"On n'a pas encore construit le grand marché européen du crédit à la consommation"

L'Association française des sociétés financières (ASF) a publié ce lundi son premier tableau de bord. Elle regroupe 350 entreprises pour près de 290 milliards d'euros d'encours, ce qui représente environ 20% du total des crédits au secteur privé. Les membres de l'ASF exercent leur activité dans le domaine du financement des particuliers (crédit à la consommation, financement spécialisé du logement), du financement des entreprises et des professionnels (crédit-bail mobilier et immobilier, financements classiques), des services financiers (affacturage et caution) et des services d'investissement. Bruno Salmon, président de l'ASF et par ailleurs président de BNP Paribas Personal Finance, et François Palle-Guillabert, délégué général de l'ASF commentent les résultats de l'année.
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Pourquoi avoir décidé d'intensifier votre communication en 2011 ?

Les statistiques rassemblées par l'association française des sociétés financières (ASF) méritent d'être connues. Les métiers de nos adhérents, qui financent exclusivement l'économie réelle, sont d'une utilité fondamentale pour la bonne santé du pays. Or nous disposons, en moyenne entre un mois et un mois et demi après la fin de chaque trimestre, de chiffres très précis concernant la production des différents types de crédit. Un suivi attentif de ces métiers est essentiel pour qui veut rapidement avoir une idée claire de l'envie d'investir des ménages et des entrepreneurs en France.

Les établissements spécialisés français sont très présents en Europe. Est-ce toujours aussi vrai après la crise ?

Cela ne se sait pas assez mais dans les secteurs d'activité des adhérents de l'ASF, on compte souvent des entreprises françaises parmi les leaders européens. Dans le leasing, on peut citer BNP Paribas Lease Solutions et Société Générale Equipment finance. Dans le crédit à la consommation, Credit Agricole Consumer Finance et BNP Paribas Personal Finance. Dans l'affacturage, CA leasing & factoring , BNP Paribas Factor et CGA. Ces établissements ont conforté leur position dans la crise. La concurrence étant déjà très forte sur le marché domestique, ils sont bien préparés à affronter la concurrence internationale. De plus, en France, ils ont besoin d'un agrément pour exercer leur activité et ils sont soumis au contrôle de l'ACP. Du coup, ils ont une gestion de leurs risques extrêmement stricte et un coût du risque très faible.

Quel regard portez-vous sur l'année 2010 ?

On a clairement observé une tendance à l'amélioration des chiffres mais 2009 avait été une année très difficile, donc l'effet de base a beaucoup joué. Il faut bien voir que dans plusieurs métiers, comme le crédit à la consommation ou le crédit bail mobilier, la production n'a pas retrouvé ses niveaux de 2008. 

Comment expliquez vous le dynamisme de l'affacturage ?

Cette activité est non seulement dynamique, mais elle l'est plus en France qu'ailleurs. Nous étions au quatrième rang mondial en 2004. Nous talonnons maintenant le Royaume-Uni. Ce dynamisme s'explique par trois facteurs. D'abord, le volume de créances à affacturer a augmenté avec le redémarrage de l'activité. Ensuite, les conditions d'affacturage dépendent avant tout de la qualité du portefeuille client, et pas de la santé financière des entreprises elles-mêmes. Il s'agit donc d'un moyen de financement de trésorerie à court terme très pratique pour les entreprises, quelle que soit leur situation bilancielle. Enfin, de plus en plus de grandes sociétés choisissent d'externaliser la gestion de leur poste client et de la confier à des spécialistes du recouvrement. Cela correspond à une tendance de fond dans la gestion des entreprises. Elles ont pris conscience qu'une meilleure gestion de leur poste client pouvait leur permettre de limiter les risques et de générer du cash, qui devient alors mobilisable pour investir par exemple. 

Comment l'ASF est-elle intervenue dans l'élaboration de la loi Lagarde ?

Nous avons, comme d'autres, été interrogés dans le cadre de la consultation. Celle-ci se poursuit sur un certain nombre de sujets. Notre rôle principal a été de montrer les conséquences concrètes et opérationnelles des différentes mesures envisagées. Ainsi, sur le taux de l'usure ou l'amortissement minimal, toute la question était d'aménager la période de transition afin de savoir comment on passait d'un régime à un autre. Nous avons par ailleurs défendu une responsabilisation des prêteurs et des emprunteurs. Pour les prêteurs, cela passe par une amélioration de l'analyse de la solvabilité. Pour les emprunteurs, par une meilleure conscience de l'engagement qu'il prend.

Que pensez-vous de cette loi ?

On est allé très au-delà de la directive européenne et nous regrettons que de ce fait le marché européen du crédit conso ne soit pas réellement harmonisé. La souscription d'un crédit en transfrontière va être rendue beaucoup plus difficile par l'ajout d'une couche nationale, en France et dans d'autres pays. Les situations réglementaires nationales ne se sont pas rapprochées et on n'a pas encore construit le grand marché européen du crédit à la consommation.

Comment les établissements spécialisés de crédit à la consommation préviennent ils le surendettement ?

Globalement par rapport à il y a deux ans, on constate une amélioration sensible des taux de risque. La situation générale des impayés s'améliore. De plus le surendettement a semble-t-il commencé à se stabiliser. Le sujet est pris à bras le corps par la profession et les établissements ont l'impression de faire leur métier du mieux qu'ils peuvent mais à chaque situation individuelle dramatique, ils sont désemparés. Il ne sera jamais possible d'éradiquer complètement le surendettement. Pour nous, le crédit responsable doit aussi se traduire par une prise de conscience du débiteur : c'est à lui de se manifester pour demander un réaménagement de sa dette ou quelques mensualités blanches quand il sent que sa situation dérape et qu'il en est encore temps. Ce n'est l'intérêt de personne quand un ménage se retrouve en commission de surendettement, mais pour le prêteur, il est souvent difficile de détecter les difficultés en amont.

Le principe de la création du fichier positif est acté ?

Le comité de préfiguration est chargé de travailler sur un texte précis.

Les mesures de soutien du marché automobile ont dopé le financement de voitures neuves en 2010. Craignez-vous un effondrement en 2011 ?

Il est vrai que ces financements ont été très stimulés en 2010, en particulier à l'approche de la fin de l'année dans la perspective de l'abandon des mesures de soutien. Nous nous attendons plus à un atterrissage en douceur qu'à un véritable effondrement, car certaines opérations conclues doivent encore être financées et certains constructeurs ont choisi de prendre le relais des mesures gouvernementales pour amortir la chute des ventes.

Quelle est l'action de l'ASF dans l'élaboration des normes de Bâle 3 ?

Les textes de Bale 3 ont été faits pour des établissements généralistes plutôt que pour des établissements spécialisés. Avec les professionnels des métiers concernés, nous sommes en train de les examiner avec soin pour tenter d'évaluer leur impact. Ce sont surtout les ratios de liquidité qui nous préoccupent. En effet, en général, les établissements membres de l'ASF ne sont pas collecteurs de dépôts bancaires. Les établissements spécialisés ne peuvent donc pas nourrir le numérateur du ratio. Pour nous, il s'agit d'un sujet de préoccupation important car les métiers spécialisés sont un cas d'application particulier de ces règles et de toute évidence elles n'ont pas été écrites en pensant à eux. Néanmoins, les ratios de liquidités sont soumis à une période d'observation et qui dit période d'observation dit discussion.

Quelles sont autres évolutions réglementaires qui seront structurantes pour les établissements spécialisés en 2011 ?

Suite à la crise, plusieurs initiatives ont été prises au niveau européen et un certain nombre de textes sont révisés. L'actualité est très riche : on peut citer l'initiative sur le crédit responsable qui devrait surtout concerner le crédit hypothécaire, la perspective de révision de la directive intermédiation en assurance, la révision de la directive MIF, et le renouvellement des textes sur le blanchiment. Côté français, la directive OPCVM doit être transposée et on est encore dans la période d'élaboration des textes d'application de la loi Lagarde.

Il y a également un sujet très important autour des normes comptables appliquées aux opérations de leasing et de location longue durée en général. De fait, le projet actuel d'harmonisation des normes comptables (IAS 17) au niveau mondial conduirait à une modification très importante des standards européens et en particulier français. Il remettrait en cause l'intérêt pour une entreprise de passer par le leasing. Il y a une position européenne tout à fait unifiée pour refuser cette évolution mais la discussion continue. Avec Bâle 3 c'est l'autre réglementation qui aurait les conséquences les plus considérables pour l'industrie si elle était mise en ?uvre.

Quel est votre principal espoir pour 2011 ?

Que le rebond observé depuis le troisième trimestre 2010 se confirme. Pour l'instant il est encore trop tôt pour en être sûr mais dans quelques trimestres, nous espérons pouvoir parler d'une tendance de fond.

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