Bataille du pétrole de l’Essequibo : le Venezuela dénonce la présence et l’influence des Etats-Unis au Guyana

Alors qu'une réunion pour apaiser les tensions entre le Venezuela et le Guyana est censée se tenir ce jeudi, le président Nicolas Maduro a dénoncé l'ingérence des Etats-Unis dans ce conflit, et même l'ensemble de l'Amérique latine.
(Crédits : Reuters)

Le président vénézuélien Nicolas Maduro chauffé à blanc. Ce lundi, il a dit espérer débattre des « menaces » que représente selon lui « l'implication » des Etats-Unis dans le différend territorial sur l'Essequibo, lors du sommet avec son homologue guyanais Irfaan Ali, qui doit avoir lieu ce jeudi.

« J'espère que lors de cette réunion de haut niveau nous pourrons aborder les principales menaces qui pèsent sur la paix et la stabilité de nos pays, parmi lesquelles l'implication du Commandement Sud des Etats-Unis, qui a commencé ses opérations dans le territoire contesté », a déclaré le dirigeant vénézuélien dans une lettre publiée sur son compte X.

La présence américaine au Guyana est contraire à « notre aspiration à maintenir l'Amérique latine et les Caraïbes comme une zone de paix, sans conflit, sans ingérence d'intérêts étrangers », a ajouté Nicolas Maduro, dont le gouvernement s'est attaqué président guyanais, coupable d'avoir donné son « feu vert » à des bases militaires américaines au Guyana.

« Nous allons continuer à travailler avec nos partenaires au travers des nombreux exercices conjoints, et nous allons promouvoir tous les investissements en cours dans tous les départements et dans toutes les régions de ce pays qui sont sécurisés et qui continueront de l'être », a rétorqué ce lundi  Irfaan Ali, auprès de l'AFP.

Avant d'ajouter que les Etats-Unis, alliés de Georgetown (capitale du Guyana), ont affirmé leur « soutien inébranlable à la souveraineté du Guyana » et des exercices aériens ont été menés jeudi dernier.

Une rencontre décisive

Plus tôt dans la journée, le ministre vénézuélien des Affaires étrangères Yvan Gil avait indiqué devant la presse internationale que le Venezuela irait « à Saint-Vincent avec de grandes attentes et un grand désir de paix, de conciliation et d'esprit de travail ». « Le dialogue doit mettre fin à cette escalade », aspire le ministre, selon lequel « l'acceptation de participer au dialogue est déjà un profond succès ».

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Selon lui, d'éventuelles « formules » de « coopération en matière de pétrole et de gaz » pourraient être sur la table de négociations, soulignant que le Venezuela a travaillé « avec tous les gouvernements du Guyana jusqu'en 2015 », année de la découverte par le géant américain ExxonMobil de vastes gisements de pétrole dans le territoire contesté. Les récents appels d'offres du Guyana pour l'exploitation pétrolière dans la zone ont ravivé ce vieux conflit territorial.

La rencontre ce jeudi à 14h00 (GMT) est organisée sous l'égide de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) et de la Communauté des Etats latino-américains et caribéens (CELAC), dont la présidence tournante est assurée par le Premier ministre de Saint-Vincent-et-les-Grenadines.

Le Conseil de sécurité de l'ONU s'est réuni ce vendredi à huis clos pour débattre de l'Essequibo, mais aucun commentaire n'a filtré. La Russie, alliée de Maduro, qui a soutenu son homologue russe Vladimir Poutine dès les premières heures de l'invasion russe en Ukraine, a appelé à « des solutions pacifiques et acceptables pour tous ».

Le référendum de la discorde

Pour rappel, un référendum le 3 décembre organisé par Caracas a approuvé la création d'une province vénézuélienne dans l'Essequibo, Nicolas Maduro a ordonné à la compagnie pétrolière publique vénézuélienne (PDVSA) d'octroyer des licences d'exploitation de pétrole, de gaz et de minerais dans la zone contestée. Il a proposé de donner aux entreprises travaillant avec le Guyana un délai de trois mois pour se retirer de la zone et négocier avec le Venezuela. Le président guyanien a qualifié ces annonces de « menace directe » pour la sécurité du Guyana.

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La semaine dernière, un hélicoptère militaire appartenant au Guyana s'est crashé à une cinquantaine de kilomètres à l'est de la frontière vénézuélienne. Les causes de cet accident n'ont pas été élucidées. Suite à cet incident, Nicolas Maduro s'est exprimé avec ces termes menaçants : « Je présente mes condoléances au peuple guyanais et aux forces militaires, mais c'est un message de l'au-delà : ne jouez pas avec le Venezuela, celui qui joue avec le Venezuela se brûle. »

Une guerre peu probable, selon les experts

Malgré l'inquiétude internationale, les experts estiment que la situation ne risque pas de dégénérer en conflit armé. Soucieux de leur approvisionnement en pétrole à moyen et long terme, les Etats-Unis ont tout intérêt à ce que cette zone, toute proche et qui comprend les plus grands gisements du monde, reste stable. Jeudi dernier, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a affirmé son « soutien inébranlable à la souveraineté du Guyana ».

Face à l'escalade de tensions dans la région, le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a dit ne pas vouloir de « guerre en Amérique du Sud ». « Nous n'avons pas besoin d'un conflit, il faut construire la paix », a-t-il insisté la semaine dernière. Le chef d'Etat brésilien s'est imposé comme médiateur entre les différentes parties de ce conflit.

Un conflit de pétrole...

Depuis les dernières découvertes de pétrole en octobre, le Guyana possède désormais les réserves par habitant les plus élevées au monde, estimées à 11 milliards de barils, soit un niveau similaire à celui du Koweit. Depuis 2015, ExxonMobil a développé 63 projets de forage dans le bloc Stabroek, ce qui a conduit le Guyana à porter sa production à 600.000 barils par jour (bpj). Elle devrait atteindre 1,2 million bpj d'ici à fin 2027. Caracas estime que l'opération pétrolière se déroule dans des eaux disputées et accuse le président guyanien Irfaan Ali d'être un « esclave » d'ExxonMobil.

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Des appels d'offres guyaniens en septembre dernier pour des concessions pétrolières ont ravivé les revendications du Venezuela, qui, lui, possède les plus grandes réserves prouvées de pétrole au monde, soit 300 milliards de barils. Mais son industrie pétrolière est en crise, en raison d'une mauvaise gestion, de la corruption ainsi que des sanctions économiques. Sa production, en un peu plus d'une décennie, a chuté de plus de 3 millions bpj à moins de 400.000. La production remonte lentement et se situe autour de 750.000 bpj.

...mais aussi de frontières

Le Venezuela revendique aussi l'Essequibo, un territoire de 160.000 km2 administré par le Guyana. Il soutient qu'il lui appartient et que la véritable frontière est celle datant de l'empire espagnol en 1777.

Le Guyana, indépendant depuis 1966, estime que les frontières ont été actées en 1899, lorsque le Royaume-Uni était la puissance coloniale du territoire. Le différend est porté devant la Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute juridiction de l'ONU, que le Venezuela ne reconnaît cependant pas. A ce sujet, le président guyanais a réaffirmé : « Je suis catégorique, le différend territorial est devant la Cour internationale de justice, il ne fait pas l'objet de négociations et cela ne changera pas. »

(Avec AFP)

Commentaires 2
à écrit le 13/12/2023 à 8:05
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Puisque le Brésil veut parler bien fort au niveau international (BRICS, membre du conseil permanent, position sur le conflit au proche orient, etc.), qu´attend il pour prendre position, et surtout déployer son armée à la frontière ? car il est un des...

à écrit le 12/12/2023 à 12:49
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c'est tres curieux, mais en france y a pas de manifs d'indignation de gauche contre l'imperialisme et la colobisation des amis d'ultra gauche en amerique du sud!! et le melenChe est tres silencieux sur ses amis, car ils sont tolerants, ils n'ont mass...

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