La baisse du nombre de crédits a commencé aux Etats-Unis

Dans son livre beige, publié mercredi 19 avril, la Réserve fédérale américaine (FED) a annoncé des baisses de volumes de crédits bancaires dans plusieurs régions. L'enrayement du crédit pourrait freiner l'inflation mais aussi faire basculer le pays dans une récession, notamment si la Fed monte encore fortement ses taux directeurs.
Jerome Powell, le président de la Fed, a monté les taux directeurs à 4,75 - 5% en mars, ce qui est en partie à l'origine de la baisse du nombre de crédits aux Etats-Unis.
Jerome Powell, le président de la Fed, a monté les taux directeurs à 4,75 - 5% en mars, ce qui est en partie à l'origine de la baisse du nombre de crédits aux Etats-Unis. (Crédits : KEVIN LAMARQUE)

Les conséquences de la crise que traverse le secteur bancaire continuent de se faire ressentir au sein de l'économie américaine. En témoignent les volumes des prêts accordés par les banques dans le pays qui ont diminué au mois de mars et début avril.

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C'est ce qu'a révélé la Réserve fédérale américaine (Fed) dans son Beige Book (livre beige). Les volumes de prêts et la demande d'emprunts ont diminué pour les types de prêts aux particuliers et aux entreprises, a ainsi écrit l'institution dans ce baromètre d'activité réalisé auprès des douze régions du système de la banque centrale américaine. Plusieurs régions ont noté que les banques ont resserré les normes de prêt dans un contexte d'incertitude accrue et de préoccupations concernant les liquidités, détaille le document.

La bombe SVB a soufflé le crédit

« C'est la conséquence des hausses de taux qui ont provoqué la chute de SVB et qui aujourd'hui entraîne la baisse des crédits », explique Jean-Jacques Friedman Directeur des investissements chez Natixis, interrogé par La Tribune. Cette banque américaine a été victime, début mars, d'un retrait massif de dépôts par ses clients de la Tech, en panne de levées de fonds depuis un an, provoquant une crise de liquidités. L'établissement bancaire a donc été contraint de céder ses actifs pour répondre à ces demandes de retraits. Si ces actifs avaient été investis pour l'essentiel dans des bons du Trésor américain, en théorie sans risque, la hausse des taux d'intérêt a provoqué une moins-value importante en cas de cession des titres avant leur date de remboursement. Fin mars, la banque First Citizens BancShares Inc a, finalement, annoncé qu'elle allait racheter tous les prêts et dépôts de SVB. Dans la région de San Francisco, où se trouve le siège de SVB, les retraits se seraient stabilisés depuis fin mars, indique le Livre Beige.

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Mais l'activité de prêts a chuté de manière significative, a encore commenté l'antenne californienne de la Fed, citée dans le document. Les normes de prêts se sont considérablement resserrées et plusieurs établissements ont choisi de réduire les volumes de prêts, en particulier pour les nouveaux clients, malgré des liquidités abondantes, est-il indiqué.

Ce resserrement des conditions de crédit a également été observé de l'autre côté du pays, dans la région de Philadelphie, au sud de New York, où les prêts bancaires aux entreprises ont diminué. « La plupart des contacts au sein du secteur bancaire ont confirmé un durcissement des normes de prêts (...), à la suite des faillites de Signature Bank et de Silicon Valley Bank », précise encore le rapport. Et plusieurs contacts ont indiqué qu'ils se concentraient sur les prêts aux clients existants et étaient devenus plus prudents dans les prêts aux nouveaux clients, est-il encore indiqué.

La baisse des crédits va ralentir l'inflation

Un constat sur lequel alertait déjà des membres de la Fed ces dernières semaines à l'instar d'Austan Goolsbee, président de la Fed de Chicago. Citant certains analystes, il a alerté sur les conséquences des tensions bancaires issues de ce qu'il qualifie de « version high tech d'une panique bancaire à l'ancienne » qui pourrait restreindre l'accès au crédit pour les ménages et entreprises. Cela aurait le même effet qu'un relèvement des taux : réduire la consommation pour faire ralentir l'inflation. « La baisse de crédits renforce la probabilité de récession. Mais ce n'est pas forcément négatif pour les marchés financiers à courts termes car cela va calmer l'inflation dans un premier temps », anticipe d'ailleurs Jean-Jacques Friedman.

En effet, citant des analystes, Austan Goolsbee a en effet expliqué qu'un resserrement des conditions de crédit « pourrait correspondre à une hausse du taux d'environ 25 à 75 points de base », citant même une enquête réalisée par la Fed, qui « semblait indiquer un resserrement des normes de prêts avant même les faillites de la Silicon Valley Bank et Signature Bank ». En conséquence, « compte tenu de l'incertitude (...), je pense que nous devons être prudents », jugeant nécessaire de « recueillir d'autres données et de faire attention à ne pas augmenter les taux de manière trop agressive », a-t-il estimé. Directeur des investissements chez Natixis prévient en effet que « cette baisse du nombre de crédits pourrait peut-être provoquer une chute dans l'immobilier commercial ou le private equity. »

Me président de la Fed de Minneapolis, Neel Kashkari a estimé que « ce qui n'est pas clair pour le moment, c'est dans quelle mesure les tensions bancaires des dernières semaines conduisent à un resserrement durable du crédit, qui ralentirait ensuite l'économie américaine », en demandant toutefois de poursuivre la hausse des taux pour lutter contre l'inflation. « Nous avons des outils pour faire baisser la demande en augmentant les taux d'intérêt afin de rétablir l'équilibre économique. Nous devons donc le faire », avait-il ajouté.

Janet Yellen ne voit pas de resserrement des crédits

De son côté, la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, tient un discours plus rassurant. Mi avril, elle avait ainsi affirmé ne pas avoir « vu de preuve, à ce stade, d'un resserrement des conditions de crédit, bien que cela soit une possibilité » lors d'une conférence de presse organisée en marge des réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale à Washington. « Notre système bancaire reste solide et résilient », avait-elle insisté et « l'économie américaine se porte exceptionnellement bien ». Et de conclure : « Je ne m'attends donc pas à un ralentissement de l'économie, même si bien sûr cela reste un risque ».

Elle s'est néanmoins montrée plus prudente, dimanche dernier sur CNN, admettant que les banques américaines pourraient devenir un peu plus prudentes dans leurs opérations, ce qui pourrait conduire à un resserrement des conditions de crédit.

Incertitudes sur l'Europe

En Europe également, cette perspective est envisagée. A commencer par la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde. « Quel impact [les événements financiers qui ont touché le secteur bancaire] auront-ils ? Comment les banques vont-elles réagir ? Comment vont-elles évaluer le risque »  et continuer à prêter de l'argent aux entreprises et aux ménages, s'est-elle interrogée le 16 avril dernier, sur CNN. « Si elles ne prêtent pas trop et qu'elles gèrent leur risque, cela pourrait diminuer notre travail pour réduire l'inflation (...). Mais si elles resserrent trop le crédit, cela pèsera excessivement sur la croissance », a-t-elle détaillé.

(Avec AFP)

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