« En Afrique, Orange bouscule les habitudes dans la banque »

Malgré son énorme potentiel, les banques, africaines et européennes, ont ralenti leur développement d’agences sur le continent, selon une étude du cabinet Nouvelles Donnes. Pendant ce temps, un acteur à la croissance exponentielle a émergé : le service Orange Money de l’opérateur télécoms français. Le géant panafricain Ecobank a commencé à réagir.
Delphine Cuny
Le service Orange Money de l'opérateur est disponible dans 14 pays d'Afrique, dont le Sénégal, où il est présenté avec pédagogie et une pointe d'humour dans des tutoriels vidéo.

L'Afrique, futur eldorado bancaire, mais peut-être pas pour tous les acteurs. Après des années de croissance effrénée de leur réseau d'agences, les banques implantées en Afrique ont levé le pied l'an dernier, en particulier en Afrique subsaharienne, relève le cabinet de conseil spécialisé Nouvelles Donnes, qui a présenté ce jeudi la septième édition de son étude sur les réseaux bancaires dans les pays émergents.

Sous l'effet du ralentissement de l'économie, on assiste même à un mouvement de fermetures d'agences dans certains pays, et à une nette décélération de l'expansion des réseaux dans tous les autres (+6,8%), sauf en Afrique du Nord, en particulier « au Maroc, où les acteurs se sont lancés dans une stratégie de conquête très agressive », souligne Jean-Marc Velasque, associé du cabinet.

Réseaux bancaires émergents

Et pendant ce temps, un acteur a connu « une croissance exponentielle » en termes de clients : Orange Money, le service de paiement et transfert d'argent de l'opérateur télécoms français. Plus de 20 millions d'utilisateurs actifs dans 14 pays et une progression annuelle de 40% à 50%. L'opérateur indique réaliser un milliard d'euros de transactions mensuelles et 10 millions d'euros de revenus par mois depuis juin.

« Orange Money bouscule les habitudes et fait bouger les lignes, dans de nombreux domaines, le paiement, le transfert d'argent, en séduisant les jeunes et les migrants », estime cet expert.

« Orange est déjà dans la cour des grands, il n'est pas à la marge ».

Le géant Ecobank bascule sur le digital

Certaines des banques françaises présentes en Afrique (Société Générale dans 17 pays et BNP dans 8 pays, BPCE dans 6 pays) ont confié au cabinet qu'elles allaient « bouger ». D'autres acteurs ont déjà réagi, comme le géant panafricain Ecobank : « l'annonce de l'inflexion de la stratégie d'Ecobank illustre le besoin d'adapter les modèles de distribution à ces nouvelles réalités », relève le cabinet Nouvelles Donnes.

Paysage bancaire Afrique

[le paysage bancaire africain : une empreinte organisée par zones. Crédit : Nouvelles Donnes]

Présente dans 36 pays, cette banque, dont le siège est à Lomé, au Togo, mais l'essentiel des clients au Nigeria, vient d'annoncer une accélération dans le numérique et la banque mobile, dans le cadre de son plan à cinq ans Future Strategy.

« La banque panafricaine capitalise sur sa plateforme bancaire mobile rénovée pour servir et accroître sa base de clients plutôt que sur les agences en dur », expliquait-elle fin octobre en annonçant le lancement de sa nouvelle application mobile et la fermeture de près d'une dizaine d'agences au Kenya.

Ecobank mise aussi sur la « banque par téléphone » (des conseillers en plateau téléphonique). Elle a également signé récemment un accord avec Visa pour déployer sa solution de paiement mobile mVisa dans 33 des pays où elle est implantée.

« La façon dont les gens utilisent la banque évolue rapidement et la banque en ligne devient de plus en plus populaire, alors que les clients recherchent un accès plus simple, pratique, rapide, instantané aux services bancaires », justifie le patron d'Ecobank Kenya.

Le banquier, conservateur par nature ?

Pourquoi les autres acteurs bancaires sont-ils sur la défensive et n'ont pas encore déployé de solution de banque mobile ?

« Le banquier est un conservateur, il n'est pas disruptif. Il ne lui vient pas l'idée d'investir dans le digital, dans le mobile, mais dans son réseau d'agences », considère Jean-Marc Velasque.

Les banques traditionnelles seraient inquiètes des risques de cannibalisation, alors que les tarifs de tenue de compte sont élevés sur ces marchés, même pour la classe moyenne. Le produit net bancaire par agence en Afrique subsaharienne, à 2,3 millions d'euros, n'est d'ailleurs pas si éloigné du niveau moyen en France (3 millions d'euros).

« Ouvrir une agence en Afrique peut être presque aussi rentable en termes de produit net bancaire ».

Même si « l'agence reste le fer de lance » dans la conquête de clients, « pour ne pas décrocher, face à l'arrivée d'Orange et d'un acteur panafricain comme Ecobank, il faut se positionner ». D'autant que l'Afrique est aux yeux de tous les expert,s le réservoir du prochain milliard de clients des banques.

Delphine Cuny

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