« Vermines », « voyous », « traîtres », « vengeance »... Le champ lexical utilisé par Donald Trump ces dernières semaines pour désigner des migrants, d'anciens collaborateurs républicains ou des fonctionnaires du département de la Justice donne le ton de la campagne, au moment où sont lancées les primaires pour choisir les candidats des partis à l'élection présidentielle de novembre. Le marathon démarre dans huit jours avec le caucus de l'Iowa. Lundi 15 janvier, les adhérents républicains y choisiront celui qu'ils souhaitent voir affronter Joe Biden. Ce sera la première fois que Donald Trump se présentera devant des électeurs depuis qu'il a quitté la Maison-Blanche dans le chaos en 2021.
Hier, l'ancien homme d'affaires devait tenir deux meetings dans cet État agricole du centre des États-Unis. Avec 60 % de voix dans les sondages au niveau national, Donald Trump devance largement ses rivaux Nikki Haley et Ron DeSantis. C'est un peu moins le cas dans l'Iowa, mais Trump se préoccupe bien plus de récupérer les électeurs déçus de Joe Biden et de s'attaquer frontalement à « Joe-la-Crapule » qui lui a « volé » son élection en 2020.
Biden ne s'y est pas trompé. Lors de son premier grand meeting de campagne, vendredi en Pennsylvanie, le président n'a pas retenu ses coups. Dans un discours cinglant, il a fustigé celui qui « parle du sang des Américains qu'on empoisonne, dans un langage qui fait écho à celui employé dans l'Allemagne nazie », avertissant que si Trump revenait au pouvoir, il allait « détruire le fondement de la démocratie du pays ».
L'autoritarisme et le désir de vengeance de Donald Trump sont une menace pour la démocratie américaine, mais aussi pour l'Europe et l'Occident. « Ces élections sont très préoccupantes, car les enjeux sont énormes et que les deux hommes sont au coude-à-coude dans les sondages, analyse Laurence Nardon, responsable du programme Amériques de l'Ifri (Institut français des relations internationales). On peut craindre que cela ait des conséquences très importantes pour l'Europe. »
Fascination pour les autocrates
Les parlementaires républicains favorables à l'ex-président ont déjà réussi à bloquer des milliards de dollars pour l'Ukraine. La fascination de Trump pour les autocrates tel Vladimir Poutine ainsi que sa volonté d'abandonner l'aide à l'Ukraine une fois élu peuvent l'amener à forcer Kiev à négocier avec Moscou afin de mettre fin à la guerre. Et faire ainsi tanguer la relation transatlantique et entraîner un désengagement des États-Unis dans la sécurité européenne.
« Trump est un nationaliste qui refuse le processus supranational de l'Union européenne [UE], il va tenter d'établir des relations bilatérales avec des pays de l'UE comme lors de son premier mandat, à l'époque sans succès, explique Laurence Nardon, autrice du podcast "New Deal" coproduit par l'Ifri et Slate. Mais grâce à Poutine et son invasion de l'Ukraine, l'UE et l'Otan sont aujourd'hui plus solides. Avec les mécanismes d'aide d'urgence et les paquets de sanctions mis en place, l'UE a fait des progrès. L'Otan s'est resolidifiée depuis qu'elle a trouvé sa raison d'être dans la défense indirecte de l'Ukraine. La Finlande y est entrée et c'est en discussion pour la Suède. C'est une bonne nouvelle. »
Au Proche-Orient, Donald Trump sera un allié de Benyamin Netanyahou dans sa guerre contre le Hamas. La normalisation des relations de certains pays arabes avec Israël lors des accords d'Abraham s'est faite sous sa présidence. Chantre du repli et opposé au multilatéralisme, l'homme pratique une politique « transactionnelle » fondée sur des intérêts économiques. C'est « l'Amérique d'abord ». L'une des raisons du retour dans le jeu de l'Arabie saoudite après l'assassinat de l'opposant saoudien Jamal Khashoggi en 2018, que la CIA a pourtant attribué à Riyad, est financière.
Mais difficile d'évaluer aujourd'hui ce que sera la diplomatie d'un Donald Trump président. L'homme est imprévisible. Comme lorsqu'il avait annoncé dans une vidéo en décembre 2018 le « retour à la maison » des soldats américains déployés dans le nord-est de la Syrie pour combattre le groupe État islamique, sans avertir ses alliés occidentaux et arabes. Surprenant tout le monde, y compris ses militaires.