La solution d'Olnica pour lutter contre le vol et la contre-façon (trop) dépendante des terres rares

Engagée dans la lutte anti-contrefaçon ou le vol dans le secteur industriel, la société rennaise Olnica produits des solutions de marquage pour produits finis grâce à un code unique. Sa technologie est fabriquée à partir de terres rares, un marché dominé par la Chine. L'activité de cette entreprise bretonne illustre les risques de rupture des approvisionnements en matières premières et soulève la question d'une relance de l'activité minière en France.
Les oxydes de terres rares (forme commune) permettent la fabrication du procédé de traceurs luminescents par additifs que commercialise la société rennaise Olnica.
Les oxydes de terres rares (forme commune) permettent la fabrication du procédé de traceurs luminescents par additifs que commercialise la société rennaise Olnica. (Crédits : Reuters)

La société rennaise Olnica fait partie de la poignée d'entreprises dans le monde spécialistes de la sécurité des produits, de la lutte anti-contrefaçon et du vol à destination des industriels. Au-delà d'un premier niveau de sécurité qui est le code-barre, les entreprises ont le choix entre trois niveaux supplémentaires faisant appel à des formules uniques.

Construite sur le projet de sécurisation par marquage des produits finis et des matériaux afin de garantir l'origine d'un produit grâce à un code unique, l'entreprise fondée en 2010 adresse les secteurs de la plasturgie, de l'aéronautique, de la banque (marquage des billets), de l'emballage, de la cosmétique (flacons de parfum) et bientôt de l'alimentation.

Si certains clients d'Olnica mais aussi les fabricants d'aimants (comme ceux contenus par exemple dans certaines hydroliennes) peuvent être touchés par la pénurie des matériaux et des semi-conducteurs, l'entreprise technologique est aussi impactée par la rude concurrence qui se livre autour d'une ressource stratégique : les terres rares. Les minerais et terres rares entrent dans la composition des éléments clé des puces et des batteries dont dépend le fonctionnement des appareils électroniques (téléphones, ordinateurs, automobile...). La Chine domine outrageusement le marché de l'extraction et du raffinage de ces minerais.

Les oxydes de terres rares (forme commune) permettent aussi la fabrication du procédé de traceurs luminescents par additifs, protégé par brevets, que commercialise Olnica.

Recherche sur de nouveaux systèmes performants

« C'est un enjeu pour nous, même si heureusement nous ne sommes pas de trop gros consommateurs de cette ressource que nous retraitons dans notre laboratoire de Chantepie », explique Nicolas Kerbellec, président d'Olnica, créée à partir d'un essaimage de l'Insa Rennes.

« Nous ne sommes pas en rupture ni impactés sur le volume mais nous subissons la variabilité des coûts financiers. Pour le moment, les prix de nos produits n'ont pas augmenté mais si la crise persiste ou en cas de rupture forte des approvisionnements, nous serons obligés de reporter la hausse des coûts sur nos clients. Il est très difficile d'anticiper depuis le début d'année. »

Après une levée de fonds d'un million d'euros en 2020, Olnica connaît même une forte accélération de son chiffre d'affaires à l'international (Asie, Europe) qui représente 50% de l'activité totale. L'entreprise marque plus de 25 millions de produits par an (15 millions en 2013) et améliore en permanence ses solutions.

Au sein du laboratoire CheminTag (Chemical Inorganic Taggants), créé avec le laboratoire ISCR (CNRS/Université de Rennes 1/ENSC Rennes) et l'équipe CSM (chimie du solide et matériaux) de l'Insa Rennes, l'entreprise travaille à la compréhension des mécanismes de luminescence et des interactions des terres rares entre elles. Elle investit aussi dans la recherche de nouveaux systèmes performants intégrant les méthodes du monde digital (cloud, données, blockchain).

Avec le fabricant d'instruments de précision, Mettler-Toledo, Olnica a ainsi développé une solution, aujourd'hui mise sur le marché, qui permet de marquer les emballages avec un marquage invisible à code unique, détectable avec des appareils connectés.

Allier écologie et besoins en ressources

Pour le dirigeant d'Olnica, également docteur en chimie inorganique, diplômé du Magister Matériaux à l'université de Rennes et titulaire d'un DEA de chimie solide, la pénurie des semi-conducteurs met en lumière la sécurisation des ressources issues des mines et la traçabilité des matières premières.

« Les minéraux sont à la base de la vie mais la croûte terrestre n'est pas remplaçable. Demain, la science pourra se tourner vers d'autres métaux. Pour répondre aux enjeux de réindustrialisation et d'indépendance, il faut allier les aspects écologiques et le besoin en ressources en trouvant le bon équilibre. La fluctuation du marché est liée à des stocks stratégiques. En cas de rupture, que fait-on ? Et comment anticipe-t-on une éventuelle rupture ? », se demande Nicolas Kerbellec.

La réponse ne peut être que d'ordre géopolitique. Les principaux gisements mondiaux, l'exploitation, la transformation et l'exportation sont en effet entre les mains d'un nombre restreint d'acteurs, situés en Chine, à Taiwan, en Corée du Sud et au Japon.

À elle seule, la Chine possède 65% de la production mondiale de graphite naturel, nécessaire à la fabrication des batteries de dernière génération. Elle importe aussi du Congo des minerais tels que le manganèse, le lithium, le cobalt ou le nickel.

Arrêt des permis miniers en Bretagne en 2019

Olnica pourrait-elle un jour s'approvisionner en minerais français ? L'Hexagone possède  des champs de ressources identifiés ou exploitables, notamment des sites géologiques chargés en terres rares et situés en Bretagne (Grand-Fougeray en Ille-et-Vilaine, Châteauneuf-du-Faou en Finistère), en Guyane et en Polynésie, mais qui restent économiquement modestes.

« Il deviendrait intéressant de réévaluer le potentiel économique du gisement du Grand-Fougeray, seulement s'il y a une envolée du cours de ces terres rares. Mais s'il y avait une exploitation, elle serait modeste et très localisée », relevait Mélanie Bardeau, directrice du service géologique BRGM Bretagne, interrogée en 2018 par le magazine Sciences Ouest.

Pas sûr que cela soit envisageable ni acceptable par la population. Entre 2013 et 2018, plusieurs projets de prospection minière ont émergé en Centre Bretagne. La forte mobilisation collective, associant citoyens, associations et collectivités locales et régionales avait permis de faire annuler définitivement par l'État, en avril 2019, les derniers permis miniers accordés au groupe australien Variscan Mines à Loc-Envel, Merléac et Silfiac.

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Retrouvez l'intégralité de notre dossier sur "la guerre des métaux stratégiques" :

1/ Un enjeu décisif, édito

Métaux : la bataille à ne pas perdre pour l'Occident

Les 10 métaux stratégiques pour la transition énergétique

Entretien avec le professeur Philippe Chalmin

2/ Le raffinage, l'arme redoutable de la Chine pour dominer le marché

3/ Les Etats-Unis en quête d'autonomie relance le secteur

4/ L'Europe voit son avenir industriel dans le recyclage et les mines

5/ La France, l'innovation pour combler le retard et limiter les ruptures

6/ Semi-conducteurs : le risque de pénurie des... métaux

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Commentaires 3
à écrit le 27/11/2021 à 10:26
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"La Chine domine outrageusement le marché de l'extraction et du raffinage de ces minerais." C'est tellement polluant comme activité que les USA leur ont laissé la production (autant que ça se fasse ailleurs !). Il faudra que je fouille mon grenier, ...

à écrit le 26/11/2021 à 19:18
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On ne remerciera jamais suffisamment les écologistes et les gauchistes pour notre dépendance à la Chine dans les terres rares, minerais, métaux et produits raffinés ou transformés, et pour la grosse empreinte logistique qui en découle pour rapatrier ...

à écrit le 26/11/2021 à 18:10
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Faut passer au marquage par ARN bioluminescent. Alternative viable déjà en usage pour sécuriser les transports de fonds

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