Avec une baisse des volumes vendus en grande distribution de 13% entre janvier et juillet 2023, selon l'institut Circana (ex IRI), l'alimentation bio figure parmi les principales victimes de l'inflation alimentaire, et de la conséquente contraction de la consommation alimentaire des ménages -qui ont respectivement atteint +11% et 8% en un an, selon les dernières données de l'Insee.
Jusqu'à 50% plus chère que l'alimentation dite conventionnelle, l'alimentation bio a vu son poids dans les paniers des acheteurs de la grande distribution passer de 4,3% à 3,9% des volumes entre 2022 et 2023, selon le cabinet NielsenIQ. Selon les chiffres de l'Agence Bio présentés en juin, le marché est tombé à douze milliards d'euros l'an passé, soit un recul de -4,6 %.
Une accalmie dans la rationalisation des assortiments
Malgré la concurrence féroce d'autres labels de qualité, et les difficultés croissantes des ménages frappés par la baisse de leur pouvoir d'achat, les acteurs du secteur tentent toutefois de garder la foi, en soulignant l'émergence de facteurs faisant entrevoir un redressement. Ainsi, les fermetures de magasins spécialisés -qui en 2022 ont vu leur ventes en valeur chuter de 8,6 %- ralentissent, en passant en moyenne de 28 par mois entre janvier et juin 2023 à 7 par mois cet été, note Antoine Lemaire, directeur de la rédaction du magazine Bio Linéaires.
Depuis trois mois, le chiffre d'affaires y semble même repartir à la hausse (+1,7% en juin, +1,6% en juillet et +1,3% en août par rapport aux mêmes mois de 2022), observe-t-il. Si aux ventes de ces magasins on ajoute celles des "épiceries alternatives de proximité", où 80-90% des produits sont bio, en 2023 l'ensemble pourrait atteindre 3,95 milliards d'euros, contre 4,162 pour les magasins spécialisés en 2021, remarque l'expert.
En grandes et moyennes surfaces, la rationalisation des assortiments, qui ces dernières années a pénalisé le label, a enregistré fin août son taux le plus bas depuis 12 mois, selon l'institut Circana, cité par Bio Linéaires: -10,7 %. « Le point d'équilibre semble atteint, on entrevoit une accalmie dans la réduction de l'offre bio dans les produits de grande consommation », analyse Antoine Lemaire.
170.000 restaurants et 80.000 cantines à cibler
Les plus prometteurs restent toutefois, comme au début de la crise, deux autres canaux : la vente directe et la restauration hors domicile, qui ont respectivement vu leur chiffre d'affaires croître de 4% et de 17% en 2022. La vente directe représente désormais 13% des parts de marché, et reste dynamique:
« Depuis janvier 2023, on enregistre de nombreuses nouvelles installations en maraîchage bio avec un projet de vente des produits en circuits-courts », témoigne le directeur de la rédaction de Bio Linéaires.
Quant à la restauration hors domicile, son potentiel découle du fait qu'aujourd'hui la bio dépend encore à plus de 90% de la consommation à domicile, dans un pays qui compte pourtant quelque 170.000 restaurants et 80.000 cantines. Et alors que la loi Egalim I de 2018 imposait d'atteindre dès le 1er janvier 2022, dans la restauration collective publique, 50% de produits de qualité et durables, dont au moins 20 % de produits biologiques, on n'en est encore qu'à 6%.
La multiplication des lieux et des modes d'achats des Français depuis la crise sanitaire liée au Covid mériterait d'ailleurs d'être davantage mesurée voire exploitée par les acteurs du secteur, rappelle Philippe Laratte, vice-président de l'association d'organisations professionnelles La Maison de la Bio. D'autant plus qu'elle permet de réduire le surcoût des achats bio, en les rendant davantage accessibles à l'ensemble des ménages, souligne-t-il.
60 millions, des « peanuts »
« Nous sommes aujourd'hui au plus bas d'un cycle économique naturel mais, comme au début des années 2000, la bio va repartir », croit ainsi Philippe Laratte. A condition toutefois que « tous les acteurs, publics et privés, se remettent en cause et travaillent ensemble pour adapter les filières aux plus récentes attentes consommateurs », souligne-t-il.
Or, ni le gouvernement ni les distributeurs français semblent suffisamment engagés -contrairement à ceux allemands où le marché redémarre-, déplore Philippe Laratte. Les 60 millions mobilisés cette année par l'Etat pour "aider à résoudre les difficultés les plus urgentes des filières agricoles en agriculture biologique" sont « peanuts », notamment comparés aux 160 millions d'euros débloqués cette année pour les vignerons, dénonce le vice-président de la Maison de la Bio.
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