Procès Kerviel : De la vie "normale" d'un trader

La neuvième journée du procès en appel de Jérôme Kerviel a commencé ce jeudi 21 juin. La présidente de la Cour, qui n'a jusque là pas ménagé l'ancien trader, condamné le 5 octobre 2010 à cinq ans de prison, dont trois fermes, ainsi qu'à 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts, entend aujourd'hui différents témoins à la barre, parmi lesquels Daniel Bouton, ancien président de la banque.
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Jérome Kerviel est sous le coup de trois chefs d'accusation : abus de confiance, introduction frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé, faux et usage de faux. Son procès en appel a commencé lundi 4 juin. Suivez en direct la huitième journée d'audience couverte par notre journaliste Laura Fort, avec les clés pour comprendre le procès. Retrouvez le compte-rendu de la première journée d'audience, le compte-rendu de la deuxième journée d'audience, le compte-rendu de la troisième journée d'audience, le compte-rendu de la quatrième journée d'audience, le compte-rendu de la cinquième journée d'audience, le compte-rendu de la sixième journée d'audience, le compte-rendu de la septième journée d'audience, et le compte-rendu de la huitième journée d'audience.

Jeudi 21 juin

12h45. De la vie "normale" d?un trader

Après la pause, Me Jean Veil est arrivé. La Cour entend maintenant un nouveau témoin, cité cette fois par Société Générale. Il s?agit d?Arnaud Llinas, opérateur de marché à la Société Générale depuis 2006, qui fait son entrée par une porte latérale de la salle. Pendant la suspension, Me François Martineau l?a par ailleurs présenté comme « un trader propre sur lui ».
Me Jean Reinhart, avocat de Société Générale, lui demande de décrire, « avec ses mots », la vie normale d?un trader.
Arnaud Llinas s?exécute : Je travaille sur des produits d?investissements, relativement simples dans l?univers des produits dérivés. Notre objectif n?est pas de prendre des risques mais de couvrir les risques, en utilisant des actions et des futures.
JR : Quel est le matériel à votre disposition?
AL : On travaille dans un endroit ouvert, un open space. On a chacun une console pour passer nos opérations, des systèmes d?informations qui nous donnent en continu des informations sur les sociétés que l?on suit et un système informatique pour rentrer et contrôler nos opérations.
JR : Est-ce qu?avec vos collègues vous formez un groupe sur le desk ?
Al : Les équipes sont généralement organisées autour de 3, 4 ou 5 personnes qui partagent un univers d?investissement commun.
JR : Est-ce que vous pouvez nous parler de vos limites ?
AL : Ce que je voudrais préciser, c?est que les limites ne sont pas un budget avec lequel on peut jouer. C?est un code la route, et c?est un peu notre carburant aussi. Il faut la respecter, c?est une évidence, nous avons tous signés une charte dans ce sens.
JR : Qu?est-ce qui se passe si vous les dépassez ?
AL : Nous avons un département des risques qui les contrôle. J?informe ce département et ma hiérarchie que les limites ont été dépassées. Elles peuvent être dépassées de manière passive. Si nous sommes organisés en open space, c?est pour faciliter la communication.
Il est admis à la Société générale, qu?une faute non avouée est une faute grave. C?est un code moral, que j?exige des jeunes recrues.
JR : Qu?avez-vous pensé lorsque l?affaire vous a été communiquée ?
AL : A aucun moment je n?ai pensé que ça pouvait avoir eu lieu dans le département des produits dérivés auquel j?appartenais. J?ai maintenant un avis personnel très clair sur cette affaire.
JR : Quel est-il ?
AL : Le seul point de ce jugement c?est : y a-t-il eu complicité éventuelle en interne. Pour moi, la complicité dans cette affaire n?a pas de sens. Les montants engagés ne peuvent pas faire l?objet d?une réflexion collective de personnes sensées. Après, cela n?engage que moi. A l?extérieur de la banque, il doit être très difficile de comprendre comment cela a pu arriver et comment tout un service de contrôle a pu passer à côté.
JR : Est-ce qu?il y aura pour vous un avant et un après 18 janvier 2008 ?
AL : Bien sûr. Tous les salariés de la banque ont perdu beaucoup, d?abord sur leur épargne, et en terme d?image. Depuis, tout a changé. La confiance n?existe plus, la parole n?a plus beaucoup d?importance et les justifications sont partout.
Me David Koubbi, avocat de Jérôme Kerviel s?avance pour le soumettre à la question : Si j?ai bien compris, vous venez nous dire comment fonctionne un trader et pas un fraudeur. Qui vous a demandé de témoigner ?
Arnaud Llinas : M. Paolantonacci.
DK : Vous étiez loin de J. Kerviel ?
AL : A 10 mètres.
Jérôme Kerviel souffle : On était dos à dos.
Me Koubbi poursuit : C?est quoi cette console dont vous parlez ?
AL : C?est un outil de passage d?ordres qui indique les risques en temps réel auxquels nous sommes exposés.
Jérôme Kerviel fait passer des messages à son avocat.
DK : C?est quoi le résultat moyen d?un trader ?
AL : Les gains sur ce type d?activité sont de l?ordre de quelques millions d?euros.
DK : Quand M. Kerviel fait 55 millions d?euros de résultat en 2007, vous en parlez dans la salle de marchés ? Parce qu?il y a une flèche là parmi les traders.
AL : C?est un résultat très bon. Est-ce que ça nous avait particulièrement ému, la réponse est non.
DK : Pour le trader que vous êtes, 190 000 contrats sur le Dax?
AL : C?est colossal.
DK : Comment expliquez-vous que 190 000 contrats, indiqués dans un mail envoyé à sept destinataires, ne le lisent pas ? Vous lisez vos mails ou pas ?
AL : J?en reçois beaucoup, j?essaie de trier les plus et les moins importants.
DK : Est-ce qu?il y a eu une ligne informationnelle pour communiquer aux salariés sur l?affaire dite Kerviel ?
AL : Non, je n?en ai pas le souvenir.
DK : Vous avez mentionné le fait que les traders n?avaient pas connaissance des systèmes back-office ? C?est par opposition à ce que vous connaissez de J. Kerviel que vous dites ça ?
AL : Non, c?est parce qu?avec l?affaire, j?ai appris des choses que je ne connaissais pas.
DK : Si vous recevez un mail avec quatre trades à 11 milliards indiqués? Est-ce que vous trader vous-même 11 milliards d?euros en quatre trades ?
AL : Non.
DK : Dans l?activité de M. Kerviel, comment ça se passe qu?en, à la fin de l?année 2007, il a 1,4 milliard d?euros sur son compte ?
AL : C?est possible, mais c?est un chiffre qui me semble important.
DK : Je vous remercie, la défense ne vous aurait pas mieux choisi que ne l?a fait la Société Générale.
L?audience est suspendue jusqu?à 14h45.
 

10h05. "On est peut-être dans le romantisme"

Deuxième témoin de la journée, entendu à la demande de la défense : Jacques Werren, consultant financier pour des établissements bancaires.
Me David Koubbi lui demande de préciser son parcours professionnel.
Jacques Werren se lance : J?ai fait la totalité de ma carrière dans la finance, j?ai été directeur général adjoint du Matif [Marché à terme des Instruments Financiers, ndlr], et je suis passé par différentes banques.
DK : Pourquoi êtes-vous venu témoigner ?

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Et retrouvez notre dossier spécial sur l'affaire Kerviel, les clés pour comprendre le procès (noms, définitions), les analyses de Valérie Segond et de François Lenglet après le verdict de 2010, ce que sont devenus les protagonistes de l'affaire, les plaintes déposées par Me David Koubbi (avocat de Jérôme Kerviel) et par Me Jean Veil (avocat de Société Générale), le témoignage de l'ancienne conseillère en communication de Jérôme Kerviel, et le contexte politique dans lequel s'inscrit le procès.

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Commentaires 2
à écrit le 21/06/2012 à 15:07
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Est-ce que vous trader ou plutôt tradez ??? 7ème faute aujourd'hui

le 21/06/2012 à 17:54
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Il serait miraculeux qu'il n'y ait pas une seule faute de frappe ou d'orthographe sur un compte-rendu en direct pendant neuf ou dix heures de suite... mais toutes mes excuses pour ce désagrément.

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