Terres rares : deux sénateurs américains veulent réduire la dépendance à l'égard de la Chine

Elles sont employées dans un grand nombre d'industries, de la défense aux microprocesseurs, en passant par les voitures électriques et les énergies renouvelables. Après avoir été à l'agenda de Donald Trump, puis de Joe Biden, une proposition de loi vient d'être déposée au Sénat, recommandant, notamment, la création d'une "réserve stratégique" de terres rares d'ici à 2025.
(Crédits : ALEXANDER DRAGO)

C'était il y a un peu plus de trente-cinq ans. Dans le cadre de son 7ème plan quinquennal (1986-1990), le Parti communiste chinois classait comme stratégique l'approvisionnement en métaux, en particulier les terres rares.

"La Chine n'a pas de pétrole comme le Moyen-Orient, mais elle a des terres rares", ironisait alors Deng Xiaoping, qui a ouvert le pays à l'économie de marché.

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17 métaux stratégiques


Derrière cette appellation, il s'agit de 17 métaux qui font partie du tableau des éléments chimiques de Mendeleïev. Une classification reprise par le département de l'Intérieur américain qui, en 2018, a identifié 35 minerais considérés comme stratégiques pour l'économie et la sécurité nationale, parmi lesquels ces fameuses terres rares.

Celles-ci sont employées dans un grand nombre d'industries, de la défense (par exemple pour les systèmes de guidage de missiles) aux microprocesseurs, en passant par les voitures électriques et les énergies renouvelables (éoliennes offshore, panneaux solaires...).

A Washington, elles sont revenues à la "Une" de la presse à l'été 2019 lorsque la rumeur a couru selon laquelle l'administration Trump voulait racheter le Groenland au Danemark, une terre riche en terres rares. Les Etats-Unis restent en effet très dépendants de la Chine pour ces matières premières. L'Empire du Milieu assure plus de 80% de ses besoins. 14 des 35 minerais identifiés par le gouvernement américain ne sont ni extrait ni raffinés dans le pays.

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Un sujet à l'agenda de Trump puis de Biden

Plusieurs mesures ont donc été adoptées pour renforcer l'indépendance stratégique du pays vis-à-vis de la Chine autour des minerais rares. Dès 2018, Donald Trump signe le décret présidentiel 13817, qui donne pour mission au gouvernement fédéral de renforcer les capacités d'extraction et de raffinage de minéraux sur le sol national. Un second décret suit en 2020, qui qualifie la dépendance à la Chine sur les minerais rares d'urgence nationale et prévoit la construction de mines américaines par le Département de la Défense.

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Une Critical Minerals Mapping Initiative est également établie pour encourager la construction d'usines de minage et de raffinage aux États-Unis, et diversifier l'approvisionnement du pays en s'appuyant sur les pays alliés plutôt que sur la Chine. Le Pentagone a également financé le développement de la mine de Mountain Pass, en Californie, à ce jour la seule mine américaine spécialisée dans l'extraction de terres rares, un temps fermée et de nouveau active depuis 2017.

Dès son accession au pouvoir, Joe Biden a quant à lui ouvert une commission qui a eu cent jours pour analyser les faiblesses de la chaîne de valeur américaine autour des minerais stratégiques. Au sein du plan d'infrastructure actuellement en négociation au Congrès américain, 80 millions de dollars doivent être dépensés pour muscler les capacités de production et de raffinage américaines.

Une proposition de loi au Sénat américain

Reste un obstacle de taille aux ambitions américaines : le coût écologique de l'extraction et du raffinage des minerais stratégiques. L'administration Biden, qui a promis de faire du climat l'un de ses chevaux de bataille, se trouve ainsi davantage en porte à faux que l'administration Trump en voulant stimuler l'essor d'une industrie polluante sur le sol national. Même si celle-ci doit en définitive aussi servir l'essor des énergies renouvelables.

D'autant que selon l'US Geological Survey, citée par l'AFP, en plus de posséder les plus importants gisements de terres rares (44 millions de tonnes de réserves), la Chine  bénéficie de conditions d'extraction favorables et de normes environnementales moins strictes.

C'est dans ce contexte qu'il faut lire la proposition de loi déposée, ce 14 janvier, par deux sénateurs américains, un républicain et un démocrate, visant à réduire la dépendance des Etats-Unis à la Chine pour son approvisionnement en terres rares, ces métaux essentiels aux technologies de pointe.

"Mettre fin à la dépendance de l'Amérique vis-à-vis du Parti communiste chinois pour l'extraction et la transformation de ces matériaux est critique si nous voulons remporter la compétition stratégique contre la Chine et protéger notre sécurité nationale", a indiqué Tom Cotton, sénateur républicain de l'Arkansas, dans un communiqué.

Créer une "réserve stratégique" d'ici à 2025

Le texte co-signé par Mark Kelly, un démocrate de l'Arizona, vise à "protéger l'Amérique du risque de perturbation de l'approvisionnement en terres rares" et "encourager leur production aux Etats-Unis", selon le communiqué.

En réalité, il compte imposer aux ministères de la Défense et de l'Intérieur de créer une "réserve stratégique" de terres rares, d'ici à 2025, suffisante pour répondre aux besoins de l'armée, du secteur des technologies et d'autres infrastructures essentielles "pendant un an en cas de rupture de la chaîne d'approvisionnement".

Il instaurerait aussi plus de transparence sur l'origine des composants, restreindrait l'utilisation de terres rares venues de Chine dans les équipements de défense "sophistiqués" et encouragerait le ministère du Commerce à enquêter sur les "pratiques commerciales non équitables" de Pékin sur ce marché et à imposer des droits de douane plus élevés en conséquence.

Un moyen de pression politique de la part de la Chine

"Notre proposition de loi bipartisane va renforcer la position des Etats-Unis comme leader mondial des technologies en réduisant notre dépendance à nos adversaires, comme la Chine pour les terres rares", a assuré Mark Kelly, sénateur démocrate de l'Arizona.

Or la Chine s'est déjà servi de ces atouts comme moyen de pression politique. En 2010, Pékin avait brutalement interrompu ses exportations de terres rares vers le Japon en représailles à un différend territorial.

Lire notre dossier spécial: " Matières stratégiques, le nerf de la guerre"

Commentaires 4
à écrit le 16/01/2022 à 13:40
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Du bla bla tout ça. Dans un reportage une responsable chinoise avait dit que la Chine avait accepté de saccager sa nature pour privilégier le développement du pays, à un moment où les USA avaient renoncé à extraire les terres rares du pays tellement ...

à écrit le 15/01/2022 à 17:16
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Et pour la Terre rare... RAS ? On continue le developpement non durable autrement appelé saccage ou pillage ?

à écrit le 15/01/2022 à 16:23
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Dans les années 80 les chinois avait compris l'enjeu des terres rare Visionnaire l'empire du soleil levant ! Les americains sont pris par les coronas et ils n'aiment pas ça mais ils ont des réserves ainsi que des possibilités avec le Brésil pas l...

à écrit le 15/01/2022 à 12:47
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Les terres rares ne sont pas si rares que ça semble vu leur nom mais mélangées et en faible teneur. La séparation est polluante (y a parfois des résidus radioactifs dans le "magma" minier). Les US en produisaient à une époque mais quand les chinois ...

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