"Ca faisait longtemps que vous ne m'aviez pas engueulé Mme la présidente ! "

La huitième journée du procès en appel de Jérôme Kerviel a commencé ce mercredi 20 juin. La présidente de la Cour, qui n'a jusque là pas ménagé l'ancien trader, condamné le 5 octobre 2010 à cinq ans de prison, dont trois fermes, ainsi qu'à 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts, entend aujourd'hui différents témoins à la barre.
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Jérome Kerviel est sous le coup de trois chefs d'accusation : abus de confiance, introduction frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé, faux et usage de faux. Son procès en appel a commencé lundi 4 juin. Suivez en direct la huitième journée d'audience couverte par notre journaliste Laura Fort, avec les clés pour comprendre le procès. Retrouvez le compte-rendu de la première journée d'audience, le compte-rendu de la deuxième journée d'audience, le compte-rendu de la troisième journée d'audience, le compte-rendu de la quatrième journée d'audience, le compte-rendu de la cinquième journée d'audience, le compte-rendu de la sixième journée d'audienceet le compte-rendu de la septième journée d'audience.

Mercredi 20 juin

10h55. "Ca faisait longtemps que vous ne m'aviez pas engueulé Mme la présidente !"

Me David Koubbi, avocat de Jérôme Kerviel, file longuement la métaphore de l'automobiliste et du poids lourd chauffard qui fait Paris-Nice en une heure sans que les gendarmes le voient. Puis fait une comparaison hasardeuse et à peine voilée avec la corpulence de Claire Dumas, représentante de la banque. Laquelle réplique : Il y a deux choses que je ne dis pas : combien je gagne et combien je pèse.
Me David Koubbi interroge le témoin : Etes-vous gêné que la défense, en dehors de toute instruction, apprenne qu'il y a eu des fraudes qui impliquaient le même déboucleur, les mêmes intervenants et les mêmes alertes sur les écarts de méthode ? C'est contrariant, non, de découvrir ça en appel ?
Christophe Mianné [N+6] : Je ne vois pas le rapport entre quelqu'un qui fait une opération fictive, qui ne met pas en péril la banque, et quelqu'un qui en fait des dizaines.
DK : Vous parlez de la taille, je parle du principe.
Me Koubbi s'agace et martèle le fait que Société générale a caché à la justice le fait qu'il y ait eu une autre fraude, traitée par les mêmes personnes. Il poursuit quelques minutes plus tard : Vous avez dit que si vous aviez vu les commissions versées à Fimat [ex-Newedge, filaile de courtage de la banque avec qui J. Kerviel traitait], ça aurait été une alerte.
CM : Oui ça aurait été une alerte, parmi une quarantaine d'autres.
DK : Pourquoi la Société Générale paie-t-elle tous les mois les commissions ? M. Cordelle et M. Rouyère validaient le CPM [comptes de pilotage mensuel, ndlr] des commissions... La présidente de la Cour et Me Koubbi s'échangent une volée de bois vert, la présidente appréciant peu de se voir dire qu'elle ne connaît pas certains points et termes du dossier.
Me Koubbi conclut l'échange par : Ca faisait longtemps que vous ne m'aviez pas engueulé Mme la présidente !
Après que Me Koubbi s'est fait apostrophé par Me Reinhart, la présidente relève, cynique : Au cas où la Cour n'aurait pas compris, Me Koubbi nous décode ce que disent les témoins.
Me Koubbi continue : Y a-t-il une corrélation entre rémunération et efficacité ?
CM : La rémunération est le résultat d'une décision de la direction et différentes qualités interviennent.
DK : La compétence est-elle en lien avec la rémunération ?
CM : Oui parmi d'autres qualités.
DK : J'ai lu que vous faisiez partie des banquiers les mieux payés d'Europe. J'imagine que vous êtes très compétent. Sous votre compétence, M. Cordelle et M. Rouyère nous disent qu'ils ne lisent pas tous les mails, ne voient pas les alertes, etc... Apparemment, il y a beaucoup d'incompétents à la Société Générale. Comment jugez-vous votre équipe descendante et comment vous vous situez vous-même ?
CM : Je pense qu'ils ont tous montré ce qu'ils savaient faire sur une longue période. Ils ont été sanctionnés. Cette année-là, ils n'ont pas été bons.
Un peu plus tard, la présidente, énervée, élève de nouveau la voix : Vous parlez de quelque chose dont la Cour n'a pas eu connaissance, c'est aberrant !
Me Koubbi surenchérit : Tout comme c'est aberrant que quelqu'un soit condamné à 5 milliards d'euros sans la queue d'une expertise !
Christophe Mianné essaie timidement de reprendre sa réponse, mais Me Koubbi fulmine : Vous pouvez m'écouter maître ?
Mais Me Koubbi insiste maintenant pour avoir les pièces que la Société Générale avait promises.
La présidente coupe court aux apostrophes : La Cour suspend, ça va nous calmer !
Me Koubbi sort en criant à l'adresse de la partie civile : Filez-nous vos pièces !
 

10h00. "Les salariés de la banque de détail étaient-ils beaucoup plus contrôlés que les traders ?"

...

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Et retrouvez notre dossier spécial sur l'affaire Kerviel, les clés pour comprendre le procès (noms, définitions), les analyses de Valérie Segond et de François Lenglet après le verdict de 2010, ce que sont devenus les protagonistes de l'affaire, les plaintes déposées par Me David Koubbi (avocat de Jérôme Kerviel) et par Me Jean Veil (avocat de Société Générale), le témoignage de l'ancienne conseillère en communication de Jérôme Kerviel, et le contexte politique dans lequel s'inscrit le procès.

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Commentaires 4
à écrit le 20/06/2012 à 14:34
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C'est génial quand meme, si le trader gagne de la thune, la banque encaisse, si le trader en perd, la banque le vire et demande les dommages et interets.... La banque, comme toutes les entreprises, est responsable des faits et gestes de ses salariés ...

le 20/06/2012 à 15:14
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@Rapahel: t'as pas tout compris: dans notre monde capitaliste, quand y a des bénéfs, l'entreprise les garde et quand y a perte, c'est le contribuable qui s'appuie la note.

à écrit le 20/06/2012 à 13:16
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"Tout comme c'est aberrant que quelqu'un soit condamné à 5 milliards d'euros sans la queue d'une expertise ! " . C'est vrai que c'est fou... Néanmoins, un trader est un salarié, donc, sous juridiction d'un Tribunal de Prudhommes. Point.

le 20/06/2012 à 15:23
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@yvan: il vaait pourtant dit: "selon que tu es riche ou misérable" et plusieurs siècles après, y en a encore qui croit à la justice en France :-) à se tordre de rire, non ?

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