C'était un double objectif loin d'être gagné pour le gouvernement français. Malgré des sujets de divisions potentiellement explosifs, les ministres des Finances du G7 ont réussi à trouver jeudi un consensus en vue de taxer les géants du numérique, ouvrant la voie à un accord international, a indiqué jeudi la présidence française au terme de la réunion de Chantilly, au nord de Paris. Les grands argentiers sont également tombés d'accord pour l'instauration d'un impôt minimum sur les sociétés.
Bruno Le Maire lors de la conférence de presse finale du G7 finances à Chantilly. Crédits Reuters.
"Les conclusions nous permettent de progresser vers un capitalisme plus juste [...] La fiscalité internationale est l'une des conditions de la mise en place d'un capitalisme plus juste. La fiscalité est l'instrument le plus puissant dont disposent les Etats pour remettre de la justice. Le G7 s'était ouvert dans un contexte tendu avec l'annonce par les Etats-Unis d'ouvrir une section 301 contre la France en raison de la mise en place de sa taxe nationale sur les géants du numérique. Je crois que nous sommes revenus à une approche coordonnée et multilatérale plus constructive. Nous avons conclu à Chantilly un accord ambitieux qui permet d'avancer sur la taxation du numérique et l'imposition minimale" a déclaré le ministre de l'Economie Bruno Le Maire
Dans le communiqué final, la présidence a expliqué que "considérant la nécessité d'améliorer le cadre actuel de la fiscalité internationale, sans remettre en cause ses principes, les ministres des Finances sont convenus qu'il était urgent de relever les défis fiscaux posés par la numérisation de l'économie et les défauts du système actuel des prix de transfert. Les ministres ont par conséquent pleinement soutenu l'adoption d'ici à 2020 d'une solution fondée sur deux piliers, dans le cadre du programme de travail approuvé par les chefs d'Etat et de gouvernement du G20."
En dépit des réserves exprimées sur ce type d'événement, l'ONG Oxfam a expliqué que "les pays du G7 reconnaissent aujourd'hui que les règles du système fiscal international ne fonctionnent plus. C'est un signe positif de les voir soutenir des solutions plus radicales comme la mise en place d'un taux d'imposition minimum effectif. Mais les modalités d'application retenues par les pays du G7 protègent leurs propres intérêts : seuls les pays riches pourront taxer les entreprises payant des impôts en dessous du taux minimum légal dans d'autres pays. Les pays en développement risquent de rester les grands perdants".
Accord sur une imposition minimale sur les sociétés
Sur l'imposition minimale sur les sociétés, le locataire de Bercy s'est réjoui des avancées obtenues pendant cette réunion. "Pour la première fois, les Etats membres du G7 sont ont trouvé un accord pour instaurer une imposition minimale à la taxe sur les sociétés. Ils ont rappelé leur détermination à mettre fin à la concurrence fiscale agressive entre Etats, mettre fin au dumping fiscal et mettre fin à l'optimisation agressive de certaines entreprises qui emploient toutes sortes de méthodes pour échapper à l'impôt".
Au niveau du calendrier, la présidence du G7 a précisé que l'OCDE en pointe sur les sujets de fiscalité internationale doit proposer "une architecture globale de ce nouveau système fiscal dès janvier 2020 afin que les Etats du G20 puissent prendre des décisions sur ce sujet dès 2020". Ce pilier devrait permettre la mise en place d'un niveau minimal d'imposition effective inspiré du régime américain GILTI. "Il contribuera à assurer que les entreprises paient leur juste part d'impôt". En revanche, aucune précision n'a été apportée sur le niveau d'imposition à mettre en place.
Consensus sur la taxation du numérique
Le ministre français Bruno Le Maire s'est félicité de "cet accord" du G7 "pour taxer les activités sans présence physique, en particulier des activités numériques", a-t-il expliqué lors de la conférence de presse finale de la réunion. "C'est la première fois que les Etats membres du G7 se mettent d'accord sur ce principe", a-t-il souligné. Ce consensus des sept économies les plus avancées donne un coup de pouce aux négociations qui ont lieu actuellement à l'OCDE pour trouver un accord international sur la taxation du numérique. "Si nous ne trouvons pas d'accord au niveau du G7 sur les grands principes de la taxation du digital aujourd'hui ou demain, franchement ce sera difficile d'en trouver un entre 129 pays à l'OCDE", avait prévenu le ministre français avant l'ouverture de la réunion.
Or les Etats-Unis avaient durci leur position il y a une semaine en ouvrant une enquête qui pourrait conduire à des représailles contre la France pour sa décision d'imposer dès cette année les géants du numérique. Devant les journalistes présents sur place, M. Le Maire s'est félicité des bonnes relations avec son homologue américain Steven Mnuchin, qualifiant les entretiens à Chantilly "d'amicaux". S'agissant de ce pilier, de nouvelles règles de territorialité doivent être mises en place "pour prendre en compte les nouveaux modèles économiques, tels ceux des entreprises à forte composante numérique".
"Un progrès majeur" pour Le Maire
Ces accords ont été jugés comme "un progrès majeur" par le ministre. Outre la fiscalité, les ministres, banquiers centraux et représentants d'institutions internationales ont abordé la délicate question du Libra, le verdissement de la finance, les inégalités et les risques qui pesaient sur l'économie mondiale.
À l'issue la réunion des ministres des Finances, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau a rappelé que "le ralentissement de l'économie mondiale est différencié. Il touche plus les économies émergentes que les économies avancées. [...] L'une des principales explications est le quasi arrêt du commerce mondial lié aux tensions protectionnistes. Ces tensions génèrent de nombreuses incertitudes et diminuent la confiances des entrepreneurs".
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