[Article publié le vendredi 13 octobre 2023 à 07h19 et mis à jour à 17h00] L'hypothèse d'une attaque terrestre d'Israël à Gaza semble se préciser. Dans un communiqué, l'armée israélienne appelle à « l'évacuation de tous les civils de la ville de Gaza de leurs maisons vers le sud pour leur propre sécurité et leur protection et à se déplacer vers la zone au sud du Wadi Gaza », un ruisseau situé au sud de la ville. Mais elle a ensuite admis que l'évacuation « prendra du temps », sans confirmer l'échéance de 24 heures. « Vous ne serez autorisé à retourner dans la ville de Gaza que lorsqu'une autre annonce le permettant sera faite », a ajouté l'armée.
Dans les rues de la ville de Gaza, des tracts en arabe, largués par des drones israéliens et vus par des journalistes de l'AFP, appellent les habitants à quitter « immédiatement leurs maisons ». Des habitants commençaient dans la matinée à se diriger vers le sud, à pied en portant enfants et quelques biens, entassés sur des remorques de camions ou en voiture.
« Notre peuple palestinien rejette la menace des dirigeants de l'occupation et ses appels à quitter leurs maisons et à fuir vers le sud ou l'Egypte », a réagi le Hamas dans un communiqué.
Jeudi, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a exhorté les Gazaouis à se montrer « inébranlables » et « rester sur leur terre », alors que les appels se multiplient pour que l'Egypte autorise un passage sécurisé pour les civils en provenance de l'enclave. L'Egypte, qui appelle à la retenue de part et d'autre, s'oppose à l'idée de laisser les Palestiniens fuyant la guerre entrer sur son territoire.
Le roi Abdallah II de Jordanie a lui mis en garde vendredi contre « toute tentative de déplacer les Palestiniens », soulignant que le conflit « ne devait pas se propager aux pays voisins », selon le Palais. Le président palestinien, Mahmoud Abbas a aussi rejeté « totalement le déplacement » de Palestiniens de la bande de Gaza, l'assimilant à une « deuxième Nakba » (« Catastrophe », en arabe), en référence à la fuite de quelque 760.000 Palestiniens en 1948, à la création de l'Etat d'Israël, quand son Premier ministre, Mohammed Shtayyeh, a même accusé Israël de commettre un « génocide » à Gaza.
De son côté, le Hezbollah s'est dit « entièrement préparé » à intervenir contre Israël en temps voulu, a assuré ce vendredi le numéro deux de cette formation devant une manifestation de ses partisans à Beyrouth. « Le Hezbollah suit les mouvements de l'ennemi (...), nous passerons à l'action au moment propice », a averti cheikh Naïm Qassem. Le chef de la diplomatie iranienne, Hossein Amir-Abdollahian, en visite à Beyrouth, a, lui, appelé les Etats-Unis à « contrôler » Israël s'ils veulent éviter une guerre régionale.
L'ONU demande l'annulation de cet ordre
Le Conseil de sécurité de l'ONU doit se réunir ce vendredi pour aborder la situation dans la bande de Gaza, alors qu'une première réunion du Conseil, le 8 octobre, n'avait abouti à aucune condamnation unanime de l'attaque du Hamas.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, l'organisation a été informée par l'armée israélienne d'un ordre de « relocalisation » de quelque 1,1 million d'habitants du nord de la bande de Gaza vers le sud dans les 24 heures.
« Aujourd'hui (12 octobre) juste avant minuit heure locale », les responsables de l'ONU à Gaza « ont été informés par leurs officiers de liaison de l'armée israélienne que la totalité de la population au nord de Wadi Gaza devait être relocalisée dans le sud dans les 24 heures », soit environ 1,1 million de personnes, a indiqué Stéphane Dujarric, le porte-parole du secrétaire général de l'organisation. « L'ordre s'applique à tout le personnel de l'ONU et à tous ceux abrités dans les établissements de l'ONU - y compris les écoles, les centres de santé et les cliniques. »
Stéphane Dujarric a averti qu'une évacuation d'une telle ampleur était « impossible sans provoquer des conséquences humanitaires dévastatrices ». Dans ces circonstances, « les Nations Unies appellent fortement à ce que cet ordre, s'il est confirmé, soit annulé pour empêcher de transformer ce qui est déjà une tragédie en une situation calamiteuse », a-t-il insisté.
Plus de 423.000 Palestiniens ont d'ores et déjà dû quitter leurs domiciles dans la bande de Gaza pour fuir les bombardements, selon l'ONU, qui a lancé un appel d'urgence aux dons. L'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) accueille d'ailleurs environ 64% de ces déplacés dans ses établissements.
Pour Israël, la réaction de l'ONU est « honteuse »
« La réponse de l'ONU à l'alerte préalable d'Israël envers les habitants de Gaza est honteuse », a réagi l'ambassadeur d'Israël à l'ONU Gilad Erdan dans un message envoyé à l'AFP par ses services, accusant l'ONU d'avoir « fermé les yeux face au Hamas qui s'armait et utilisait la bande de Gaza pour cacher ses armes ».
« Maintenant, au lieu de se tenir aux côtés d'Israël, dont les citoyens ont été massacrés par les terroristes du Hamas, et qui essaie de minimiser les dommages causés à ceux impliqués, l'ONU fait la leçon à Israël », a-t-il dénoncé.
« Tout comme l'EI a été écrasé, le Hamas sera écrasé », avait affirmé quelques minutes plus tôt Benjamin Netanyahu, le Premier ministre israélien à l'issue d'un entretien à Tel-Aviv avec le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken. Des déclarations qui laissaient déjà présager une offensive terrestre à Gaza contre le Hamas.
La bande de Gaza privée d'eau potable
Dans l'enclave palestinienne, le fracas des explosions, des drones et autres déflagrations est incessant, de jour comme de nuit. Plus de 423.000 Palestiniens ont dû quitter leurs domiciles dans la bande de Gaza pour fuir les bombardements, selon l'ONU, qui a lancé un appel d'urgence aux dons à hauteur de 294 millions de dollars. L'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) accueille environ 64% de ces déplacés dans 102 de ses établissements.
« Pourquoi ? On n'a rien fait ! », hurle un homme en regardant des brancardiers emmener le corps sans vie d'un proche, tout juste sorti des décombres dans un quartier bombardé. « L'unique centrale électrique de la bande de Gaza s'est trouvée à court de carburant et a cessé de fonctionner, coupant la seule source d'électricité » de l'enclave dont la plupart des habitants « n'ont plus accès à l'eau potable », a rapporté l'OCHA, l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens.
Selon cette organisation, un réservoir d'eau et une usine de désalinisation avaient été touchés par des frappes aériennes. « L'Unicef a indiqué que certains ont commencé à boire de l'eau de mer, très salée, et contaminée par 120.000 m3 d'eaux usées non traitées chaque jour », ajoute le texte.Outre les bombardements, l'armée israélienne a déployé des dizaines de milliers de soldats autour de Gaza et à la frontière avec le Liban, pays depuis lequel le Hezbollah pro-iranien, allié du Hamas, lance régulièrement des roquettes contre Israël.
Emmanuel Macron exhorte Israël à une réponse « forte » mais « juste »
Pendant sa visite éclair en Israël, Antony Blinken a dit avoir discuté « des moyens de répondre aux besoins humanitaires des habitants de Gaza afin de les protéger, tandis qu'Israël mène ses opérations de sécurité légitimes pour se défendre contre le terrorisme et tenter de faire en sorte que cela ne se reproduise plus jamais ». Il a affirmé que les « États-Unis soutiennent Israël » et reçu en retour des témoignages emplis d'émotion de la part d'Israéliens voulant montrer leur gratitude envers le principal allié de leur pays.
De son côté, lors de son allocution télévisée, jeudi soir, Emmanuel Macron a exhorté jeudi Israël à une réponse « forte », mais « juste » après l'attaque du Hamas samedi sur son territoire, qui a fait au moins 1.300 morts selon un nouveau bilan publié ce vendredi.
« Israël a le droit de se défendre en éliminant les groupes terroristes, dont le Hamas, par des actions ciblées mais en préservant les populations civiles, car c'est là le devoir des démocratie », a insisté le chef de l'Etat.
En Israël, depuis le début des hostilités, au moins 1.300 personnes ont été tuées, en majorité des civils, dont plus d'une centaine dans un seul kibboutz et au moins 270 lors d'une rave-party, selon les autorités. Le Hamas détient en outre environ 150 otages, dont 13, « incluant des étrangers », ont été tués dans des frappes israéliennes sur Gaza, a-t-il annoncé ce vendredi. Ces bombardements, lancés en riposte sur l'enclave palestinienne ont fait 1.537 morts, dont 500 enfants, d'après les autorités de Gaza.
Les pays occidentaux se positionne pour Israël, à condition de protéger les civils
Même son de cloche du côté du Royaume-Uni. « Bien sûr, Israël doit prendre toutes les précautions possibles pour protéger les civils », alors que le pays « exerce sa capacité légitime à se défendre contre de telles attaques », a déclaré Rishi Sunak, le Premier ministre britannique aux télévisions de son pays lors d'un déplacement en Suède, où il participe à un sommet avec ses alliés d'Europe du Nord. « On devrait toujours, et nous le faisons, se préoccuper des civils », a-t-il néanmoins souligné, assurant avoir évoqué le sujet lors d'un appel jeudi soir avec son homologue israélien Benjamin Netanyahu. Du côté de l'exécutif allemand, c'est le Hamas qui est accusé. La cheffe de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock, en visite vendredi en Israël, a dénoncé « le calcul perfide » du Hamas qui utilise la population de Gaza, bombardé par Israël, comme « bouclier ».
Les Etats-Unis affirment aussi être en négociation avec Israël et l'Egypte pour l'ouverture du passage de Rafah pour les étrangers qui souhaitent quitter la bande de Gaza, selon le même responsable américain. Israël serait d'accord pour la création de « zones sécurisées » pour les Palestiniens à l'intérieur de la bande de Gaza, a déclaré vendredi un haut responsable américain.
Tous ne sont pas cependant sur la même longueur d'onde. « Israël est en droit de se défendre (...) mais ils ne peuvent pas recourir à tous les moyens possibles » et imaginables, a déclaré la cheffe de la diplomatie norvégienne, Anniken Huitfeldt au micro de la radio publique NRK, avant d'ajouter : « je condamne ce blocus car c'est nécessaire (de le faire) quand ils demandent à tant de gens de se déplacer, quand (ces gens) n'ont pas accès à la nourriture et aux médicaments. »
Pékin et Moscou se positionnent contre Israël
Du côté des pays de l'Est, le discours est totalement opposé à celui des occidentaux. Le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a déclaré vendredi que la cause du conflit entre Israël et le Hamas était une « injustice historique » contre les Palestiniens, à l'issue d'une rencontre avec le chef de la politique étrangère de l'UE à Pékin. Idem pour le président russe Vladimir Poutine qui a jugé vendredi « inacceptable » le siège de la bande de Gaza par l'armée israélienne, le comparant à celui, terrible, de la ville soviétique de Léningrad par les Nazis pendant la Deuxième guerre mondiale.
(Avec AFP)