Commerce : dans la tête de Donald Trump

Le président américain plonge le monde dans une guerre commerciale aux conséquences imprévisibles. Il s'est fait élire grâce à un discours flattant sa base, les classes moyenne et ouvrière blanches. Mais son protectionnisme économique s'inscrit dans une philosophie plus largement isolationniste.
Le deal maker aime à agiter la menace pour arriver à ses fins.
Le "deal maker" aime à agiter la menace pour arriver à ses fins. (Crédits : Reuters)

« Fuck the system » : c'est sur cette notion que Donald Trump s'est fait élire, le 9 novembre 2016. Contre le « marécage » de Washington, peuplé de lobbyistes ; contre « les riches » ; contre les immigrants, qui viennent voler le travail des bons Américains et font baisser les salaires ; contre les Chinois et les autres, qui inondent le pays de produits à bas coûts et désintègrent le tissu industriel traditionnel ; contre, enfin, les instances internationales, dont l'ONU, qu'il menace régulièrement d'assécher financièrement, et ses diverses émanations comme l'Unesco, dont les États-Unis se retireront à la fin de cette année, et le Conseil des droits de l'homme, dont ils ont claqué la porte le 19 juin dernier. De même, Donald Trump ne croit pas à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et bloque aujourd'hui la nomination de juges pour la cour d'appel de l'organe de règlement des différends, au point que cette instance ne pourra bientôt plus fonctionner...

Si le candidat Trump jouait sur du velours, face à certains citoyens oubliés par la reprise et « relégués » socialement comme culturellement, il puisait également à une source plus historique, celle de l'isolationnisme américain, né avec la guerre des colons contre l'Angleterre, moins en vogue depuis la Seconde guerre mondiale, mais qui resurgit périodiquement, à la faveur d'événements comme les attentats du 11 septembre 2001. N'a-t-il pas déclaré, en avril 2017, devant un parterre d'ouvriers, qu'il n'était pas « le président du monde » ?

Avec Trump, le protectionnisme n'est jamais loin de la politique

De fait, devenu président, Donald Trump a mis son discours en pratique. À commencer par l'isolationnisme et le protectionnisme commercial, puisqu'au lendemain de son arrivée à la Maison Blanche, il annonce, le 23 janvier 2017, le retrait des États-Unis d'un accord commercial transpacifique, le TPP, signé en février 2016 par 12 pays, mais excluant la Chine. Puis, il impose, le 2 février, une renégociation de l'Alena, accord commercial selon lui « désastreux », qui lie, depuis 1994, les États-Unis, le Canada et le Mexique. Les discussions sont toujours en cours.

Enfin, en janvier 2018, il commence à imposer des taxes sur certaines importations. D'abord sur les panneaux solaires (principalement en provenance de Malaisie et de Corée du Sud) et les machines à laver (majoritairement exportées par Séoul). Une façon pour Donald Trump, dans le cas des panneaux solaires, de donner des gages à ses supporters, anti-environnement, dans la droite ligne de son retrait, le 1er juin 2017, de l'accord de Paris sur le climat et de sa lutte pour ressusciter l'industrie du charbon.

Car avec Donald Trump, le protectionnisme n'est jamais loin de la politique. Et la politique, jamais loin du terrain local. Après avoir, à la fin 2017, arraché au Congrès une réforme des impôts qui va profiter en majorité aux plus fortunés, selon les calculs du centre de recherche indépendant Tax Policy Center, il lui faut donner de nouveau des gages à sa base, les classes moyenne et ouvrière blanches du centre du pays, alors que les élections de mi-mandat, considérées comme un référendum pour ou contre Trump, auront lieu le 6 novembre prochain. Et les Démocrates espèrent bien profiter des foucades présidentielles pour ravir aux Républicains la majorité au Congrès.

"Les guerres commerciales sont bonnes et faciles à gagner"

Dans ce contexte, quoi de mieux que de lancer une guerre commerciale, puisque métallos et syndicats réclament protection et que ses autres supporters soutiennent sans réserve « l'Amérique d'abord » ? Sans oublier que Trump, le deal maker, aime à agiter la menace pour arriver à ses fins. L'intimidation (avec l'insulte et le mensonge sur Twitter) fait en effet partie de ses passe-temps favoris.

Résultat, le 1er mars 2018, il annonce son intention d'imposer des taxes de 25% sur l'acier et de 10% sur l'aluminium importés. Le lendemain, il lance un tweet dans lequel il affirme que « les guerres commerciales sont bonnes et faciles à gagner »... Et si, dans un premier temps, le Canada, le Mexique et l'Union européenne sont exemptés, le 31 mai, leurs exportations d'acier et d'aluminium sont à leur tour taxées.

Mais la pression et le stress, que Trump aime à attiser, y compris à la Maison Blanche, pour mieux se hisser au-dessus de la mêlée, ne seraient pas complets sans un bras de fer avec la Chine. Le 22 mars, il annonce une série de mesures contre Pékin, allant de restrictions sur les investissements chinois aux États-Unis à des contrôles sur les importations de produits made in China, au nom de la « sécurité » des États-Unis, ou plus concrètement, pour protéger la propriété intellectuelle et les innovations américaines, en particulier dans les cas de transferts forcés de technologie appliqués par Pékin. Sans oublier le déficit commercial, d'un montant de 337 milliards de dollars l'an dernier, que les États-Unis enregistrent depuis des années vis-à-vis de l'empire du Milieu et que Trump veut effacer. Il demande d'ailleurs dans la foulée à Pékin de réduire le déficit de 200 milliards de dollars et menace d'imposer des taxes de 25% sur 50 milliards de dollars d'exportations chinoises.

La guerre, pourtant déclarée « en suspens » par le secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, le 20 mai, est loin d'être terminée. D'autant que le 15 juin, la Maison Blanche met ses menaces à exécution, en imposant des taxes de 25% sur 50 milliards de dollars de produits chinois. Les premières, sur quelque 34 milliards de dollars d'importations, prendront effet le 6 juillet. En retour, les Chinois fourbissent leurs armes, de même, d'ailleurs, que les Européens (qui se sont retrouvés, quelques jours plus tard, sous la menace de taxes de 20% sur les automobiles), sans oublier les Canadiens, les Mexicains...

Sans réel résultat : face à la menace de rétorsions chinoises, le président américain a simplement renchéri, en déclarant qu'il taxerait 200 milliards de dollars de produits made in China supplémentaires. La pression encore. L'escalade, toujours.

Un "instinct" infaillible

Certes, la guerre commerciale a de quoi séduire ses supporters, mais pourquoi déclencher pareille tempête, qui pourrait nuire aux échanges et à la croissance économique mondiale, sans compter les destructions d'emplois américains et une hausse des prix à la consommation ? Au-delà de la stratégie électorale de mi-mandat, que se passe-t-il dans la tête de Trump ?

Dans un contexte de reprise économique continue (avec un taux de croissance annuelle du PIB de 2,2% au premier trimestre 2018, même si Trump avait juré que la croissance s'envolerait à 4%) et de chômage en baisse (3,8% en mai 2018, son plus bas niveau depuis 18 ans), le président peut croire que ses actions n'auront pas d'effets négatifs « at home ». Son instinct ne l'aurait jamais trompé dans les affaires, dit-il. Reste que ses connaissances économiques sont limitées - et ses erreurs, nombreuses. Pis, persuadé qu'il sait tout, il se vante de n'écouter personne.

Quant à son équipe, elle est divisée sur le sujet. Les uns, comme Steven Mnuchin, un ancien de Goldman Sachs, l'homme d'affaires Wilbur Ross, secrétaire au Commerce, et Larry Kudlow, son nouveau conseiller économique, sont du côté du free trade, tandis que les autres, comme le représentant au Commerce, Robert Lighthizer, et Peter Navarro, le directeur du Conseil national du commerce de la Maison Blanche, sont des "anti-Chine". De quoi brouiller un peu plus les cartes et perturber une tactique peu pensée. Mais n'est-ce pas là la stratégie du chaos ?

Commentaires 11
à écrit le 11/07/2018 à 16:43
Signaler
2 choses : 1) je pense que Trump prend les Etats-Unis sont un entreprise. Un pays, c 'est infiniment plus complexe. 2) Il agit et fanfaronne là où il est le plus libre de le faire: la politique extérieure, parce qu'à l'intérieur, en revanche, il en f...

à écrit le 10/07/2018 à 16:47
Signaler
Nous avons comme habituellement la floppée d'analystes qui donnent leur avis sur les actions de M. Trump, mais depuis bien des années les spécialistes reconvertis en essayistes mot qui montrent que leur prévision ne sont que des supputations basées s...

à écrit le 10/07/2018 à 14:19
Signaler
La mode ces derniers temps c'était de dire que finalement on avait sous-estimé Donald Trump. C'est ça les médias, ils aiment aller à contre-courant sauf que sans vouloir être ironique ils le font tous en même temps. Trump a fait plier la Chine, Trump...

à écrit le 10/07/2018 à 14:03
Signaler
Une soit disant "guerre commerciale" vaut certainement mieux qu'une soit disant guerre au terrorisme factice!

à écrit le 10/07/2018 à 14:02
Signaler
Une soit disant "guerre commerciale" vaut certainement mieux qu'une soit disant guerre au terrorisme factice!

à écrit le 10/07/2018 à 8:46
Signaler
"De quoi brouiller un peu plus les cartes et perturber une tactique peu pensée." Une tactique "peu" pensée sans rire ? Vous croyez que la première puissance économique et commerciale du monde, le premier marché au monde, la première puissance de ...

le 10/07/2018 à 14:05
Signaler
Obama a fait du protectionnisme, de manière plus marquée et en même temps avec une certaine diplomatie et des alliances qui dissuadaient les autres de répliquer. Donc à côté le protectionnisme de Trump ne parait pas très inspiré.

le 13/07/2018 à 9:26
Signaler
Et donc vous êtiez où à ce moment là ? POurquoi le protetcionisme de Obama serait sain et pas celui de trump ? Votre cerveau est visiblement dérangé, trop de dogmes et de messes aliénantes certainement.

le 13/07/2018 à 9:26
Signaler
Et donc vous êtiez où à ce moment là ? POurquoi le protetcionisme de Obama serait sain et pas celui de trump ? Votre cerveau est visiblement dérangé, trop de dogmes et de messes aliénantes certainement.

le 13/07/2018 à 9:26
Signaler
Et donc vous êtiez où à ce moment là ? POurquoi le protetcionisme de Obama serait sain et pas celui de trump ? Votre cerveau est visiblement dérangé, trop de dogmes et de messes aliénantes certainement.

le 13/07/2018 à 9:26
Signaler
Et donc vous êtiez où à ce moment là ? POurquoi le protetcionisme de Obama serait sain et pas celui de trump ? Votre cerveau est visiblement dérangé, trop de dogmes et de messes aliénantes certainement.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.