
L'économie française s'apprête à rentrer dans la grisaille de l'automne. Entre les prix du pétrole toujours élevés et des taux d'intérêt au plus haut, l'activité pourrait frôler la stagnation. Dans son dernier point de conjoncture dévoilé ce jeudi 7 septembre, l'Insee table sur une croissance du produit intérieur brut (PIB) oscillant entre 0,1% et 0,2% pour les deux derniers trimestres de l'année 2023. Sur cette période, les statisticiens n'ont pas révisé leurs prévisions par rapport à la note de conjoncture établie en juin dernier.
En revanche, l'institut statistique a fortement revu à la hausse son chiffre de croissance du second trimestre à 0,5%, au lieu de 0,1% précédemment. Pour 2023, les économistes anticipent désormais 0,9% de croissance, contre 0,6% au début de l'été. Ce qui signifie que les résultats plus favorables du second trimestre et l'acquis de croissance de 2023 sauvent le taux de croissance moyen de l'année. A quelques semaines de la présentation du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, le gouvernement va sans aucun doute se féliciter de ce chiffre. De son côté, l'exécutif table toujours sur une croissance du PIB de 1% pour 2023. Mais derrière cette révision à la hausse, la conjoncture tricolore est loin d'être réjouissante.
Une inflation à 5% en 2023
S'agissant de l'inflation, l'indice des prix devrait s'établir à 5% en moyenne annuelle et finir l'année 2023 à 4,2%. Il s'agit, certes, d'un niveau plus faible que prévu en juin dernier (4,8%). Mais il demeure bien plus élevé qu'avant la guerre en Ukraine. Les prix de l'alimentaire continuent de peser largement sur le portefeuille des ménages.
« On observe un ralentissement des prix de l'alimentaire depuis juin sans enregistrer de baisse », a souligné, Julien Pouget chef du département de la conjoncture, lors d'un point presse.
Le cri d'alarme des associations d'aide alimentaire ces derniers jours a jeté une lumière crue sur les difficultés de nombreux ménages en France.
Quant aux tarifs de l'énergie, ils font toujours grimper la facture. La hausse de 10% des prix de l'électricité en août dernier et l'envolée des prix du pétrole risquent de miner le pouvoir d'achat des ménages les plus dépendants des énergies fossiles au quotidien. Le gouvernement a mis fin à la ristourne généralisée sur l'essence mise en œuvre en 2022. Au final, la consommation des ménages a augmenté en valeur, mais elle a diminué en volume, comme le montre le graphique frappant de l'Insee.
Et la poursuite de la politique monétaire restrictive ne risque pas d'arranger la situation de la demande. Du côté des entreprises, l'Insee table sur un essoufflement des investissements. Après avoir rencontré des difficultés d'offres, plusieurs secteurs comme la fabrication de biens d'équipement ou l'industrie font part d'une demande exsangue.
L'emploi en berne
Sur le front de l'emploi, l'Insee n'a pas donné de nouvelles prévisions pour la fin de l'année, mais les statistiques rendues publiques jeudi matin révèlent un essoufflement des créations de postes. L'économie tricolore a créé un peu plus de 20.000 emplois entre avril et juin (0,1%) contre 100.000 (0,4%) sur les trois premiers mois de l'année. L'emploi intérimaire est en repli après un précédent recul au premier trimestre. Dans les services et l'industrie, les entreprises ont continué d'embaucher. Mais les recrutements ont plongé dans la construction témoignant des vastes difficultés du secteur.
Contrairement à 2021 et à 2022, la croissance de l'emploi est devenue inférieure à celle de l'activité. « La rétention de main-d'œuvre est moindre qu'auparavant », a souligné Julien Pouget. Ce qui signifie que les gains de productivité, c'est-à-dire la richesse produite par travailleur, ont retrouvé des couleurs. Mais l'absence de débouchés pour les entreprises pourrait encore ralentir les embauches, voire augmenter les licenciements ou les ruptures conventionnelles.
De nombreux nuages pour 2024
L'économie tricolore devrait échapper à la récession en 2023. La Banque de France a également revu favorablement ses chiffres de prévisions macroéconomiques pour 2023. Mais l'horizon est particulièrement bouché à l'approche de 2024. La récession en Allemagne et le coup de frein de l'économie chinoise assombrissent grandement les perspectives de l'économie planétaire.
« Les grandes économies évoluent en ordre dispersé. La résilience de l'économie aux Etats-Unis ne laisse entrevoir de baisse des taux d'intérêt. En Chine, le net ralentissement de la croissance peut avoir des effets ambivalents sur l'économie française », a déclaré Julien Pouget.
« La France est moins exposée que l'Allemagne sur les exportations, mais ce ralentissement chinois peut avoir des tensions sur les approvisionnements », a-t-il poursuivi. Les derniers mois de 2023 pourraient être difficiles pour les entreprises tricolores.