Les néobanques se lancent à la conquête des « ados »

Les applis de banque digitale pour les jeunes de moins de 18 ans se multiplient ces derniers mois. Les nouvelles technologies, notamment le temps réel, donnent plus de pertinence à ces offres dédiées. L'enjeu : capter et fidéliser la jeune génération.
Ma French Bank, la banque mobile de LA Banque Postale, s'attaque au segment des jeunes avec une offre payante
Ma French Bank, la banque mobile de LA Banque Postale, s'attaque au segment des jeunes avec une offre payante (Crédits : Ma French Bank)

Les adolescents, ces « oubliés de la digitalisation bancaire », selon l'expression de Stéphane Vallois, directeur général délégué d'Orange Bank, sont les nouvelles cibles privilégiées des néobanques. Des offres digitales pour les « moins de 18 ans » fleurissent depuis plusieurs mois en France. Coup sur coup, Orange Bank, filiale de l'opérateur télécom Orange, et Ma French Bank, la toute nouvelle banque digitale de la Banque Postale, lancée il y a quinze mois, viennent ainsi de dévoiler de nouvelles offres dédiées sur le segment des 14-18 ans, même si l'approche et les objectifs diffèrent.

Ainsi, Orange Bank a opté pour un pack «premium » famille, qui n'est pas sans rappeler le pack famille de sa maison-mère dans la téléphonie, qui s'adresse tout d'abord aux parents. Réservée aux clients de l'enseigne, cette offre permet d'équiper des enfants à partir de 10 ans de cartes bancaires à autorisation systématique, sous un contrôle strict parental depuis l'application bancaire mobile. L'objectif assumée est de convaincre une partie de la clientèle (600.000 clients bancaires) de basculer sur l'offre premium payante.

Stratégie de conquête

De son côté, Ma French Bank (250.000 clients) lance le compte WeStart, pour les 12-17 ans, une solution 100 %, mobile, bâtie autour d'une carte Visa à débit immédiat. L'offre, payante à hauteur de 2 euros par mois, s'adresse, contrairement à celle d'Orange Bank, directement aux ados. « Nous sommes sur une tendance de fond, avec des adolescents de plus en plus autonomes et de plus en plus équipés de smartphone. Nous avons opté pour un maximum de souplesse pour équiper les enfants sans obligation pour leurs parents d'être client de La Banque Postale ou de Ma French Bank », explique Alice Holzman, directrice générale de Ma French Bank.

Les parents conservent toutefois la maîtrise des dépenses de leur progéniture via le paramétrage, depuis une application mobile dédiée, de la carte de paiement. La néobanque postale reste en effet dans une stratégie de conquête, avec pour objectif de rajeunir le fonds de commerce du groupe La Banque Postale. « Nous développons un modèle payant depuis le lancement, à la fois dans une logique de rentabilité que nous souhaitons atteindre en 2025, mais aussi pour nous assurer d'avoir des clients actifs», souligne Alice Holzman.

Les fintechs défrichent le terrain

L'initiative de ces deux banques digitales succède à de nombreuses autres. La néobanque britannique Revolut (aux dix millions d'utilisateurs dans le monde) a lancé cet été en France Revolut Junior pour les 7-17 ans. L'idée est de permettre aux parents de créer un « sous-compte » dédié à l'enfant, sous leur contrôle, qui a vocation à être transformé automatiquement en « vrai » compte Revolut dès l'âge de 18 ans atteint.

Autre fintech dédiée aux mineurs, Pixpay  (40.000 clients), une banque mobile à 100 % pour les 10-18 ans, facturée 2,99 euros par mois, qui propose application, compte bancaire et carte MasterCard prépayée. Le compte est alimenté par les parents, qui ne sont pas clients de Pixpay, et ces derniers disposent d'une application « miroir » sur leur smartphone pour surveiller le compte. « Les ados ont désormais envie d'avoir une carte comme ils ont envie d'avoir un smartphone. Et ils plaident leur cause auprès de leurs parents avec les mêmes arguments : davantage d'autonomie et de liberté pour eux et davantage de sécurité pour les parents », avance Benoît Grassin co-fondateur et directeur général de Pixpay.

La fintech développe des fonctions à la fois ludiques et pédagogiques pour faire la différence. Le jeune client peut ainsi créer une tirelire numérique qui sera rémunérée par un taux d'intérêt « pédagogique », fixé par les parents. Autre fintech sur le créneau « jeune », Kard joue avant tout sur la simplicité d'utilisation de son compte, qui peut être ouvert en « quelques minutes », et revendique déjà 50.000 clients en moins de deux ans.

Alignement des planètes

Cette effervescence soudaine sur le segment des jeunes ne doit rien au hasard. Tout d'abord, le taux d'équipement des jeunes en smartphones frôle désormais les 90%. Mais c'est bien l'émergence des nouvelles technologies des banques mobiles, qui permettent de gérer l'argent à la fois à distance et en temps réel, qui donne toute la pertinence à ces nouveaux outils, à la fois sur le plan de la sécurité mais aussi pour leurs vertus pédagogiques.

Le mouvement était d'ailleurs lancé depuis plusieurs années dans les pays anglo-saxons, avec les applications GoHenry (un million de clients) ou GreenLight, qui ont largement défriché le terrain.  "Ces nouvelles offres sont la conséquence de la montée en puissance d'une société sans cash, où il il devient nécessaire de familiariser les enfants avec l'argent, qui ne prend plus la forme de monnaie sonnante et trébuchante. En ce sens, les applications bancaires mobiles sont de parfaits outils pour encourager l'autonomie financière du mineur et l'aider à la gestion de budget. En outre, toutes ces nouvelles offres et ces néo-banques sont le reflet de l'ultra segmentation de la société", note Frédéric Bois, chef de projet chez Sémaphore Conseil.

Les banques vont revenir sur le sujet...

Pourtant, les offres « jeunes » ne sont pas une révolution en soi. Les grandes banques proposent depuis les années 1990 des comptes bancaires estampillés « jeunes », sans parler de l'antique Livret A. Mais, selon un observateur, « les banques à réseau ont progressivement abandonné ce segment de marché, jugé peu créateur de valeur et, historiquement, les offres sont restées assez pauvres et compliquées à souscrire, sans être adaptées aux attentes des nouvelles générations ». Le constat est sévère.

Certaines banques tentent en effet de reprendre la main. Société Générale vient ainsi de créer une plateforme, nommée Boost, mais pour les jeunes adultes pour les accompagner dans la vie active. Et sa filiale, Boursorama Banque, a également lancé en 2017 un compte « jeune », sous contrôle parental, proche du concept d'Orange Bank.

De fait, les banques ne pourront pas se tenir longtemps à l'écart de ces offres mobiles. « Cette jeune génération est en train d'adopter les modes de fonctionnement de la banque digitale et il est peu probable qu'elle revienne ensuite à un parcours client plus traditionnel », estime Benoît Grassin. L'enjeu est de taille. La génération Z, qu'on appelle aussi les "K" par référence au film Hunger Games, "accro" aux smartphones, a déjà un fort pouvoir d'achat et représente la clientèle de demain.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 19/11/2020 à 9:40
Signaler
Faudra pas s'étonner du résultat ! Mettre entre les mains du marché, des ados en sachant que c'est a ce moment la que se font les addictions !!!! Comme ça le crédit a 18 ans?

à écrit le 19/11/2020 à 8:25
Signaler
Toujours aucune décence, toujours aucun signe de vie venant du secteur financier.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.