"Répondez avec quelque chose qui peut satisfaire à la défense ! "

La neuvième journée du procès en appel de Jérôme Kerviel a commencé ce jeudi 21 juin. La présidente de la Cour, qui n'a jusque là pas ménagé l'ancien trader, condamné le 5 octobre 2010 à cinq ans de prison, dont trois fermes, ainsi qu'à 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts, entend aujourd'hui différents témoins à la barre, parmi lesquels Daniel Bouton, ancien président de la banque.
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Jérome Kerviel est sous le coup de trois chefs d'accusation : abus de confiance, introduction frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé, faux et usage de faux. Son procès en appel a commencé lundi 4 juin. Suivez en direct la huitième journée d'audience couverte par notre journaliste Laura Fort, avec les clés pour comprendre le procès. Retrouvez le compte-rendu de la première journée d'audience, le compte-rendu de la deuxième journée d'audience, le compte-rendu de la troisième journée d'audience, le compte-rendu de la quatrième journée d'audience, le compte-rendu de la cinquième journée d'audience, le compte-rendu de la sixième journée d'audience, le compte-rendu de la septième journée d'audience, et le compte-rendu de la huitième journée d'audience.

Jeudi 21 juin

15h00. La salle est pleine, le poulailler où sont placés les journalistes aussi, et les caméras sont postées à l?extérieur. Et Me Dami Le Coz, collaborateur de Me Koubbi pour la défense de J. Kerviel, est de retour. L?après-midi promet d?être chargée, avec la citation de plusieurs témoins dont Daniel Bouton, patron de Société Générale à l?époque des faits.
Isabelle Santenac, du cabinet Ernst & Young, est entendue comme témoin à la demande de Société Générale. Elle était commissaire aux comptes à l?époque et s?occupait plus particulièrement de l?activité de banque d?investissement.Me Jean Veil, avocat de Société Générale, l?interroge sur la manière dont elle a découvert les faits et comment elle a été associée aux recherches.
Dans un élégant tailleur, perchée sur ses talons, Isabelle Santenac explique : A titre personnel, je suis intervenue dès le lundi. Nous avions un suivi quotidien des débouclements. Nous avons ensuite fait un audit de ce qui s?est passé.
JV : Avec qui avez-vous fait l?audit dans la banque ?
IS : Principalement en coordination avec l?inspection générale.
JV : Combien de temps est-ce que cela vous a pris ?
IS : Sur la partie débouclement des opérations, ça nous a pris environ deux semaines, mais nous avons fait des audits complémentaires.
JV : Avez-vous vérifié le montant du débouclement des positions et le fait qu?on n?avait pas mis d?autres opérations dedans comme les subprimes ?
IS : Nous l?avons vérifié et nous avons mentionné dans notre rapport qu?il n?y avait pas d?autres opérations que celles de M. Kerviel.
JV : Aviez-vous des relations avec le PDG ou le conseil d?administration de la banque ?
IS : Je n?avais pas de contact direct avec eux, mais on a fait un point fin janvier avec le comité des comptes.
JV : Y a-t-il eu des divergences entre vos travaux et ceux de Price Waterhouse Coopers diligenté pour faire un audit indépendant ?
IS : Non.
JV : Avez-vous vu les inspecteurs de la Commission bancaire lorsqu?ils sont venus faire leur enquête.
IS : Non.
JV : Est-ce qu?ils se sont servis de vos travaux ?
IS : Non, pas à ma connaissance.
JV : Imaginons que J. Kerviel soit condamné et doive rembourser un euro à la banque. Comment l?enregistrera-t-elle ?
IS : Elle l?enregistrera en produit, et sera donc taxable.
La présidente de la Cour l?interroge ensuite les écarts de méthode qu?elle a pu constater, sur la vérification des écritures passées manuellement et sur les confirmations effectuées vis-à-vis de certaines opérations.
Me Jean Veil reprend : Comment avez-vous appris que les comptes de juin 2007 étaient faux ?
Isabelle Santenac : On l?a constaté après coup, en décortiquant les opérations non autorisées.
JV : Qu?est-ce qu?on a fait alors sur ces comptes 2007 ?
IS : Il y a eu retraitement des opérations en 2008.
L?avocat général veut revenir sur ces comptes 2007.
IS : Nous avons revu la cohérence du résultat. Le fait que les opérations étaient compensées par d?autres, faisait que le résultat global de cette activité était quasiment nul et n?attirait pas plus l?attention que ça.
JV : Vous commencez quand vos travaux pour arrêter les comptes de l?exercice annuel ?
IS : Il y a une phase de travaux intérimaires en octobre-novembre. Dès lors que les travaux d?arrêtés de la banque sont finalisés, commencent les nôtres.
L?orage gronde, il pleut des cordes, les questions de la présidente sont masquées par le bruit. Mais elle ne veut pas allumer ses micros.
Me David Koubbi, avocat de Jérôme Kerviel, a des questions à poser au témoin : Pouvez-vous expliquer comment se définirait votre métier et en quoi le risque se trouve au c?ur de ce métier ?
Isabelle Santenac : Mon métier est de certifier des comptes. Nous faisons des travaux sur la base de sondages, définis en fonction des risques identifiés dans chaque activité concernée. Sur les aspects de stratégie en tant que tels, nous en prenons connaissance par le conseil d?administration mais nous n?avons pas à intervenir.
DK : Comment assurez-vous aux sociétés auditées l?intégrité des informations sur la foi desquelles vous avez travaillé pour arrêter les comptes ?
IS : Une lettre est signée par la direction des entreprises pour nous aviser qu?aucune information ne nous a été cachée.
DK : Comment avez-vous fait pour valoriser, dans les comptes 2007 et 2008, les actifs liés aux subprimes, totalement illiquides ?
IS : En 2007, la crise n?était pas totalement avérée. Pour les subprimes ce n?était pas totalement dans mon domaine. Mais il existait des systèmes de cotation non officiels.
DK : Est-ce que la banque vous a mentionné qu?elle avait des problèmes d?écarts de méthode ou de contrepartie pending, sur des difficultés de rapprochement interbases ?
IS : Non.
Me Koubbi pose une nouvelle question au témoin qui lui lance : J?ai déjà répondu à cette question mais je peux y re-répondre.
Me Koubbi rétorque : Oui mais re-répondez avec quelque chose qui peut satisfaire à la défense.
Rires dans la salle.
La présidente déclare : Le témoin n?est pas venu ici faire plaisir à quiconque.
Me Karel Canoy, avocat représentant les actionnaires, lance depuis sa chaise : Sauf à la vérité !

12h45. De la vie "normale" d?un trader

 

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Et retrouvez notre dossier spécial sur l'affaire Kerviel, les clés pour comprendre le procès (noms, définitions), les analyses de Valérie Segond et de François Lenglet après le verdict de 2010, ce que sont devenus les protagonistes de l'affaire, les plaintes déposées par Me David Koubbi (avocat de Jérôme Kerviel) et par Me Jean Veil (avocat de Société Générale), le témoignage de l'ancienne conseillère en communication de Jérôme Kerviel, et le contexte politique dans lequel s'inscrit le procès.

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Commentaire 1
à écrit le 22/06/2012 à 7:19
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Quel suspense. La suite dans "Detective" en vente dans tous les magasins de presse

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