Depuis plusieurs jours, le gouvernement de Vladimir Poutine semble avoir modifié les priorités de son "opération militaire spéciale" menée depuis plus d'un mois en Ukraine. Dans le même temps, la pression financière augmente sur la Russie et les pays européens cherchent à se désengager progressivement des contrats noués sur la livraison de gaz et de pétrole. Le siège de Marioupol compromet en effet les promesses de Moscou de ne pas viser les populations civiles, ou encore d'occuper plusieurs villes clés.
L'idée d'un compromis s'impose donc de plus en plus. Ce mardi s'ouvre de nouveaux pourparlers à Istanbul. Un des points importants de ces discussions porte sur "les garanties de sécurité et la neutralité, le statut dénucléarisé de notre Etat", avait déclaré dimanche le président ukrainien Volodymyr Zelensky à des médias russes, accusant son homologue Vladimir Poutine et son entourage de faire "traîner les choses".
Suspicion d'empoisonnement d'Abramovitch
Ces discussions sont-elles capables de faire changer le cours du conflit ? Rien n'est moins sûr. Une précédente séance de négociations en présentiel avait déjà eu lieu le 10 mars en Turquie, au niveau des ministres des Affaires étrangères, mais n'avait débouché sur aucune avancée.
L'administration de Vladimir Poutine ne dessert pas non plus son étau autoritaire. Rentré en Russie, l'oligarque Roman Abramovitch, qui tente de jouer les médiateurs entre Moscou et Kiev pour faire cesser la guerre en Ukraine, ainsi que deux négociateurs ukrainiens ont souffert de symptômes qui font penser à un possible "empoisonnement", a dit à l'AFP une source proche du dossier, confirmant des informations du Wall Street Journal.
L'armée russe repoussée, des zones tendues
Sur le font en Ukraine, "les occupants sont repoussés d'Irpin, repoussés de Kiev. Cependant, il est trop tôt pour parler de sécurité dans cette partie de notre région. Les combats continuent. Les troupes russes contrôlent le nord de la région de Kiev, disposent de ressources et de main-d'oeuvre", a déclaré M. Zelensky dans une vidéo lundi soir.
Dans les régions de Tchernigiv, Soumy, Kharkiv, du Donbass, et dans le sud de l'Ukraine, "la situation reste partout tendue, très difficile", a souligné lundi soir le président Zelensky.
De nouvelles sanctions américaines
De leurs côtés, les Etats-Unis haussent le ton. Après avoir déjà sanctionné l'industrie de défense de la Russie, l'administration Biden envisage de viser d'autres secteurs participant à l'effort de guerre mené par le Kremlin en Ukraine, a indiqué mardi un responsable du ministère américain de l'Economie.
"En plus de sanctionner les entreprises dans les secteurs qui permettent les activités malveillantes du Kremlin, nous prévoyons également de prendre des mesures pour perturber leurs chaînes d'approvisionnement", a-t-il détaillé.
Avant cela, le président américain Joe Biden a affirmé lundi qu'il ne retirait pas ses propos controversés suggérant qu'il souhaitait le départ de son homologue russe Vladimir Poutine du pouvoir, car ils exprimaient son "indignation" personnelle et pas une "politique" en faveur d'un changement de régime.
"Je ne les retire pas" et "je ne m'excuse pas", a-t-il dit devant la presse. "J'exprimais simplement mon indignation", "mais cela ne signifie pas que nous ayons un changement de politique fondamental", a-t-il ajouté.
La Maison Blanche a peu de temps après précisé qu'il n'avait pas appelé à un "changement de régime" en Russie. Le Kremlin a dénoncé lundi les commentaires "alarmants" de Biden.
La dégradation de la situation à Marioupol
Au coeur des pourparlers du jour se trouve aussi la ville de Marioupol. Les autorités ukrainiennes s'inquiètent d'une aggravation de la situation dans le port assiégé du sud du pays, où au moins 5.000 personnes auraient déjà péri.
Selon une conseillère de la présidence ukrainienne, Tetyana Lomakina, "environ 5.000 personnes ont été enterrées, mais les gens ne sont plus enterrés depuis dix jours à cause des bombardements continus". Elle a estimé qu'"au vu du nombre des personnes encore sous les décombres (...), il pourrait y avoir autour de 10.000 morts".
Des médias russes ont affirmé lundi que le dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov, un proche de Vladimir Poutine, s'était rendu à Marioupol pour galvaniser ses troupes qui participent à l'assaut.
La crise des réfugiés
Depuis le début de l'invasion russe en Ukraine le 24 février, plus de dix millions de personnes, soit plus d'un quart de la population, ont dû quitter leur foyer. Près de 3,9 millions ont même fui le pays pour trouver refuge dans les Etats limitrophes, même si ce flux a nettement ralenti depuis quelques jours.
A elle seule, la Pologne accueille plus de la moitié des Ukrainiens ayant fui leur pays, mais la Roumanie, la Moldavie, un des pays les plus pauvres du continent, ou encore la Hongrie et la Slovaquie ont aussi reçu plusieurs centaines de milliers de réfugiés chacune.
Côté russe, selon le ministre des affaires étrangères Sergeï Lavrov, un décret est en préparation pour limiter l'accès au territoire russe des ressortissants de pays auteurs d'actes "inamicaux" à l'égard de la Russie, visée par une multitude de sanctions depuis le déclenchement de son offensive.
(Avec AFP)