Voilà une sortie qui va rassurer les observateurs de la politique monétaire européenne. Ce vendredi, le président de la Banque fédérale d'Allemagne a estimé qu'une première baisse des taux en zone euro est probable en juin.
Alors que l'inflation poursuit son recul en zone euro, Joachim Nagel a affirmé que « la probabilité augmente que nous voyions les taux baisser avant la pause d'été. »
Pour rappel, après avoir monté à toute vitesse ces taux directeurs de 0% en 2022 à 4% et 4,75%, au plus haut depuis vingt ans, la Banque centrale européenne est sous pression pour entamer un cycle de baisse de ses taux. Les responsables de la BCE veulent cependant voir comment vont évoluer trois indicateurs clés - les hausses de salaires, les marges des entreprises et la hausse de la productivité - pour s'assurer que l'inflation se dirige bien vers la cible de 2% à moyen terme.
Mais la sortie de Joachim Nagel ancre un peu plus l'idée d'une baisse en juin. D'autant que son point de vue détonne de celui qu'il affichait quelques mois auparavant.
En novembre, alors que le gouverneur de la Banque de France, avait affirmé que « la hausse de nos taux directeurs, c'est fini », il avait, en effet, répondu qu'« il ne serait pas judicieux de commencer à réduire les taux d'intérêt trop tôt ».
Croissance en berne
Mais entre-temps, l'économie de la zone euro a bien changé. L'inflation est tombée à 2,6% en février tandis que la croissance du Vieux continent ne devrait atteindre que 0,8% en 2024.
Une situation qui a même poussé la présidente de la BCE, Christine Lagarde, à reconnaître de son côté reconnu que « nous ne pouvons pas attendre de disposer de toutes les informations pertinentes » pour décider de la baisse des taux. Lors d'une conférence à Francfort le 20 mars, cette dernière a ajouté qu'« en agissant ainsi, nous risquerions d'ajuster notre politique trop tardivement », et d'emmener la zone euro vers une récession.
Dans le même temps, une grande banque centrale, celle de la Suisse, a déjà ouvert le bal des baisses. Jeudi, la Banque nationale du pays a ainsi réduit d'un quart de point son taux d'intérêt de référence pour le porter à 1,5%.
À noter, début mars déjà, le gouverneur de la Banque de France, s'était avancé sur une première baisse des taux estimant « probable » qu'elle intervienne « au printemps », avait déclaré François Villeroy de Galhau, lors d'une interview au micro de BFM Business. Il avait toutefois nuancé son propos, précisant « qu'en Europe comme ailleurs, le printemps est une saison qui va d'avril jusqu'au 21 juin ».
Pas d'automatisme dans la baisse selon Nagel
Si, de son côté, le banquier central allemand reconnaît aussi qu'une baisse prochaine est probable, il a néanmoins nuancé son propos. « Cela signifie-t-il qu'il y aura une séquence de baisses de taux ? Je ne vois pas là une sorte d'automatisme », a-t-il ajouté lors d'une conférence en ligne, fidèle à ses positions restrictives sur la politique monétaire. « Cela ne veut pas dire qu'à la réunion suivante il y aura une autre baisse des taux », a-t-il insisté.
Selon Joachim Nagel, l'incertitude demeure sur l'évolution de plusieurs indicateurs pour le reste de l'année. « Le prix de l'essence se situe en dessous du niveau d'il y a 12 mois, mais il n'y a pas de certitude que ce soit quelque chose de très stable », a dit le banquier central, qui avoue « vérifier chaque matin les prix de l'énergie ».
D'autres membres de la BCE se montrent aussi prudents. « La politique monétaire (de la BCE) doit rester restrictive », et il ne faut « pas ajuster prématurément » le niveau des taux, avait averti Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, dans un discours à Florence en février. « La croissance de la productivité, toujours faible, voire négative depuis peu, exacerbe les effets de la forte croissance actuelle des salaires nominaux sur les coûts unitaires de main-d'œuvre des entreprises », avait expliqué la banquière centrale. Par conséquent, « cela augmente le risque que les entreprises répercutent la hausse des coûts salariaux sur les consommateurs, ce qui pourrait retarder le retour de l'inflation à notre objectif de 2% », avait-elle ajouté.
Malgré cette mise en garde, en mars, un panel d'analystes sondés par la BCE prévoyait un taux sur les dépôts ramené à 2,25% en sept baisses décidées d'ici fin 2025.
La Fed joue la montre Outre-Atlantique en revanche, l'idée d'une première baisse des taux, portés aujourd'hui à 5,25% et 5,5%, en juin est beaucoup moins certaine. Lors de leur dernière réunion, qui s'est tenue ce mercredi, les membres du comité de la Fed (FOMC) ont annoncé tabler sur 3 baisses des taux de 0,25 point de pourcentage en 2024 et ont même dégradé leurs perspectives de baisses pour 2025 avec trois baisses supplémentaires, de 0,25 point, contre quatre prévues lors de leur réunion de décembre. Ces derniers ont aussi jeté le trouble sur la date de la première baisse affirmant « ne pas s'attendre à ce qu'il soit approprié de baisser la cible des taux avant d'être davantage confiant dans la trajectoire durable de l'inflation vers l'objectif de 2% ». Et pour cause, l'inflation reste encore trop « élevée » aux Etats-Unis selon Jerome Powell. Cette dernière a notamment rebondi à 3,2% (CPI) en février -loin de son objectif- tandis que la croissance devrait se maintenir à 2,1% en 2024 selon la Fed, contre 1,4% prévu précédemment.
(Avec AFP)