Alors que l'Allemagne cherche à réduire sa dépendance au gaz russe - dont les importations sont déjà passées de 55% du total de ses importations de gaz avant le début de la guerre à 40% aujourd'hui - le gouvernement allemand appelle à la mobilisation de tous dans cet effort.
« Je prie chacun et chacune de contribuer dès maintenant aux économies d'énergie », a affirmé le ministre allemand de l'Économie et vice-chancelier, Robert Habeck, également détenteur du portefeuille du Climat, dans un entretien aux groupes de journaux Funke ce vendredi 15 avril.
« Si pour Pâques on peut monter sur son vélo ou prendre le train, c'est bien aussi. Cela ménage le porte-monnaie et énerve Poutine », a-t-il ajouté alors que le pays cherche tous les moyens pour réduire cette dépendance depuis le déclenchement de l'invasion de l'Ukraine par les troupes russes. Selon Berlin, l'Allemagne pourra être « largement indépendante » du gaz russe « d'ici mi-2024 » comme l'avait annoncé Robert Habeck fin mars. Le pays redoute donc d'être contraint à un rationnement de l'approvisionnement en gaz du secteur industriel.
Ce sera par contre beaucoup plus tôt concernant le pétrole et le charbon russe. « D'ici le milieu de l'année, les importations de pétrole russe en Allemagne devraient avoir diminué de moitié. À la fin de l'année, nous visons une quasi-indépendance », avait déjà indiqué le ministère allemand de l'Économie, ajoutant que « d'ici l'automne, nous pouvons devenir globalement indépendants du charbon russe ».
10% d'économie d'énergies à la clé
Le ministre allemand de l'Économie estime que, « en règle générale, on peut toujours économiser dix pour cent » d'énergie. « Il y a des mesures très simples qui, mises bout à bout, apportent beaucoup ».
Comme par exemple baisser la température ambiante de son logement de 1°C. « Cela représente environ six pour cent » d'économie, selon Robert Habeck. « C'est peut-être moins confortable, mais on n'a pas froid encore ». Et d'ajouter : « Si l'on chauffe son appartement et que l'on ferme les rideaux le soir, on économise jusqu'à cinq pour cent d'énergie ».
Menace de récession sur l'Allemagne
La dépendance de l'Allemagne aux énergies fossiles russes fait planer l'ombre de la récession. Car de nombreuses voix portent l'idée d'un embargo européen sur les achats de pétrole et de gaz russe, le président ukrainien Volodymyr Zelensky en tête, pour affaiblir les moyens financiers de la Russie. Or, si l'Allemagne rompt ses approvisionnements, le pays basculerait dès l'an prochain dans la récession, d'après pas moins de cinq instituts de prévision économique allemands (DIW, IFO, IfW, IWH et RWI).
Ce mercredi 13 avril, dans un premier scénario « central », qui prend en compte les conséquences de la guerre en Ukraine avec un conflit et des sanctions qui perdurent mais sans prendre en compte un arrêt des livraisons de gaz, les cinq instituts de prévision ont considérablement abaissé leurs prévisions de croissance pour 2022, désormais attendue à 2,7%, contre une estimation à 4,8% en octobre. Cela se traduit également dans un taux d'inflation attendu de 6,1% cette année. Et pour 2023, ils tablent sur un PIB remontant à 3,1%.
Dans un « scénario alternatif », les cinq organismes de prévisions ont calculé quelle serait l'évolution économique en cas d'arrêt des approvisionnements russes en gaz naturel et en pétrole à partir de la mi-avril - autant dire immédiatement. Dans ce cas, c'est une « récession brutale » en 2023 qui s'abattrait sur l'Allemagne : l'économie allemande pourrait reculer de 2,2% et l'inflation pourrait grimper à 7,3%, soit « la valeur la plus élevée depuis la fondation de la République fédérale ».
La chute du PIB serait notamment de 5% au deuxième trimestre de 2023, avant que l'économie ne se reprenne en fin d'année. Cette perte de PIB s'élèverait à 220 milliards d'euros pour 2022 et 2023, l'équivalent de 6,5% de la richesse annuelle.
Poutine anticipe la baisse des achats européens
Reste que, si l'Allemagne et les Occidentaux veulent réduire leur dépendance aux importations russes, il en va de même pour la Russie qui veut aussi baisser sa dépendance aux exportations européennes. Vladimir Poutine a ainsi indiqué jeudi 14 avril chercher à réorienter son énergie. « On va partir du principe qu'à l'avenir les livraisons vers l'Ouest vont baisser », a déclaré le président russe. Il faut donc « réorienter nos exportations vers les marchés au Sud et à l'Est qui croissent rapidement », a-t-il exposé.
« Des opportunités, des options et des occasions alternatives s'ouvrent à nous. En ce qui concerne le pétrole, le gaz et le charbon russe, nous allons pouvoir augmenter leur consommation sur le marché intérieur (...) et accroître la livraison de ressources énergétiques aux autres régions du monde qui en ont vraiment besoin », avait déjà déclaré la veille Vladimir Poutine. Il semblerait viser, même s'il ne la nomme pas directement, la Chine, dont l'appétit en hydrocarbures ne cesse de grandir.
(Avec AFP)