Nouvelle-Calédonie : toujours à la peine, le secteur du nickel se met (encore) en grève

En Nouvelle-Calédonie, des salariés et sous-traitants de l'industrie du nickel ont cessé le travail ce jeudi. L'objectif est clair, inciter les actionnaires des trois usines de raffinage de l'archipel, au bord de la faillite, à participer au redressement du secteur, l'Etat ayant, lui, conditionné son soutien en fin d'année dernière.
Le mouvement de grève a été lancé par le Syndicat général des travailleurs de l'industrie (SGTI-NC), et rejoint par une organisation patronale de sous-traitants et des groupements d'intérêt économique.
Le mouvement de grève a été lancé par le Syndicat général des travailleurs de l'industrie (SGTI-NC), et rejoint par une organisation patronale de sous-traitants et des groupements d'intérêt économique. (Crédits : Reuters Photographer)

A Nouméa, la grogne s'est fait ressentir jusque devant l'immeuble Malawi, siège de Prony Resources, ce jeudi. Un appel à la grève générale a en effet été lancé à l'initiative du SGTINC dans le secteur du nickel néo-calédonien. Des salariés et sous-traitants de cette industrie à la peine ont stoppé le travail. Objectif, « préserver l'outil de travail et maintenir l'activité », a-t-on pu apercevoir sur une banderole. Dans cette optique, les grévistes veulent inciter les actionnaires des trois usines de raffinage de l'archipel, au bord de la faillite, à participer au redressement du secteur. A ce stade, le mouvement social n'a pas entraîné de perturbation de la production ou de blocage d'axe.

« On a voulu alerter, mais sans pénaliser la production », explique Glen Delathière, délégué syndical SGTI-NC à la Société Le Nickel (SLN), les trois usines métallurgiques se trouvant « dans une urgence absolue ».

Dans le détail, les syndicats et sous-traitants souhaitent être associés aux discussions et appellent les actionnaires, notamment ceux de Prony Resources à « prendre leurs responsabilités ». Lorsque l'ancien actionnaire a quitté le navire en 2021, il a laissé 420 millions d'euros dans les caisses. Prony annonce sa cessation de paiement pour début février, alors que Trafigura, actionnaire à 19% de l'usine du Sud, a gagné 126 millions d'euros sur la vente du nickel de l'usine.

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Dans le nord du territoire, Koniambo Nickel SAS (KNS) envisage désormais la mise en sommeil de son site industriel. Actionnaire à 49% de KNS, Glencore assume seul les pertes financières au terme du pacte d'actionnaire qui le lie à la province Nord - qui détient les 51% restants. Il a déjà englouti 13,8 milliards d'euros dans le projet, soit 1,5 fois le PIB de la Nouvelle-Calédonie.

La dernière des trois usines, la SLN, se trouve dans une situation, elle aussi, critique et attend un soutien de l'Etat. Là encore, la cessation de paiement n'est « qu'une question de semaines », selon Jérôme Fabre son directeur général. Pour rappel, l'actionnaire principal de l'entreprise, le groupe minier français Eramet a annoncé en octobre son intention de cesser de financer sa filiale.

Négociation en cours avec Bercy

La survie du secteur du nickel est loin d'être un dossier anecdotique. En Nouvelle-Calédonie, près de 25% des emplois dépendent de la mine et de la métallurgie, selon un rapport de l'Inspection des finances. Lors de sa visite fin novembre, Bruno Le Maire avait estimé les besoins immédiats en financement des trois usines de nickel de l'archipel (KNS, SLN et Prony Resources) à 1,5 milliard d'euros.

La combinaison de mauvais rendements, d'une énergie coûteuse et d'une forte concurrence étrangère ont fait plonger dans le rouge ces trois usines métallurgiques traitant le nickel extrait sur l'archipel, poussant le gouvernement à se pencher sur leur sort.

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Comme solution, un « pacte nickel », censé relancer ce secteur en grande difficulté, est actuellement en négociation, à l'initiative du ministre de l'Economie Bruno Le Maire. Ce dernier avait alors dit souhaiter que les négociations aboutissent d'ici à fin janvier.

Ainsi, le pacte prévoit notamment une subvention de l'Etat et des collectivités pour baisser le prix de l'électricité, un des principaux facteurs de surcoût du nickel calédonien. Sur le papier figure aussi une aide à la transition énergétique. Enfin, les industriels espèrent un financement direct, sans lequel ils estiment que la survie immédiate n'est pas possible.

Un secteur devenu en quelques années très stratégique

Nickel, lithium, manganèse, terres rares, cuivre... Ces métaux sont devenus stratégiques pour créer de nouvelles filières, comme la production de batteries pour véhicules électriques, de panneaux solaires, d'éoliennes offshore, ou encore l'extension des réseaux électriques et de la numérisation des activités de production et de services.

Or, « la France importe aujourd'hui quasiment 100% de ses besoins », constatait en janvier 2022, auprès de La Tribune, Philippe Varin, ex-président de France Industrie et expert en marché des métaux.

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Par ailleurs, la compétition internationale pour prendre les parts de marché de cette nouvelle industrie de la décarbonation s'annonce en raison d'une demande qui va exploser. Par exemple, celle de terres rares va être multipliée par 4,5 d'ici 2030, celle de lithium par 11. Une tension à laquelle s'ajoute la concentration de l'offre souvent dans trois pays pour chaque métal et une transformation (raffinage) largement dominée par la Chine.

(Avec AFP)

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