Mieux partager les richesses ? La crise du Covid-19 relance le débat

La crise sanitaire en cours agit comme un révélateur des inégalités au sein de la société. Plusieurs voix s'élèvent alors et suggèrent de profiter de cette période extraordinaire pour repenser le partage des richesses, à la veille d'un probable appauvrissement d'une partie de la population.
Des partis de gauche au mouvement syndical, en passant par la prix Nobel d'Économie Esther Duflo, nombreux sont ceux à plaider pour le rétablissement de l'Impôt sur la fortune (ISF).
Des partis de gauche au mouvement syndical, en passant par la prix Nobel d'Économie Esther Duflo, nombreux sont ceux à plaider pour le rétablissement de l'Impôt sur la fortune (ISF). (Crédits : Reuters)

Rétablir l'ISF, faire davantage bénéficier les salariés de la valeur créée par les entreprises: au moment où la crise met en difficulté nombre de Français, en particulier les plus précaires, des voix s'élèvent pour réclamer un meilleur partage des richesses.

"La crise relance ces débats car en un sens elle exacerbe des inégalités qui préexistent", avec des personnes aux métiers peu valorisés avant l'épidémie qui se retrouvent en première ligne, avance Lucas Chancel, codirecteur du laboratoire sur les inégalités mondiales à l'École d'économie de Paris.

"On se rend compte que notre hiérarchie des salaires ne correspond peut-être pas à ce qui compte vraiment dans nos sociétés", ajoute-t-il.

Le gouvernement a bien promis de réévaluer les salaires des personnels soignants et a demandé aux entreprises de verser des primes aux salariés en première ligne durant le confinement, comme ceux de la grande distribution.

Lire aussi : "Ségur de la santé" : il y aura des "investissements massifs" promet le Premier ministre, sans en préciser le niveau

Mais pour certains économistes et responsables politiques, il faut aller au-delà et la crise doit faire réfléchir sur une mise à contribution plus importante des plus riches pour passer le cap.

D'autant que plusieurs rapports d'économistes ont montré que les ménages modestes n'avaient pas été les plus gagnants de la hausse du pouvoir d'achat depuis 2018.

Si la France, grâce à son modèle social, est un des pays d'Europe où les inégalités sont les moins marquées, 5% des Français détiennent tout de même un tiers du patrimoine brut de l'ensemble des ménages, selon une récente étude de l'Insee.

"Impôt raisonnable"

Des partis de gauche au mouvement syndical, en passant par la prix Nobel d'Économie Esther Duflo, nombreux sont ceux à plaider pour le rétablissement de l'Impôt sur la fortune (ISF) supprimé par Emmanuel Macron et remplacé par un impôt sur la fortune immobilière (IFI) au début du quinquennat.

Lire aussi : Esther Duflo plaide pour le rétablissement de l'ISF

"L'impôt sur la richesse est un impôt raisonnable, pas du tout extrême ou radical" et "il n'aurait jamais dû être aboli", a estimé Mme Duflo.

"Pure démagogie" a répondu le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, qui ne veut pas de hausse d'impôt, tandis que le Medef juge que le rétablir serait "un très mauvais signal".

D'autres propositions d'impôt de crise ont émergé, comme celle du responsable de la CFDT Laurent Berger d'un "impôt exceptionnel" sur les sociétés qui n'ont pas été pénalisées par l'épidémie et le confinement.

Lire aussi : Coronavirus: quels sont les secteurs qui profitent du confinement?

La question se pose aussi au sein des entreprises, pour savoir comment doivent se partager les profits entre actionnaires, salariés et besoins de réinvestissement.

Ces dernières semaines, de premiers gestes ont été faits: certains dirigeants ont diminué leur rémunération quand une partie de leurs salariés était en chômage partiel et des entreprises ont suspendu ou réduit le versement de dividendes, parfois contraints par le gouvernement qui en a fait une des conditions de son soutien.

Lire aussi : Dividendes et rémunérations dans le CAC 40 : le point, entreprise par entreprise

La vieille idée du général de Gaulle sur la participation salariale dans les entreprises a aussi ressurgi, par la voix du ministre des Comptes publics Gérald Darmanin.

Répartir l'appauvrissement

"C'est un sujet majeur de justice sociale et, pour les entreprises, de motivation et d'efficacité", estime l'économiste Nicolas Bouzou, président du cabinet Asterès.

Divers dispositifs existent actuellement pour associer les salariés à la réussite financière des entreprises, via les primes d'intéressement ou les plans d'épargne d'entreprise.

Pour Nicolas Bouzou, l'actionnariat salarié "marche très bien dans certains secteurs", comme le bâtiment, et il plaide pour un développement de ces dispositifs.

"C'est vrai que les profits des entreprises vont baisser cette année, mais on est quand même dans une situation exceptionnelle avec un appauvrissement qui va être important", avance-t-il: "il faut en quelque sorte répartir cet appauvrissement au mieux et faire en sorte que ceux qui sont déjà les moins favorisés en souffrent le moins".

Pour Lucas Chancel, le vrai débat "c'est la question des inégalités sur les enjeux de pouvoir" au sein des entreprises.

Il plaide pour une "meilleure représentation des salariés" dans les organes où se décident les évolutions de salaires, les montants versés en dividendes, etc.

Pendant la crise de 2008, le débat avait déjà refait surface. Mais pour quels résultats? Il y a eu "quelques avancées sur la transparence financière", mais globalement "quasiment rien n'a été fait ou presque", juge M. Chancel.

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Commentaires 21
à écrit le 05/06/2020 à 9:08
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Regardons les chiffres on a un indice de gini qui reflète plus une certaine égalité qu’une grande inégalité et les impôts excessifs en France et les dépenses sociales en France surabondantes jouent dėjà leur jeu

à écrit le 04/06/2020 à 21:39
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Mais pourquoi tout le monde se focalise-t-il sur les inégalités financières, et ne parle jamais des inégalités démographiques ? Pourquoi ne dénonce-t-on pas les citoyens qui ont une mentalité de conquête, et qui sont prêts à détruire leur pays et la ...

à écrit le 04/06/2020 à 21:29
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Drole de pays où tout un chacun parle de "partage" en proposant des impots pour les autres. Une telle puérilité et son entêtement en disent long sur l'état de l'électorat : les impots sont devenus son respirateur artificiel et le caritatif son covid-...

à écrit le 04/06/2020 à 16:14
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Il est facile de proposer des impots qu'on ne payera pas parce qu'on est devenu non-résident fiscal français. Plusieurs universitaires se sont déjà livrés à cet exercice dans les colonnes de La Tribune. J'en vois au moins 3...

à écrit le 04/06/2020 à 15:11
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La vraie inégalité qui existe en France est celle qui voit des honnêtes citoyens, travailler et créer de la richesse pour vivre moins décemment que des assistés. Cela a deux causes, l'État assomme de taxes la production (entreprises et employés), l'É...

le 04/06/2020 à 17:08
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En France, la fraude sociale représente entre 1 et 1.5 Milliards d'euros par an comparé à la fraude fiscale estimée entre 60 et 80 milliards d'euros par an !!!! Le savoir est une arme, arrêtez de tirer à blanc svp.

le 05/06/2020 à 14:59
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Dépenses sociales en France (32% du PIB - champion de l'OCDE), Allemagne (25%), Canada (17%), Corée du Sud (11%), Danemark (28%), Suède (26%). Le savoir est une arme : la France est l'état de l'OCDE qui dépense le plus dans le social, qui a le plus h...

le 05/06/2020 à 15:08
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@itosan. Simple expérience personnelle. Mon beau-père a vécu sa vie à l'étranger sans rien cotiser au système social français. Il y a 5 ans, il rentre en France et y travaille pendant 18 mois. Il tombe malade. Pendant environ 18 mois, il vit et voyag...

le 05/06/2020 à 15:09
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@itosan. Simple expérience personnelle. Mon beau-père a vécu sa vie à l'étranger sans rien cotiser au système social français. Il y a 5 ans, il rentre en France et y travaille pendant 18 mois. Il tombe malade. Pendant environ 18 mois, il vit et voyag...

à écrit le 04/06/2020 à 13:19
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Mieux partager la richesse. Mais c'est ce que l'on fait depuis des années en France. D'ailleurs on en arrive à une telle situation, que beaucoup de jeunes se disent : à quoi cela sert de faire des études. C'est le paradis en France tout en bas de l'é...

à écrit le 04/06/2020 à 12:50
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Mieux partager les richesses ? reformulons : Mieux partager les produits du travail de production, payer juste le travail ! Mettre fin à la captation de la valeur du travail par des minorités voleurs impénitents du travail des autre Stopp...

à écrit le 04/06/2020 à 11:26
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L'impôt sur la richesse dans un seul pays ne fera qu'appauvrir ce pays (et ce fut le résultat de l'ISF). Même Trotsky avait compris que le socialisme dans un seul pays ne peut pas marcher. Que Duflo fasse donc sa propagande à l'etranger (Belgique, ...

à écrit le 04/06/2020 à 10:59
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Manifestement, il y a des gens qui confondent "faire le bien" et forcer les autres à faire le bien. C'est en somme le credo du business caritatif en pleine expansion. Malheureusement, comme l'expérience l'a toujours montré, la contrainte n'est pas un...

à écrit le 04/06/2020 à 10:47
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Contrairement au Portugal, l'Italie, l'Irlande, la Pologne etc, la France a toujours préféré exporter ses ressortissants aisés que ses pauvres. C'est peut-être un autre signe de la faiblesses de nos échanges internationaux depuis Mitterand. Il serait...

le 04/06/2020 à 11:29
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Exact. Qui défend l'ISF en France n'aime pas la France. Soit c'est au niveau européen soit c'est contre-productif pour le pays qui l'applique.

à écrit le 04/06/2020 à 9:28
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La France a un enorme problème dans la création de richesse (trop de monde n'a pas les compétences pour y participer de façon significative) et dans la formation. On redistribue assez. La situation est très différente dans d'autres pays. L'impôt su...

à écrit le 04/06/2020 à 9:25
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on n/arrete pas de reclamer aux riches de partager et quoi encore ? grace aux riches que vous aviez du boulots , efforcez vous aussi de devenir riche comme eux au lieu de macher votre jalousie a tous va . selon les chinois ; si les patrons mangent du...

le 04/06/2020 à 12:04
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Il y a une définition pour cela sur le net : le syndrome du larbin en voici un extrait : Chez un individu, le syndrome du larbin est un comportement pathologique visant à prendre systématiquement la défense des classes les plus favorisées au détri...

le 04/06/2020 à 14:35
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@lachose. Il y a aussi le syndrome du "cracheur dans la soupe". Celui qui vit d'aides publiques ou du travail des autres, mais qui trouvent que ces derniers ne font jamais assez d'effort, tout cela pour éviter d'en faire lui même. Il repousse toutes ...

à écrit le 04/06/2020 à 9:22
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et juste pour le fun, a dispo des gens qui font des etudes dans leur tour d'ivoire! j'etais la derniere fois dans un supermarche francais, un client discutait avec un employe........ effectivement, l'employe se plaignait d'avoir ete la pendant le c...

à écrit le 04/06/2020 à 9:11
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opportunisme de bas niveau quand tu me tiens la france est championne du monde d'impots et de decouragement, alors ceux qui decouragent tout le monde decouvrent quand quand ceux qui sont decourages n'embauchent plus personne, les gens finissent chez...

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