Ces anges de la finance qui cassent leur tirelire

La 8e édition de la Semaine des business angels s'est déroulée jusqu'au 29 novembre, partout en France. L'objectif : faire connaître davantage l'action de ces personnes physiques qui investissent leur propre argent dans de jeunes sociétés innovantes.
Vendredi 8 novembre 2013, Jean-Louis Brunet, président de France Angels, a été décoré de la Légion d’honneur par Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. / DR

Ils ont eu une grosse semaine. Ou plus précisément, huit jours pour mieux se faire connaître des fondateurs de start-up, mais aussi pour convertir d'autres investisseurs aux joies du financement et de l'accompagnement des jeunes pousses. Vendredi 29 novembre s'achève la 8e édition de la Semaine des business angels, des personnes physiques - souvent des chefs d'entreprise, à la retraite ou en activité -qui mettent leur argent personnel dans de jeunes sociétés innovantes. Si les sommes investies peuvent être très variables - de 5 000 à 200.000 euros, voire 500.000 euros par an et par business angel -, elles ne sont jamais négligeables pour une start-up qui démarre.

Au cours des cinq dernières années, les 4 500 business angels membres de France Angels - l'association qui fédère les réseaux de business angels français - ont au total investi 200 millions d'euros environ, dans 1 500 sociétés. Une injection de capital bienvenue, à l'heure où les fonds de capital-risque, à court d'argent, n'ont (presque) plus les moyens de financer les jeunes pousses.

Pour les business angels, cette semaine était importante : ils veulent aussi « être reconnus et estimés », plaide Jean-Louis Brunet, président de France Angels. Un désir de reconnaissance d'autant plus fort que le projet de loi de finances 2013, qui prévoyait un alourdissement de la taxation des plus-values de cession de valeurs mobilières, avait donné à ces « anges de la finance » la très désagréable impression d'être considérés par le gouvernement comme des « rentiers spéculateurs », raconte l'un d'eux, voire comme des « disciples de Bernard Madoff », cet Américain coupable de l'une des plus grandes escroqueries financières de tous les temps.

Or, l'argent n'est pas la motivation première des business angels. Certes, ils bénéficient d'avantages fiscaux, la loi Madelin leur permettant de déduire de leur impôt sur le revenu 18" % des sommes investies dans des PME. Une déduction qui s'élève à 50" % s'ils sont par ailleurs redevables de l'ISF (impôt de solidarité sur la fortune).

« Il ne faut pas nier l'intérêt fiscal, mais l'essentiel n'est pas là », affirme Jean-Louis Brunet. Et d'expliciter : « Tous les business angels ont en commun la passion de l'entreprise. Quand ils investissent dans une société, ils revivent souvent par procuration l'aventure entrepreneuriale qu'ils ont eux-mêmes vécue plusieurs années auparavant. »

90 start-up à l'actif des anges de Grenoble

Jean-Louis Brunet, qui possède la double casquette d'ingénieur électronicien et de diplômé de l'Institut d'administration des entreprises (IAE) de Grenoble, sait de quoi il parle. Il a dirigé de 1996 à 2004 le fabricant d'onduleurs MGE UPS Systems, après l'avoir racheté à son employeur de l'époque, le groupe Schneider Electric, dans le cadre d'un LBO (Leverage Buy-Out, « acquisition par endettement »). La société s'est si bien développée que Jean-Louis Brunet s'est offert le luxe de la revendre à... Schneider, en 2004. La même année, ce « serial entrepreneur » fonde la start-up grenobloise H3C-énergies, spécialisée dans l'amélioration de l'efficacité énergétique, et qui compte aujourd'hui une centaine de collaborateurs.

C'est à cette même époque qu'il crée le réseau de business angels Grenoble Angels qui, depuis, a investi dans quelque 90 start-up.

« Grenoble est un terreau de l'innovation, le magazine Forbes l'a récemment classée cinquième ville la plus innovante au monde », se félicite Jean-Louis Brunet.

Pour qui « un business angel n'a rien à voir avec un investisseur financier professionnel, auquel on confie de l'argent pour qu'il rapporte un maximum. Les business angels, eux, après avoir vécu l'entreprise, ont envie de renvoyer l'ascenseur, d'aider à leur tour de jeunes chefs d'entreprise à réussir. Pour cela, ils apportent non seulement leurs capitaux mais également leurs compétences, leurs réseaux, du temps, tout en se fixant comme règle de laisser le chef d'entreprise maître chez lui », insiste Jean-Louis Brunet.

C'est sûr qu'il faut être motivé par autre chose que par la perspective d'espèces sonnantes et trébuchantes pour investir en phase d'amorçage, lorsque la société n'existe même pas encore, mais qu'il s'agit déjà de financer les dépenses préalables à sa création, comme la R&D, les études de marché, les brevets, etc. Par nature, le financement d'amorçage est éminemment risqué.

D'ailleurs, « 25 % environ des sociétés financées par des business angels disparaissent cinq ans après leur création », soupire Jean-Louis Brunet, tout en précisant que cette proportion est inférieure « à celle de 50 % observée pour les entreprises en général, d'après un récent rapport de la DGCIS [Direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services, ndlr] ».

 Le management, première cause des échecs

Un risque en tout cas suffisamment élevé pour que les business angels sélectionnent les start-up sur la base de critères bien précis. À commencer par le caractère innovant du projet.

Mais « innovation n'est pas obligatoirement synonyme d'originalité. Cela ne signifie pas non plus forcément être les premiers, d'autant plus que l'on risque parfois d'arriver trop tôt par rapport aux besoins du marché », précise Jean-Louis Brunet.

Aussi, Grenoble Angels ne verrait-il aucun inconvénient à investir dans un deuxième Spartoo, cette pépite grenobloise de la vente en ligne de chaussures que le réseau de business angels a financée dès ses débuts.

Qui dit innovation dit protection de cette innovation. La start-up a-t-elle déposé des brevets ? Ceux-ci sont-ils facilement copiables ? Autant de questions que se poseront les business angels avant d'investir dans l'entreprise. Tout comme ils se demanderont s'il existe bien un marché pour le produit en question, aussi novateur soit ce dernier.

À cet égard, le plan pour l'innovation présenté début novembre par le gouvernement, qui vise à favoriser la transformation des travaux de recherche en produits commercialisables, n'est pas pour déplaire aux business angels. Mais, quand bien même la start-up aurait passé haut la main tous ces premiers filtres, un business angel n'investira jamais s'il nourrit le moindre doute sur la qualité de l'équipe dirigeante.

« C'est là le point clé. Dans 70 % ou 80 % des cas, les entreprises qui échouent souffrent d'un problème de management », affirme Jean-Louis Brunet.

Un management dont les business angels testeront l'esprit de synthèse, le sang-froid et la réactivité lors du « pitch » de cinq minutes auquel les apprentis entrepreneurs ont droit pour leur présenter leur projet.

C'est dire si l'écrémage est important. De fait, sur les 4 000 à 5 000 dossiers que reçoivent, au total, les réseaux membres de France Angels chaque année, un peu plus de 300 seulement seront financés, pour un montant global de l'ordre de 45 millions d'euros. Ce qui, d'après cette association, permet de contribuer à la création de quelque 2 500 emplois, bon an mal an. De quoi, en effet, reconnaître l'action des business angels.

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Commentaire 1
à écrit le 07/12/2013 à 17:03
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Cela fait des lustres que l'on affiche les exceptionnels business angels et aussi le fonds de capital risque, ces derniers démunis aujourd'hui , mais sans s'investir dans ce Mal qui rend les professionnels de la Banque absents. Un appel mécanique à l...

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