministre chinois aurait donc écouté les revendications des constructeurs français. Selon la source de Reuters, Luca de Meo a insisté sur l'importance du principe de réciprocité entre les deux pays, et plaidé pour des programmes de développement communs de R&D sur de futures technologies, comme la chimie des batteries, afin que l'Europe rattrape son retard sur la Chine, qui a une génération d'avance dans les véhicules électriques. Au cours de cette table ronde à laquelle participaient dimanche les constructeurs automobiles chinois BYD, Geely et SAIC, le ministre a réitéré la position de Pékin selon laquelle les entreprises chinoises de véhicules électriques ne dépendent pas des subventions pour obtenir un avantage concurrentiel.

Pourtant, vendredi, la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a affirmé que les subventions versées par Pékin à l'industrie représentaient « un risque pour la résilience économique mondiale », en créant une « surcapacité » de production. « L'aide directe et indirecte du gouvernement est en train de conduire à une capacité de production qui excède largement la demande intérieure de la Chine, ainsi que ce que le marché mondial peut supporter, a estimé la ministre des Finances devant la communauté du commerce américaine à Canton, affirmant que cela représente un risque pour la résilience économique mondiale. » Des accusations sans fondement, a répondu le ministre chinois. Ce dernier a également affirmé que le gouvernement chinois soutiendrait activement les entreprises pour sauvegarder leurs droits et intérêts légitimes.

Pékin contre-attaque sur les spiritueux

La rencontre de Wang Wentao avec les représentants de la filière des spiritueux répond aussi à la deuxième partie des tensions commerciales. Quelques semaines après l'annonce de l'UE, Pékin a ouvert à son tour une enquête antisubventions visant les importations de cognac. Martell & Co, filiale de Pernod Ricard, la société Jas Hennessy & Co du groupe de luxe LVMH et E. Remy Martin & Co de Rémy Cointreau, sont notamment visés par l'enquête chinoise. A noter, Wang Wentao a aussi rencontré dimanche des représentants de l'industrie cosmétique française, dont Hermès et L'Oréal, ont dit à Reuters deux sources du secteur.

Les industriels français tentent de dialoguer avec l'officiel chinois car l'enquête de Pékin pourrait avoir des conséquences sur les producteurs européens exportateurs. En 2022, la Chine a importé plus d'eau-de-vie de vin que tout autre spiritueux, indique un rapport du cabinet Daxue Consulting, et la plupart des importations venaient de France. Une mauvaise nouvelle, alors même que dans l'Hexagone, le Cognac et autres spiritueux ont vu leurs exportations fortement ralentir avec la crise inflationniste. Rien que pour le Cognac, les exportations ont baissé de 19% sur la campagne 2022/2023, après trois années fastes.

Des enquêtes européennes qui se multiplient

Si les deux puissances tentent de dialoguer, dans les faits, les tensions ne cessent d'augmenter. Début avril, la Commission européenne a annoncé avoir ouvert deux enquêtes anti-subventions contre des consortiums de fabricants de panneaux solaires, impliquant des filiales de groupes chinois, dont Longi, un mastodonte du secteur, à l'heure où les Vingt-Sept cherchent à muscler leurs parcs d'énergies renouvelables tout en réduisant leur forte dépendance à la Chine dans l'éolien et le solaire.

Ces derniers mois, Bruxelles cumule les enquêtes sur les entreprises chinoises. Le 14 mars dernier, la Commission européenne avait déjà ouvert une « enquête formelle » visant le géant chinois du commerce en ligne AliExpress. Ce dernier soupçonné de ne pas avoir respecté ses obligations en matière de lutte contre la vente de produits dangereux comme des faux médicaments.

Mi-février, la Commission européenne a aussi annoncé l'ouverture d'une enquête contre CRRC Qingdao Sifang Locomotive Co, une filiale du géant chinois CRRC, numéro 1 mondial du ferroviaire. Celle-ci est soupçonnée d'avoir bénéficié de subventions en Chine lui permettant de fausser le marché intérieur de l'Union européenne.

(Avec Reuters)

Commentaires 5
à écrit le 08/04/2024 à 20:19
Signaler
Si les USA mettront des droits douaniers de 50% sur les principales importations de Chine je ne vois pas comment on pourrait nous laisser inonder par leur surproduction dirigiste prête à ruiner leurs propres entreprises et qui n'a rien à voir avec le...

à écrit le 08/04/2024 à 20:18
Signaler
Si les USA mettront des droits douaniers de 50% sur les principales importations de Chine je ne vois pas comment on pourrait nous laisser inonder par leur surproduction dirigiste prête à ruiner leurs propres entreprises et qui n'a rien à voir avec le...

le 09/04/2024 à 2:17
Signaler
L'arrogance de l'impuissant. Vous etes lamines et refusez toujours votre situation va empirer, soyez-en assure. Vous ne faites tout simplement pas le poids. 1,5 milliards contre 65 millions, vous voyez le rapport ?

à écrit le 08/04/2024 à 19:16
Signaler
Pour mieux connaître la Chine, lisez les trois récits de Jean Tuan : "Un siècle chinois" (chez CLC Éditions) évoque le parcours de son père chinois arrivé en France en 1929, leur voyage en Chine en 1967 lors de la Révolution culturelle et les incroya...

à écrit le 08/04/2024 à 17:30
Signaler
La Chine (et la Russie) sont des dictatures qui font semblant de jouer avec les règles du jeu communes, alors qu'en fait elles s'en affranchissent et jouent avec leurs propres règles. CECI dit, les US et l'UE ne se sont pas privés non plus de subvent...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.