UE : l'autorisation du glyphosate pourrait être prolongée encore dix ans, sur proposition de Bruxelles

L’exécutif européen s’est prononcé pour la prolongation de l’autorisation du glyphosate, un pesticide soupçonné d’être cancérogène, jusqu’au 15 décembre 2033. La Commission base sa proposition, qui devra être votée par les Vingt-Sept, sur un rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments qui n’avait pas « identifié de domaine critique de préoccupation », contrairement à d’autres organismes.
L'EFSA note « un risque élevé à long terme chez les mammifères » pour la moitié des usages proposés du glyphosate.
L'EFSA note « un risque élevé à long terme chez les mammifères » pour la moitié des usages proposés du glyphosate. (Crédits : Regis Duvignau)

Les débats autour du glyphosate pourraient continuer pendant encore 10 ans. La Commission européenne a proposé, ce mercredi, aux Etats membres de renouveler en effet pour une décennie l'autorisation du pesticide controversé dans l'Union européenne.

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La proposition de l'exécutif européen, disponible en ligne, sera examinée vendredi par les représentants des Vingt-Sept, qui devront ensuite la valider à une majorité qualifiée d'Etats membres lors d'une réunion le 13 octobre. Pour rappel, l'autorisation actuelle du glyphosate dans l'UE, renouvelée en 2017 pour cinq ans, expirait le 15 décembre 2022, mais a été prolongée d'un an dans l'attente d'une évaluation scientifique sur l'herbicide.

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Aujourd'hui la Commission souhaite donc autoriser l'usage du glyphosate jusqu'au 15 décembre 2033, soit pour une durée deux fois plus longue que la précédente autorisation, mais en-deçà de la période de 15 ans initialement prévue.

L'EFSA « n'a pas identifié de domaine critique de préoccupation »

Si la Commission européenne se prononce en faveur de la substance active du Roundup de Monsanto (racheté par l'allemand Bayer en 2018), c'est à la suite d'une étude de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) estimant que le niveau de risque ne justifiait pas d'interdire cet herbicide controversé, selon un texte mis en ligne ce mercredi.

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Dans son rapport paru en juillet, l'EFSA « n'a pas identifié de domaine critique de préoccupation » du glyphosate chez les humains, les animaux et l'environnement, explique-t-elle dans un communiqué. Une préoccupation est définie comme « critique » lorsqu'elle affecte tous les usages proposés de la substance active évaluée, empêchant donc son autorisation, précise-t-elle. L'EFSA note néanmoins « un risque élevé à long terme chez les mammifères » pour la moitié des usages proposés du glyphosate.

Des mesures de sécurités réévaluées

Cette conclusion nuancée sur la dangerosité du pesticide a amené la Commission à préciser que l'usage de glyphosate doit s'accompagner de « mesures d'atténuation des risques » aux alentours des zones pulvérisées, en « apportant une attention particulière » aux effets indirects sur l'environnement, notamment par la fin de la dessiccation (épandage de glyphosate pour sécher une culture avant la récolte) et la mise en place de « bandes tampons » de 5 à 10 mètres et l'usage d'équipements permettant de réduire drastiquement les « dérives de pulvérisation ». De même, Bruxelles fixe des niveaux-limites pour certaines « impuretés » issues du glyphosate.

La Commission enjoint aussi les Etats, chargées de délivrer les autorisations au niveau national et de fixer les conditions d'utilisation selon les spécificités locales, à « apporter une attention particulière » aux effets sur l'environnement. Ils seront ainsi tenus d'examiner les « co-formulants » (autres composants présents dans les herbicides autorisés) et d'évaluer l'exposition des consommateurs aux « résidus pouvant être présents dans les cultures successives cultivées en rotation ».

De même, les Etats sont appelés à prêter attention à l'impact sur les petits mammifères, en envisageant « si nécessaire » des mesures d'atténuation ou des restrictions. S'ils identifient des effets indirects potentiels sur la biodiversité, ils devront examiner si d'autres méthodes de protection des cultures sont possibles, et pourront là aussi adopter des restrictions. Enfin, ils devront veiller à la protection des eaux souterraines susceptibles d'être exposées via l'infiltration comme aux eaux de surface, notamment celles utilisées pour le captage d'eau potable.

Un pesticide classé « cancérogène probable » depuis 2015

Des mesures de sécurités insuffisantes pour les associations écologistes qui ont rappelé la dangerosité du pesticide après la publication du rapport de l'EFSA.

 « Les effets toxiques du glyphosate ainsi que sa présence ubiquitaire dans l'environnement et les êtres vivants sont largement documentés. Pourtant mi-juin 2021, les quatre États membres rapporteurs en charge de la rédaction du dossier d'évaluation ont donné un avis favorable à la ré-autorisation du glyphosate » avaient répondu une quinzaine d'ONG - dont Générations futures, Greenpeace, Réseau Action Climat ou encore Les Amis de la Terre - dans une lettre remise à la Première ministre Élisabeth Borne et d'autres ministères en juillet.

Le glyphosate est, en effet, classé depuis 2015 comme un « cancérogène probable » pour les humains, par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). De son côté, un groupe d'experts de l'Institut national de santé et de la recherche médicale (Inserm) en France a conclu en 2021 à « l'existence d'un risque accru de lymphomes non hodgkiniens avec une présomption moyenne de lien » avec le glyphosate. À l'inverse, l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a jugé en juin 2022 que les preuves scientifiques disponibles ne permettaient pas de classer le glyphosate comme cancérogène.

Aux États-Unis, les litiges de personnes reprochant au fabricant l'absence d'avertissement sur les emballages du Roundup ont coûté des milliards de dollars à Bayer. Au-delà des procès intentés par des particuliers, des juridictions s'attaquent à l'industriel : il y a quelques semaines, le groupe allemand a accepté de verser environ sept millions de dollars à l'État de New York. Objectif, mettre fin à des poursuites l'accusant d'avoir trompé les consommateurs, en présentant l'herbicide Roundup comme un produit sans danger.

Les écologistes demandent à la France de s'opposer à cette nouvelle autorisation

« Nos organisations demandent que la France prenne position contre la ré-autorisation de cette substance dangereuse pour la santé et l'environnement », déploraient les signataires de la lettre envoyée en juillet.

Une trentaine d'organisations environnementales ont par ailleurs recueilli plus de 500.000 signatures dans une pétition exigeant que la France s'oppose « publiquement au renouvellement de l'autorisation de ce pesticide toxique en Europe ».

Emmanuel Macron s'était engagé en 2017 à sortir du glyphosate en France « au plus tard » début 2021, avant de revenir sur cette promesse. Des organisations agricoles s'opposent à cette interdiction, estimant que le désherbant reste largement incontournable, notamment pour faire place nette à une nouvelle culture sans labourer (une pratique qui relâche du carbone et altère la fertilité des sols). Le gouvernement montrera donc dans quel camp il se tient le 13 octobre.

(Avec AFP)

Commentaires 7
à écrit le 21/09/2023 à 15:21
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Il serait temps de créer une autorité de sureté de la chimie calquée sur le fonctionnement de L'Autorité de Sureté du Nucléaire (ASN), car la pollution chimique est partout et les réponses dépendent de la puissance de certains qui souvent ne possèden...

à écrit le 21/09/2023 à 11:59
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bon sang mais c'est biensur il faut proteger l'industrie chimique alllemande que diable !

à écrit le 21/09/2023 à 9:33
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Les écologistes se sont opposés au nucléaire, ils se sont opposés aux OGM, ils se sont opposés à l’utilisation du glyphosate, ils se sont opposés au pelliculage de semences à quelques grammes par hectare qui permet de sauvegarder les semis; ils se so...

à écrit le 20/09/2023 à 19:02
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LOL !

à écrit le 20/09/2023 à 15:53
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J'aime bien le ROUNDUP, l'emballage est......VERT.

à écrit le 20/09/2023 à 15:38
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Voilà un produit qu'il est bon. Depuis que l'ecobuage est interdit, c'est le seul remède pour garder des abords propres. Pas question de vivre au milieux des ronces et des orties. (pour ceux qui vivent à la campagne). Pour les autres, en ville, c'est...

à écrit le 20/09/2023 à 15:05
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La Commission, les parlementaires, les agences et toutes les instance Européennes sont sous influences des lobbies et en particulier celui de l'agrochimie. C'est un fléau.

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