Taïwan : les cyberattaques explosent à 5 millions par jour, le scrutin présidentiel menacé

A seulement deux jours du scrutin présidentiel, l'île de Taïwan est confrontée à des menaces croissantes, en provenance de son voisin : la Chine. Non seulement, elle se prépare ainsi à une éventuelle invasion terrestre, mais elle doit composer avec la croissance exponentielle des cyberattaques, au point de redouter une déconnexion complète de l'île. Depuis le début de l'année, Pékin multiplie les signaux destinés à accentuer la pression sur Taïwan.
D'ores et déjà, les attaques virtuelles visant Taïwan se sont multipliées depuis un an : en moyenne, les autorités dénombrent cinq millions de cyberattaques par jour contre les agences du gouvernement.
D'ores et déjà, les attaques virtuelles visant Taïwan se sont multipliées depuis un an : en moyenne, les autorités dénombrent cinq millions de cyberattaques par jour contre les agences du gouvernement. (Crédits : Reuters)

[Article publié le jeudi 11 novembre 2023 à 7h55, mis à jour à 10h06]. Taïwan retient son souffle, tant les yeux sont braqués sur l'île. Les habitants de cette dernière élisent samedi 13 janvier leur prochain président. Un scrutin dont les enjeux dépassent largement Taïwan. Et pour cause, Pékin considère le territoire de 23 millions d'habitants comme une de ses provinces devant être rattachée au reste du pays, par la force si nécessaire, n'ayant pas réussi à le faire depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949. Résultat, non seulement Taïwan anticipe - et se prépare - à une éventuelle invasion chinoise, mais elle doit aussi contrer les cyberattaques, dont le nombre explose.

Si les autorités communistes mettent leur menace à exécution, les hauts responsables à Taïwan et les experts en sécurité informatique s'attendent à ce qu'elles tentent littéralement de déconnecter l'île du reste du monde. D'ores et déjà, les attaques virtuelles visant Taïwan se sont multipliées depuis un an : en moyenne, les autorités dénombrent cinq millions de cyberattaques par jour contre les agences du gouvernement.

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Au premier semestre 2023, ces attaques ont bondi de 80%, a noté la société de cybersécurité Fortinet, faisant de Taïwan la cible numéro un en Asie-Pacifique. La menace vient généralement de pirates accédant aux réseaux informatiques pour ensuite « patienter tranquillement à l'intérieur de l'infrastructure de la victime », explique à l'AFP Crystal Tu, chercheuse en cybersécurité à l'Institut de défense nationale et de recherche sur la sécurité de Taïwan.

L'objectif, isoler Taïwan du reste du monde

Ils passent à l'action lors de conflits. L'objectif est clair, et limpide : « Perturber des infrastructures critiques ». Pour ce faire, les hackers visent des secteurs stratégiques comme les télécommunications, l'énergie et la finance. Certaines tactiques employées ont été identifiées comme celles de groupes soutenus par l'Etat chinois.

Ainsi, l'an dernier, Microsoft avait signalé la menace représentée par le groupe Flax Typhoon, opérationnel depuis la Chine et ciblant Taïwan. Flax Typhoon « cherche à mener des opérations d'espionnage et obtenir un accès » au sein d'organisations taïwanaises pendant aussi longtemps que possible, avait alors expliqué le groupe américain.

Ces attaques ne visent pas seulement le gouvernement de Taïwan, ou son infrastructure de défense. Elles sont aussi menées contre l'industrie taïwanaise de semi-conducteurs. Un secteur primordial. Et pour cause, l'île est le leader mondial. Ces composants sont indispensables à l'économie mondiale, des voitures aux téléphones portables en passant par les missiles.

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Taïwan se prépare

Leur importance est telle que l'an dernier, un ancien haut responsable américain avait indiqué que les Etats-Unis préféreraient encore détruire les sites de production taïwanais plutôt que les laisser tomber aux mains des forces chinoises. En 2023, Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC), qui contrôle plus de la moitié de la production mondiale de puces électroniques, avait signalé une fuite de données chez l'un de ses fournisseurs.

Lors de ses manœuvres militaires menées en 2022 et 2023, Pékin avait simulé un blocus de l'île. Mais ce blocus pourrait aussi et surtout être virtuel. « Comme Taïwan est une île, toutes les communications avec le monde extérieur dépendent de câbles sous-marins », avait récemment expliqué, dans un entretien à l'AFP, le ministre adjoint en charge du numérique, Huai-jen Lee.

Donc « le pire scénario serait que tous nos câbles sous-marins soient sectionnés ».

Pour s'y préparer, Taïwan travaille avec deux fournisseurs étrangers de services satellite afin qu'ils collaborent avec la principale compagnie de télécommunications de l'île, selon le ministre. Des récepteurs satellite seront placés dans 700 endroits répartis sur le territoire.

Le ton monte avec Pékin

La pression chinoise n'est pas uniquement liée au scrutin présidentiel qui se tient ce samedi. Dans les faits, Pékin a accru sa pression diplomatique et militaire sur Taïwan depuis 2016 et l'élection à la présidence de Tsai Ing-wen, du Parti démocratique et progressiste (DPP). Tsai Ing-wen considère en effet Taïwan comme un Etat indépendant de facto. Elle refuse donc les revendications de Pékin, une opinion partagée par son vice-président Lai Ching-te, candidat et favori de l'élection présidentielle de samedi.

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Ce jeudi, le ministre taïwanais des Affaires étrangères, Joseph Wu, a remis une couche en ce sens. « Les prochaines élections à Taïwan suscitent l'attention internationale et les ingérences répétées (de la Chine) volent la vedette », a écrit le ministre sur le réseau X (ex-Twitter), en ajoutant : « Franchement, Pékin devrait cesser de se mêler des élections des autres pays et organiser les siennes ».

Une réponse directe à l'Empire du Milieu, quelques heures plus tôt. « S'il (Lai Ching-te) arrive au pouvoir, il continuera à promouvoir les activités séparatistes liées à l'indépendance de Taïwan [ce qui est] une voie néfaste », a asséné un porte-parole du bureau chinois responsable des relations avec l'île, Chen Binhua. Il a dit espérer que les habitants de Taïwan fassent « le bon choix » et jugé que Lai Ching-te représente « un grave danger » pour les relations entre la Chine et Taïwan.

Les Etats-Unis restent vigilants

Le statut de Taïwan est, sans surprise, l'un des sujets les plus explosifs de la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis, premier soutien militaire du territoire. Les Etats-Unis ont d'ailleurs prévu d'envoyer « une délégation informelle » à Taïwan après l'élection, a indiqué mercredi une haute responsable américaine.

Une initiative loin de plaire à Pékin qui a appelé Washington, ce jeudi, à ne « pas se mêler » de l'élection présidentielle de l'Ile. Les Etats-Unis ne doivent « pas se mêler des élections de la région de Taïwan, sous quelque forme que ce soit, afin d'éviter de nuire gravement aux relations sino-américaines », a indiqué lors d'un point presse régulier Mao Ning, une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. « Il n'y a qu'une seule Chine dans le monde, et Taïwan est une partie inaliénable de la Chine », a-t-elle alors souligné.

Cette semaine encore, quatre ballons chinois ont franchi la ligne médiane séparant l'île autonome de la Chine, selon le ministère taïwanais de la Défense, tandis que 10 avions et quatre navires de guerre ont été détectés. Plus tôt cette semaine, de hauts responsables militaires chinois avaient affirmé à leurs homologues américains que la Chine ne ferait « jamais le moindre compromis » sur Taïwan et exhorté les Etats-Unis à « cesser d'armer » l'île, lors de discussions militaires organisées à Washington.

Le candidat du KMT promet de ne pas « vendre » l'île à la Chine

Le candidat de l'élection présidentielle taïwanaise Hou Yu-ih, du Kuomintang (KMT), a promis jeudi de ne pas « vendre » l'île à la Chine et de maintenir une relation forte avec les Etats-Unis, son « allié fidèle ». Pour rappel, l'élection à un tour, prévue samedi, opposera trois candidats : le vice-président sortant Lai Ching-te du Parti démocratique progressiste (DPP), Hou Yu-ih du KMT et Ko Wen-je du petit Parti populaire de Taïwan (TPP).

Le KMT, principal parti d'opposition, prône traditionnellement un rapprochement avec la Chine, suscitant les critiques du DPP, dont le candidat est favori des sondages et qui clame que Taïwan est déjà un État indépendant de facto. S'exprimant lors d'une conférence de presse jeudi, Hou Yu-ih a dit rejeter les accusations du DPP d'être un candidat « pro-Chine et qui veut vendre Taïwan ».

« Taïwan est un pays démocratique et libre », a-t-il déclaré, et « quoi qu'en pense la Chine, ce que l'opinion publique à Taïwan veut que nous fassions c'est maintenir le statu quo ».

La question de la « réunification » ne sera pas au programme s'il est élu, a-t-il aussi promis. Le président chinois Xi Jinping avait assuré, dans son discours du Nouvel An, que la Chine serait « sûrement réunifiée ».

La Chine a notamment appelé ce jeudi les habitants de Taïwan à faire « le bon choix » lors de l'élection présidentielle samedi, critiquant le candidat favori, Lai Ching-te du Parti démocratique progressiste (DPP), comme « un grave danger » pour ses positions en faveur de l'indépendance.

(Avec AFP)

Commentaires 4
à écrit le 11/01/2024 à 13:19
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Conseil de lecture : ne manquez pas de lire "Terres rares" de Jean Tuan chez C.L.C. Éditions. Un néo-polar épicurien et érudit qui dévoile certaines menaces que la Chine fait peser sur le monde. Lecture édifiante et distrayante ! Disponible en libr...

à écrit le 11/01/2024 à 13:03
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La situation autour de Taïwan arrive évidemment à la tête. Les communistes chinois sont déterminés à conquérir l'île. Il est ouvert si et comment les États-Unis rachètent ses garanties de sécurité pour Taiwan. Les États-Unis ne sont plus le pouvoir m...

à écrit le 11/01/2024 à 10:11
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Comme quoi, plus on est "connecté" moins on est résilient et l'on cumule de données... bien inutile !

à écrit le 11/01/2024 à 8:43
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Gouvernements occidentaux, Utilisateurs de Tiktok , de huawei asus , de Gm - logiciel espion d écoute dans leur antenne tél , téléphone, pc et voiture- etc voilà ce qui vous attend si vous critiquez ou ne faites pas ce que veut le pouvoir du politb...

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