Volailles, maïs, avoine... L'Europe va plafonner les importations de certains produits ukrainiens

Les Etats de l'Union européenne et le Parlement européen se sont mis d'accord sur le plafonnement des importations de produits ukrainiens comme les volailles ou encore le miel. Les agriculteurs européens fustigeaient depuis des mois la concurrence déloyale de ces importations sur les marchés locaux.
Les Etats de l'UE et le Parlement européen se sont entendus ce mercredi pour plafonner à partir de juin des importations agricoles ukrainiennes exemptées de droits de douane.
Les Etats de l'UE et le Parlement européen se sont entendus ce mercredi pour plafonner à partir de juin des importations agricoles ukrainiennes exemptées de droits de douane. (Crédits : REUTERS/Viacheslav Musiienko)

[Article publié le mercredi 20 mars 2024 à 07h16 et mis à jour à 14h05] C'est presque une bouffée d'air pour les agriculteurs européens. Les Etats de l'UE et le Parlement européen se sont entendus ce mercredi pour plafonner à partir de juin des importations agricoles ukrainiennes exemptées de droits de douane tels que les œufs, la volaille, le sucre mais également l'avoine, le maïs et le miel, répondant à un vif motif de colère du secteur.

Cet accord reconduit néanmoins pour un an l'exemption de droits de douane accordée depuis 2022 à l'Ukraine, mais en l'assortissant de « mécanismes de sauvegarde » ciblant certains produits sensibles, selon un communiqué du Parlement européen. Le blé et l'orge ne sont pas concernés. Le mécanisme plafonne de facto les volumes d'importation de ces produits aux niveaux moyens importés par l'UE en 2022 et 2023, au-delà desquels des droits de douane seront réimposés.

Pour rappel, les Vingt-Sept avaient assoupli les règles d'importation de produits agricoles ukrainiens comme mesure de soutien à Kiev après l'invasion russe déclenchée en février 2022. Qui plus est, l'Ukraine représente une des principales puissances agricoles du continent européen.

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Les agriculteurs européens en colère

Cet accord devrait donc soulager les agriculteurs européens qui accusent l'afflux de produits ukrainiens de plomber les prix locaux, notamment dans les pays riverains. D'après eux, ces produits contribuent à une concurrence « déloyale », faute de satisfaire à certaines normes concernant notamment la taille des élevages ou l'usage de produits phytosanitaires. D'autant que les importations de produits agricoles ukrainiens dans l'UE ont bondi de 11% en valeur sur un an en janvier-septembre 2023.

Ce dossier alimente la colère en particulier en Pologne, où les cultivateurs mécontents bloquent ces dernières semaines des passages frontaliers avec l'Ukraine, comme avec l'Allemagne. La Pologne compte pourtant parmi les plus grands soutiens de l'Ukraine depuis le déclenchement de l'offensive russe en février 2022 mais leurs relations ont été empoisonnées ces derniers mois par des contentieux commerciaux, notamment par l'ouverture, par Bruxelles, des frontières européennes aux produits agricoles ukrainiens qui, selon les fermiers polonais, ne respectent pas les normes de l'UE.

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Même colère en France

De leurs côtés, devant la chute des cours du blé, au plus bas depuis trois ans et demi, les céréaliers français demandaient également la ré-instauration de droits de douanes pour les céréales importées d'Ukraine. D'autant qu'une réunion prévue mardi à l'Elysée avec le principal syndicat agricole a été « reportée », a annoncé samedi soir le président de la FNSEA Arnaud Rousseau, selon qui « les conditions pour sortir de la crise agricole ne sont pas réunies ».

C'est aussi notamment le cas des éleveurs français. Officiellement, les importations de viandes de volailles ukrainiennes ont ainsi bondi de 74% au premier semestre 2023 sur un an, tout en restant négligeables, rapportées au total des importations. Elles représentaient en effet 8,1 millions d'euros sur cette période, soit moins de 1% des importations totales de viandes de volailles en France (1 milliard), selon les douanes françaises.

« Le poulet ukrainien, c'est l'exemple parfait qu'on met en concurrence des producteurs de poulet français qui respectent plein de normes avec un poulet produit en Ukraine qui ne respecte pas les mêmes normes », faisait valoir Yann Nédélec, directeur de l'interprofession de la volaille de chair, dans l'émission Apolline Matin au micro de RMC et RMC Story, fin janvier.

Normes sanitaires, modèle de production plus ou moins industriel, coût de la main-d'œuvre, flambée des prix de l'énergie... La volaille française devient, de facto, moins compétitive. Et l'écart de prix conduit parfois le consommateur, qui ne prête pas attention aux étiquettes ou à la provenance de l'animal chez son volailler, à privilégier le moins cher, surtout dans un contexte d'inflation.

« Mesures correctives »

Pour répondre aux préoccupations, la Commission européenne avait donc proposé de reconduire l'exemption de droits de douane, mais en prévoyant « des mesures correctives », pouvant être rapidement adoptées en cas de « perturbations importantes » sur le marché, y compris si cela ne concerne qu'un seul Etat membre.

Dans d'ultimes négociations, « les eurodéputés ont obtenu de la Commission l'engagement ferme d'agir en cas d'augmentation des importations ukrainiennes de blé », précise le Parlement. Et Bruxelles sera tenu d'agir « plus rapidement, dans un délai de 14 jours au lieu de 21 jours (comme prévu initialement) si les seuils de déclenchement des mécanismes de sauvegarde sont atteints ».

Les eurodéputés souhaitent par ailleurs calculer la période de référence sur la moyenne de trois années (2021-2023). Les organisations agricoles critiquaient le fait que le plafonnement proposé par Bruxelles corresponde aux volumes élevés des deux dernières années, à l'origine de la crise.

Concernant l'Ukraine, « en parallèle, le travail est engagé pour permettre aux produits agricoles ukrainiens de retrouver leurs marchés d'origine auxquels le conflit avait un peu fermé l'accès » en Afrique et au Moyen-Orient, pour qu'ils ne restent pas bloqués en Europe, avait insisté mardi une source gouvernementale française.

Par ailleurs, Bruxelles proposera « prochainement » des restrictions sur les importations de produits agricoles venant de Russie, avait indiqué vendredi la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, à l'occasion d'un entretien avec le Premier ministre polonais Donald Tusk.

Des mesures jugées insuffisantes

Néanmoins, les mesures prises n'ont pas l'air de satisfaire certains pays membres. En Pologne, les agriculteurs ont installé de nouveau mercredi des centaines de barrages à travers leur pays, continuant de s'opposer aux importations de produits agricoles en provenance de pays tiers et à des mesures environnementales de l'Union européenne.

« Plus de 580 manifestations sont prévues aujourd'hui dans toute la Pologne, auxquelles près de 70.000 personnes devraient participer », selon un communiqué de la police. Dans le détail, les agriculteurs bloquent notamment les routes d'accès à Varsovie et à d'autres grandes villes, dont Cracovie, Wroclaw, Poznan ou Bydgoszcz.

En France, le ministre français de l'Agriculture Marc Fesneau a jugé mercredi « pas suffisantes  » les mesures prévues par l'accord européen sur le plafonnement des importations agricoles ukrainiennes, souhaitant notamment « inclure plus de céréales », au micro de Franceinfo.

« On a besoin de solidarité, mais pas au prix d'une déstabilisation parce que ça se retournerait contre les Ukrainiens. Il faut trouver ce point d'équilibre, nécessaire, et en même temps la nécessité que les marchés soient stabilisés au niveau européen », a-t-il ajouté.

De son côté, le ministre chargé du Commerce extérieur Franck Riester a apporté mercredi son soutien à la filière céréalière française, « deuxième filière exportatrice du secteur agroalimentaire, avec 10 milliards d'euros d'excédent de balance commerciale en 2023 », lors d'une matinée d'échanges organisée par le secteur autour de la « menace russe » pour les grains français.

« Le blé français ne peut pas être la variable d'ajustement du soutien à l'économie de l'Ukraine », a-t-il affirmé, tout en rappelant la responsabilité première de la Russie dans la chute des prix et la « déstabilisation » du marché européen.

(Avec AFP)

Commentaires 7
à écrit le 20/03/2024 à 15:03
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"Ce dossier alimente la colère en particulier en Pologne" C'est pas fini : Ils se mobilisent une fois de plus. Les agriculteurs polonais ont installé de nouveau ce mercredi des centaines de barrages à travers leur pays, s’opposant aux importat...

à écrit le 20/03/2024 à 13:18
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"Bruxelles proposera « prochainement » des restrictions sur les importations de produits agricoles venant de Russie" L'UE ne devait évidement pas bloquer les exportations monde de la Russie pour ses céréales et légumes, ce qu'elle n'a pas fait, bien...

à écrit le 20/03/2024 à 9:30
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L'Ukraine commence à gonfler tout le monde, il ne faudra pas pleurer quand le RN fera une razzia de députés européens.

le 20/03/2024 à 10:08
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Non mais il ne faudra pas pleurer quand on constatera que les caisses publiques saignent autant que sous Macron. Nos dirigeants et leurs opposants sont NULS.

à écrit le 20/03/2024 à 9:17
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On prend le pari que c'est de l'enfumage pour calmer les agriculteurs, volaillers et autres professions malmenées par l'UE?

à écrit le 20/03/2024 à 8:50
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C'est l'avantage d'avoir un lobby ultra puissant et qui fait peur à tout le monde tellement il est pas obscurantiste. Je comprends les autres acteurs vu qu'ils commencnet à prendre les armes lesl obbys comme on peut le voir avec BOEING.

à écrit le 20/03/2024 à 8:48
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Bref, simple adaptation à la production Ukrainienne en temps de conflit !

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