Escalade de tensions en mer Rouge : la Russie condamne les frappes des Etats-Unis et du Royaume-Uni au Yémen

Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont réalisé des frappes au Yémen, en réponse aux attaques menées par les rebelles houthis contre les navires de commerce depuis quelques semaines. La Russie et l'Iran ont fermement condamné ces frappes. L'Union européenne prépare, quant à elle, sa défense.
Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont mené des frappes dans la nuit de jeudi à vendredi, en réponse aux attaques menées ces dernières semaines par les rebelles Houthis du Yémen (photo d'illustration).
Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont mené des frappes dans la nuit de jeudi à vendredi, en réponse aux attaques menées ces dernières semaines par les rebelles Houthis du Yémen (photo d'illustration). (Crédits : Khaled Abdullah Ali Al Mahdi)

[Article publié le vendredi 12 janvier 2023 à 15h31 et mis à jour à 17h23]. La tension monte à l'international au sujet de la mer Rouge. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont réalisé des frappes dans la nuit de jeudi à vendredi, en réponse aux attaques menées ces dernières semaines par les rebelles Houthis du Yémen.

Car depuis quelques semaines, les rebelles s'en prennent, avec des drones, aux navires de commerce, dans le détroit de Bab el-Mandeb. Un point de passage stratégique reliant le golfe d'Aden à la mer Rouge, et situé juste avant le Canal de Suez. Résultat, le trafic du commerce maritime mondial se trouve fortement perturbé, obligeant les navires à faire un détour par le cap de Bonne-Espérance, en Afrique du Sud. A titre d'exemple, Tesla a annoncé vendredi suspendre pendant deux semaines sa production dans son usine européenne à cause de la hausse du coût et du temps de transport maritime dus à la modification des itinéraires des porte-conteneurs.

Les rebelles disent notamment agir en « solidarité » avec les Palestiniens de Gaza, depuis le début du conflit avec Israël. En réponse à ces attaques, les Etats-Unis ont monté une coalition internationale et déployé des navires de guerre pour protéger le trafic maritime dans cette zone où transite 12% du commerce mondial.

Lire aussiDétroit de Bab el-Mandeb : le cauchemar de l'industrie maritime mondiale

Cinq morts et six blessés

Les frappes occidentales ont ainsi visé des sites militaires dans la capitale Sanaa au Yémen, et les gouvernorats de Hodeidah, Taïz, Hajjah et Saada, a indiqué le porte-parole militaire des Houthis. Cinq personnes ont donc été tuées et six blessées parmi les rebelles, a-t-il ajouté, dénombrant « 73 raids » de « l'ennemi américano-britannique ».

Dans une déclaration commune, Washington, Londres et huit de leurs alliés parmi lesquels l'Australie, le Canada et Bahreïn ont, de leurs côtés, souligné que l'opération, menée dans un contexte de forte tension régionale, visait à la « désescalade » et à « restaurer la stabilité en mer Rouge ». Une opération menée « avec succès », a affirmé le président américain, Joe Biden, évoquant une action « défensive » pour protéger notamment le commerce international.

« Malgré les avertissements répétés de la communauté internationale, les Houthis ont continué de mener des attaques (...) Nous avons donc pris des mesures limitées, nécessaires et proportionnées en état de légitime défense », a déclaré de son côté le Premier ministre britannique Rishi Sunak.

Des avions de combat et missiles Tomahawk ont ainsi été utilisés pour l'opération anglo-américaine, ont indiqué plusieurs médias américains. Londres a dit avoir déployé quatre avions de combat Typhoon FGR4 pour frapper avec des bombes guidées au laser les sites de Bani et Abbs.

Au-delà de recourir à la force armée,  les Etats-Unis ont sanctionné vendredi deux transporteurs maritimes, l'un basé à Hong Kong et l'autre aux Emirats arabes unis, pour leur soutien financier aux rebelles Houthis du Yémen. Ces entreprises, Cielo Maritime et Global Tech Marine Services, transportent notamment « des produits iraniens pour le compte » des Gardiens de la révolution islamique, et « les revenus de la vente de matières premières soutiennent les Houthis et leurs attaques contre le transport maritime international dans la mer Rouge et le golfe d'Aden », indique le département américain au Trésor dans un communiqué.

Lire aussiPétrole : pas de pénurie en vue en France malgré les tensions en mer Rouge

Possible escalade

Mais certains pays condamnent ces frappes occidentales. C'est notamment le cas de la Russie, qui dénonce une opération menant à « l'escalade » et ayant des « objectifs destructeurs », un « nouvel exemple de la déformation par les Anglo-Saxons des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU et d'un mépris total du droit international ». Même son de cloche pour l'Iran, accusé de soutenir les Houthis et même de leur fournir du matériel. Téhéran a condamné vendredi les frappes, estimant qu'il s'agissait d'une « action arbitraire » et d'une « violation flagrante de la souveraineté » de ce pays. De son côté, la Chine se montre davantage réservée : Pékin s'est notamment dit « préoccupé », exhortant « les parties concernées à (...) faire preuve de retenue afin d'éviter une expansion du conflit ». Le président turc Recep Tayyip Erdogan évoque quant à lui une réponse « disproportionnée ».

Des avis non partagés par l'Otan qui parle de frappes « défensives » et appelle les rebelles à mettre fin à leurs attaques : « Ces frappes étaient défensives et visaient à préserver la liberté de navigation dans l'une des voies maritimes les plus importantes au monde », a indiqué Dylan White, porte-parole de l'Alliance. « Les attaques des Houthis doivent prendre fin », a-t-il martelé. De son côté, la France a estimé que les Houthis portent « la responsabilité extrêmement lourde de l'escalade régionale ».

Lire aussiMer Rouge : tensions maximales après « la plus importante attaque » des rebelles Houthis la nuit dernière

Les Etats-Unis ont également tenté d'apaiser la situation en indiquant que le pays ne « cherchent pas de conflit avec l'Iran », malgré les frappes américaines au Yémen contre les rebelles Houthis soutenus par Téhéran, a indiqué vendredi la Maison Blanche.

« Nous ne cherchons pas de conflit avec l'Iran. Nous ne cherchons pas une escalade et il n'y a pas de raison qu'il y ait une escalade au-delà ce qui a eu lieu ces derniers jours », a déclaré John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale sur la chaîne MSNBC.

Il a toutefois assuré, sur CNN cette fois, qu'il n'y avait « aucun doute » sur le soutien iranien aux rebelles yéménites. « Les Houthis appuient sur la gâchette mais ce sont les Iraniens qui fournissent le pistolet », a-t-il confié.

Les attaques, pas prêtes d'en finir ?

Malgré la défense de la coalition, les Houthis ne s'avouent pas vaincus. Un porte-parole des rebelles au Yémen, Mohamed Abdel Salam, a, en effet, affirmé ce vendredi que les Houthis continueront de cibler les navires liés à Israël en mer Rouge, en dénonçant les frappes américano-britanniques. « Il n'y a aucune justification à cette agression contre le Yémen, puisqu'il n'y avait pas de menace sur la navigation internationale en mer Rouge (...), et la cible était et restera les navires israéliens ou ceux se dirigeant vers les ports de la Palestine occupée », a-t-il écrit sur X (ex-Twitter).

« Les Etats-Unis et le Royaume-Uni doivent se préparer à payer un prix fort et supporter les lourdes conséquences de cette agression », a également menacé le vice-ministre des Affaires étrangères des Houthis, Hussein Al-Ezzi, cité par les médias du mouvement.

Des menaces répétées dans la journée. Les intérêts américains et britanniques sont devenus des « cibles légitimes » pour les Houthis après les frappes, ont encore déclaré vendredi les rebelles. « Les Américains et les Britanniques ne doivent pas croire qu'ils échapperont au châtiment de nos forces armées héroïques », a ajouté le Conseil politique suprême des Houthis, dans un communiqué publié par leurs médias officiels. « La joie des agresseurs ne sera pas longue, et notre main aura le dessus, si Dieu le veut », a-t-il encore poursuivi.

En tout, les rebelles ont mené 27 attaques de missiles et drones, depuis le 19 novembre. Des attaques qui ont atteint leur apogée cette semaine. Mardi, les forces américaines et britanniques ont abattu 18 drones et trois missiles tirés par les Houthis, dans une attaque décrite comme d'une ampleur sans précédent dans la zone.

Lire aussiTrafic maritime : malgré les tensions en mer Rouge, les actes de piraterie ont légèrement baissé

Les frappes ont également provoqué des manifestations au Yémen. Des milliers de Yéménites ont alors répondu vendredi par centaines de milliers à l'appel des Houthis à manifester à Sanaa. La foule a rempli la grande place Sabine du centre de Sanaa sous une forêt de drapeaux yéménites et palestiniens et de nombreux portraits du chef des rebelles, Abdelmalek al-Houthi, et du chef du Hezbollah libanais, Hassan Nasrallah, dont les groupes sont soutenus par l'Iran. « Mort à l'Amérique, mort à Israël », ont scandé les manifestants, des partisans des rebelles qui contrôlent la capitale Sanaa et plusieurs régions du Yémen. Certains brandissaient des fusils d'assaut AK-47, selon un correspondant de l'AFP.

L'UE s'en mêle

Au-delà de la coalition internationale, les pays de l'Union européenne discuteront la semaine prochaine de l'envoi d'une force navale européenne pour aider à protéger les navires en mer Rouge contre les attaques de rebelles Houthis du Yémen, ont indiqué des diplomates vendredi. Le projet est à l'étude à Bruxelles depuis plusieurs semaines. Il avait été évoqué bien avant que les forces américaines et britanniques ne frappent le Yémen.

L'UE chercherait à compléter la coalition dirigée par les États-Unis, qui comprend de nombreux pays de l'Union et opère déjà sur cette route maritime vitale. La taille et la composition d'une telle mission européenne restent toutefois à préciser. Cependant, l'Espagne a annoncé qu'elle ne prendra pas part à une éventuelle mission de l'UE en mer Rouge, a annoncé vendredi la ministre espagnole de la Défense.

Le pétrole grimpe, le marché craint une escalade des tensions au Moyen-Orient

Les prix du brut évoluaient en forte hausse vendredi, le marché craignant une escalade des tensions au Moyen-Orient après les frappes aériennes des Etats-Unis et du Royaume-Uni contre les rebelles Houthis au Yémen, qui pourraient conduire à des ruptures d'approvisionnement en or noir. Vers 10H00 GMT (11H00 à Paris), le prix du baril de Brent de la mer du Nord, pour livraison en mars, prenait 2,57%, à 79,40 dollars, se rapprochant du seuil des 80 dollars. Son équivalent américain, le baril de West Texas Intermediate (WTI), pour livraison en février, montait de 2,83%, à 74,06 dollars.

Washington, Londres et huit de leurs alliés parmi lesquels l'Australie « espèrent que ces attaques mettront fin aux tirs de roquettes et de drones effectués par les Houthis », commente Bjarne Schieldrop, analyste chez Seb, ce qui permettrait ainsi que le pétrole soit acheminé normalement par la mer Rouge, et ferait baisser les prix du brut.

Mais le marché semble au contraire interpréter ces attaques « plutôt comme une escalade avec des représailles probables de la part de l'Iran et de ses alliés », souligne l'analyste. « La température monte dans la région ». D'après Seb, si la situation empire et que les navires pétroliers se trouvent obligés d'éviter la mer Rouge en contournant l'Afrique, 40 à 80 millions de barils de pétrole supplémentaires seraient alors probablement bloqués en transit.

(Avec AFP)

Commentaire 1
à écrit le 12/01/2024 à 21:14
Signaler
ah ben les russes se plaignent des represailles sur les attaques qu'ils ont commanditees, ou sur les attaque sur belgorod, ce qui est insupportable pour la population russe, mais pas pour les ukrainiens qui subissent 100 fois ca depuis 2 ans.......le...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.