Protectionnisme américain sur le solaire : un coup d’épée dans l’eau ?

Moins élevées que prévu, les taxes à l’importation de panneaux solaires chinois, coréens ou mexicains ne devraient avoir qu’un effet limité sur le secteur aux Etats-Unis, aussi bien en termes de hausse des prix que de préservation de l’emploi ou de relance du charbon.
Dominique Pialot
Les Etats-Unis instaurent un droit de douane de 30% sur les importations chinoises, coréennes et mexicaines de panneaux solaires
Les Etats-Unis instaurent un droit de douane de 30% sur les importations chinoises, coréennes et mexicaines de panneaux solaires (Crédits : Jonathan Ernst)

+105% sur les 10 prochaines années. C'était l'évolution prévue concernant les emplois d'installateurs solaires aux Etats-Unis sur les 10 prochaines années. Mais c'était avant que l'administration Trump n'annonce le 22 janvier, sur proposition de la Commission américaine du commerce international (ITC, International Trade Commission), l'instauration d'une taxe sur les importations de panneaux solaires (ainsi que sur les téléviseurs de grande taille) en provenance de Chine, Corée du Sud et Mexique. De 30% la première année pour les importations supérieures à un volume de 2,5 gigawatts de cellules et de modules, elle doit ensuite diminuer de 5% par an pour atteindre 5% d'ici quatre ans, avant de disparaître.

Annoncée alors que le forum de Davos - où Trump doit intervenir ce vendredi 26 janvier - bat son plein, cette décision marquée du sceau du protectionnisme cher à l'actuel président américain n'a pas manqué de susciter des réactions. Les pays concernés ont menacé de porter l'affaire devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Provenance asiatique pour 90% des panneaux installés aux Etats-Unis

Cette décision fait suite au lobbying déployé par des fabricants américains auprès de l'ITC. Suniva (en faillite) et la filiale américaine du groupe allemand SolarWorld se sont ainsi plaints d'une multiplication par six des importations chinoises en cinq ans, ayant conduit à un effondrement des prix. L'année dernière, les Etats-Unis ont installé quelque 7 GW de capacités de production solaire, pour une valeur de 3,7 milliards de dollars d'équipement, dont 90% en provenance d'Asie.

Le montant des droits de douane est néanmoins inférieur à ce qui avait été annoncé en octobre dernier, et auquel se préparaient les industriels asiatiques. Mais le cabinet spécialisé GTM Research anticipe néanmoins qu'elles feront baisser le marché de 8%, soit 5.000 mégawatts sur la période 2018-2022. Ce sont surtout les installateurs de panneaux (l'immense majorité des emplois américains dans le solaire, qui occupent quelque 300.000 personnes) qui devraient pâtir de la mesure. L'association de l'énergie solaire prédit la destruction de 23.000 emplois.

Des hausses de 3 à 10% du coût d'un projet

D'autres observateurs, à l'instar de Bloomberg New Energy finance (Bnef), relativisent la portée concrète de cette taxation, sans nier son caractère symbolique fort. L'équipement solaire ne représentant que 12% (pour les installations résidentielles) et de 20 à 30% (pour les grandes centrales au sol) du coût total, elle devrait se traduire par des hausses de coûts limitées à quelque 10% pour les grands projets et 3% pour les installations résidentielles. Rapportée au watt produit, la hausse ne devrait pas dépasser les 0,10 cents.

Surtout, si la mesure peut bénéficier à court terme aux fabricants de modules solaires installés sur le sol américain tels que First Solar, certains observateurs jugent que les 4 ans prévus pour la durée de vie de la mesure ne sont pas suffisants pour relancer une industrie qui a souffert depuis dix ans de la concurrence asiatique, comme toutes les industries occidentales. D'ailleurs, les précédentes taxes antidumping instaurées il y a quelques années pour contrer les ventes à perte de matériel chinois n'ont eu d'autre effet que de pousser les fabricants chinois à déplacer leur production dans d'autres pays d'Asie du Sud-Est : Vietnam, Malaisie, Corée, Thaïlande, etc.

La mesure est également jugée insuffisante pour inciter des fabricants étrangers à implanter des sites de production sur le sol américain.

Sous couvert de défense des emplois américains, Trump continue de porter des coups de boutoir au secteur des énergies renouvelables. Mais rien n'indique pour autant que le charbon, auquel Trump avait promis des jours meilleurs, ne parvienne à regagner en compétitivité, que ce soit face aux renouvelables ou au gaz de schiste.

Dominique Pialot

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Commentaires 2
à écrit le 25/01/2018 à 21:07
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En gros, le temps d'implanter une usine de production aux USA qui ne serait même pas compétitive malgré la taxe et la taxe prend fin. En fait Trump taxe un produit que les USA ne peuvent pas produire autrement qu'à perte. Un génie ce Donald Trump.

à écrit le 25/01/2018 à 10:18
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On ne peut pas trop critiquer, on a souvent fait la même chose en France sous d'autres formes et pour d'autres catégories de produits, mais les résultats sont les mêmes. Souvent les politiques de "stop and go" ont des conséquences catastrophiques su...

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