Taxe internationale sur les bénéfices : qui sont les pays gagnants et les perdants ?

Prévue pour remettre des barrières fiscales aux entreprises - principalement celles de l'Internet sans frontières - qui déclarent leurs bénéfices là où l'imposition est la plus clémente, la taxe des 15% annoncée lors du G7 est-elle sans conséquences pour les Etats ? Si la France et la zone euro peuvent se féliciter d'ouvrir un nouveau robinet de recettes pour alimenter les budgets des Etats, surtout ceux qui sont déficitaires, d'autres pays, qui faisaient le pari de l'attractivité et de l'investissement, vont être, à l'inverse, pénalisés, selon une étude d'Oxford Economics.
Jeanne Dussueil
« Avec cette réforme, l'Irlande (photo : locaux de Google à Dublin) va devenir l'une des économies les plus endettées d'Europe », estime le cabinet d'études Oxford Economics.
« Avec cette réforme, l'Irlande (photo : locaux de Google à Dublin) va devenir l'une des économies les plus endettées d'Europe », estime le cabinet d'études Oxford Economics. (Crédits : Reuters)

Qualifiée d'"historique" lors de l'accord trouvé début juin, à l'occasion du G7, la taxe internationale visant à ponctionner les multinationales qui réalisent des bénéfices - sans les déclarer auprès des services fiscaux du pays étranger où se trouvent pourtant les clients et les consommateurs - n'est pas sans conséquences. Tandis que les sept puissances mondiales (Royaume-Uni, France, Italie Canada, Japon, Allemagne, Etats-Unis) se sont mises d'accord sur un taux d'impôt minimal mondial sur les sociétés d'"au moins 15%", son implémentation doit générer de nouvelles rentrées fiscales pour les États. A la clé, il y aura donc des pays « gagnants » de ce nouvel IS mondial, et des « perdants », comme l'observe le cabinet d'études Oxford Economics qui a modélisé l'application de cette taxe.

Sans surprise, les pays bénéficiaires de ce nouvel impôt vont être plus nombreux que ceux dont la fiscalité avantageuse permettait de capter les déclarations des firmes. Au premier rang desquels la France, qui pourra récupérer les bénéfices des ventes réalisés sur son territoire. A la clé, en mettant fin au dumping fiscal pour attirer les multinationales - en particulier celles du numérique -, ce sont de nouvelles rentrées fiscales pour les Etats qui tombent à pic.

« La pandémie a pesé lourdement sur les finances publiques partout dans le monde. Les gouvernements cherchant des revenus additionnels, la taxe sur les entreprises est une aubaine », écrit Oxford Economics dans son étude du 15 juin.

Les pays de l'UE, qui vont bénéficier d'un plan de relance de 750 milliards d'euros pour relancer leurs économies avec la sortie de la crise sanitaire du Covid-19, ne font pas exception. Avec cette taxe, « les ratios dette/PIB ou RNB (revenu national brut) pour l'Allemagne et la France seront autour de 1,4 point inférieur d'ici 2028, l'Italie de 1 point et l'Espagne de 0,8 point », note le cabinet d'études qui se base sur l'indice "BEPS 2.0" établi par l'OCDE pour "Base Erosion and Profit Shifting". La modélisation montre ainsi que plus le pays est endetté, plus le nouvel impôt va permettre de réduire l'écart entre la dette et la richesse nationale créée.

Pour rappel, fin 2020, la France a vu son déficit budgétaire tripler par rapport à 2019, pointait l'Insee. Aussi, la dette va représenter près de 117% du PIB en 2021, et le déficit public s'est envolé à 211 milliards d'euros.

Oxford Economics

Surtout, il apparaît que les bénéfices enregistrés par les multinationales, issus de clients européens, situent la France, l'Allemagne ou encore le Royaume-Uni en bonne place pour taxer davantage ces gains (7,6% des bénéfices réalisés par les firmes américaines le sont en Europe). De même, l'Europe pèse pour 40% des revenus issus des clients Facebook et du e-commerce générés par ces entreprises, note le cabinet.

Un coup de frein sur l'attractivité de certains pays

A l'inverse, les pays qui jusqu'ici proposaient aux géants du numérique des niveaux d'imposition plus bas, attirant les sièges des Google, Facebook et autres groupes e-commerce, verront la manne des bénéfices - avec ce taux désormais harmonisé - être versés non plus dans les caisses nationales mais dans le pays où ces gains ont été enregistrés pour les services vendus aux consommateurs.

Résultat, sans les rentrées fiscales générées par l'ancien taux d'imposition plus faible, le ratio dette publique/croissance risque d'augmenter fortement en Irlande, en Hongrie, aux Pays-Bas et au Luxembourg. L'Irlande qui ne fait pas partie du G7, par la voix de son ministre des Finances, a déjà fait savoir qu'elle était encore loin de rejoindre le consensus trouvé.

Lire aussi 3 mnFiscalité internationale : la City de Londres tente d'échapper à l'impôt minimum

« Avec cette réforme, l'Irlande va devenir l'une des économies les plus endettées d'Europe », estime d'ailleurs le cabinet. Jusqu'ici, l'île pratiquait un taux d'imposition sur les bénéfices déclarés de 12%. La Hongrie imposait, elle, à hauteur de 10%.

D'autres conséquences indirectes sont à prévoir avec la perte de cette manne financière, par exemple sur les investissements directs étrangers, sur la contribution des multinationales dans l'économie réelle en matière d'emplois générés ou encore sur la valeur ajoutée des entreprises dans l'économie, anticipe Oxford Economics. « En Hongrie, les multinationales pourraient choisir de relocaliser leurs bénéfices et leurs investissements », prévient-il.

Pour ces pays aux cieux fiscaux autrefois plus favorables, les conséquences devraient toutefois rester limitées sur le budget global des Etats. « Luxembourg, Hongrie, Pays-Bas ont des finances publiques relativement saines et l'impact semble gérable », notent les économistes qui soulignent que l'impôt sur les sociétés a seulement représenté 15% du total des revenus générés par les taxes au Luxembourg en 2019 et 14% du total en Irlande.

Enfin, pour connaître les conséquences réelles de cette nouvelle taxe, Oxford Economics prévient qu'il faudra attendre d'en connaître les contours précis  - ainsi que la ratification finale - et voir surtout comment les multinationales s'y adapteront... D'ores et déjà, la City de Londres a déclaré vouloir être exemptée de l'obligation à faire payer cette taxe aux entreprises.

Lire aussi 4 mnL'encaustique taxe du G7

Jeanne Dussueil
Commentaires 4
à écrit le 17/06/2021 à 20:42
Signaler
La vraie question est 15% de quoi... C'est-à-dire l'assiette... Car 15% de 0 feront toujours 0....

à écrit le 17/06/2021 à 18:48
Signaler
Les "grands" gagants des taxes sont encore et toujours les ponctionnaires... quelque soit leur nationalité.

à écrit le 17/06/2021 à 12:48
Signaler
perdant le ministre des finance francaise avec des taux d'imposition frôlant les 50 pour cent ce n'est pas demain que la france sera competitive d'ailleurs leur vocabulaire ne parle pas de compétitivité mais d'attraction pour vendre les entrepr...

à écrit le 17/06/2021 à 7:45
Signaler
Les vrais gagnants seront les irlandais qui collecteront les impôts des autres a 15% au lieu de 12.5 (+20%) en passant pour être aimables et coopératifs d'avoir enfin augmenté leur taux alors que les enfers fiscaux resteront toujours fiscalement non ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.