LA TRIBUNE DIMANCHE - À votre arrivée à Bercy, vous avez annoncé votre intention de mieux gérer l'immobilier de l'État. Quels résultats avez-vous obtenus en 2023 ?
THOMAS CAZENAVE - Ma priorité, c'est la sobriété. Nous devons céder des mètres carrés et réduire les dépenses énergétiques dans nos bâtiments. C'est vertueux pour la planète, ça l'est aussi pour les finances publiques. L'an dernier, les résultats ont été remarquables. Nous avons vendu 645 biens pour une valeur de 280 millions d'euros, soit une hausse des recettes de 37 %. Par exemple, l'ancienne école d'architecture de Nanterre [11 millions d'euros], un centre de vacances à Saint-Raphaël [9 millions], un bâtiment du ministère de la Culture à Paris [65 millions]. C'est très encourageant pour la suite.
Le marché de l'immobilier va mal, quels types d'acheteurs avez-vous convaincus ?
Il y a tous les types d'acquéreurs car les biens sont très variés : cela va de la petite parcelle de champ achetée par le voisin à des bâtiments à plus de 10 millions d'euros pris par des investisseurs. La catégorie la plus importante est constituée de collectivités locales, qui exercent leur droit de priorité.
Dans nos colonnes [La Tribune Dimanche du 19 novembre], vous avez fixé l'objectif de réduire de 25% les surfaces occupées par l'administration. Où en êtes-vous ?
D'ici à 2032, la superficie par agent passera de 24 mètres carrés à 16 mètres carrés, ce qui est un standard. Nous n'allons pas uniquement céder des surfaces. Nous allons aussi quitter des locaux actuellement en location, ce qui permettra d'économiser à terme 1 milliard d'euros annuels en dépenses d'entretien et en loyers. Par exemple, à Melun, nous regroupons cinq sites en un seul, avec un chantier de rénovation considérable. On y libère 9 000 mètres carrés et on réduit la consommation d'énergie de 65 %. Il y aura des cessions, bien sûr. Nous estimons leur valeur potentielle à 5 milliards d'euros, sachant que l'État possède 190 000 bâtiments, soit près de 100 millions de mètres carrés. Nous pouvons aussi choisir de mettre en location certains espaces. Notre bonne gestion a permis, l'an dernier, d'augmenter de 20% les gains issus des loyers versés par les occupants du parc immobilier. C'est 1 milliard d'euros de recettes. L'ensemble de nos projets nécessite une réorganisation de la gestion immobilière de l'État. Actuellement, nous faisons face à une dilution des responsabilités. Les ministères ne sont pas assez incités à optimiser l'utilisation de leurs locaux, à partager les bureaux, à être plus sobres, à investir dans la rénovation énergétique, à valoriser le patrimoine qu'ils occupent. Nous allons donc créer une foncière pour l'État. C'est un changement de modèle : il y aura un propriétaire unique et des ministères qui louent leurs locaux.
Les dépenses de rénovation sont coûteuses et le déficit s'est creusé. Avez-vous les moyens de les mener ?
Ces chantiers permettent de réaliser d'importantes économies à terme. Le programme de rénovation a été lancé en 2017. Il a bénéficié d'un financement de près de 3 milliards d'euros venant de l'UE, je tiens à le souligner. Les travaux lancés depuis 2017 permettent d'économiser 1 TWh par an en consommation énergétique, soit l'équivalent des besoins annuels de Bordeaux. Nous avons lancé vendredi 1 200 nouveaux chantiers qui vont engendrer 200 GWh d'économies supplémentaires.
Gabriel Attal s'est dit favorable à la taxation des rentes, sans précision. Que voulait-il signifier ?
Le Premier ministre a proposé aux parlementaires de conduire un travail de réflexion, afin de rassembler les idées de notre majorité sur le sujet. Certains veulent que l'on ponctionne les profits, notamment chez les énergéticiens, d'autres préconisent de taxer les rachats d'actions. Beaucoup d'idées se sont exprimées. La méthode de travail doit permettre d'aboutir à des mesures solides. Nous sommes ouverts aux propositions, j'ai demandé aux services de Bercy de fournir aux parlementaires tout le soutien technique nécessaire.
La taxe sur les énergéticiens, qui ont réalisé des gains grâce à l'inflation, a rapporté 600 millions d'euros au lieu de 3 milliards. Il paraît acquis que vous allez la recomposer...
La Cour des comptes a indiqué que ce prélèvement n'était pas satisfaisant. Nous allons travailler sur le sujet.
Tout le champ de la fiscalité sur le capital est-il vraiment ouvert au débat ? Avez-vous des lignes rouges ?
Nous menons une politique cohérente et logique. Nous encourageons l'investissement et l'innovation, pour l'activité économique et la création d'emplois. C'est la ligne que nous poursuivrons dans le programme de stabilité qui sera présenté en Conseil des ministres mercredi 17 avril. Il n'est pas question de freiner cette dynamique par des impôts. Mais nous pouvons constater des situations peu optimales, qui ne correspondent pas à cette philosophie, et qu'il faudrait donc corriger. Ce n'est pas incompatible.