Le ciel chinois s’assombrit pour les investisseurs

Le conglomérat immobilier Evergrande dévisse à nouveau en Bourse. Ses difficultés financières ne sont pas nouvelles mais elles s’inscrivent désormais dans un contexte de défiance des investisseurs pour les titres chinois et d’une pression plus forte des autorités sur les entreprises chinoises cotées.
Le conglomérat immobilier Evergrande aurait plus de 300 milliards d'euros d'engagements financiers.
Le conglomérat immobilier Evergrande aurait plus de 300 milliards d'euros d'engagements financiers. (Crédits : Reuters)

Les conglomérats privés chinois sont à la peine. Evergrande, l'un des plus importants du pays, a dévissé en Bourse lundi de plus de 10 % à Hong Kong alors que les investisseurs sont de plus en plus inquiets de sa situation financière. La valorisation du groupe a ainsi fondu de plus de 70% sur un an et les obligations d'Evergrande affiche une décote d'un tiers sur le marché de la dette, voire près de la moitié sur les maturités à quatre ans. Ce géant de l'immobilier, également présent dans de nombreux secteurs (tourisme, santé, assurance, numérique), a multiplié ces dernières années les acquisitions par endettement et doit faire face à quelque 330 milliards de dollars d'engagements.

Une éventuelle faillite aurait de lourdes conséquences sur l'économie chinoise, notamment dans le secteur de la construction et de l'immobilier. Le groupe emploie 200.000 personnes mais il génère quelque 3,8 millions emplois indirects en Chine, selon l'agence AFP.

Les autorités chinoises avaient publiquement enjoint les responsables du groupe à régler au plus vite la question de la dette. Ce qui est une démarche relativement inhabituelle en Chine sur la bonne marche des entreprises. Le PDG du groupe, Xu Jiayin, cinquième fortune du pays, a d'ailleurs été relevé de ses fonction opérationnelles, ne conservant que sa casquette de président.

Des discussions seraient en cours pour céder certains actifs du groupe à des investisseurs pour alléger le fardeau de la dette. Ce serait notamment le cas avec le géant des smartphones Xiaomi pour la reprise de la filiale spécialisée dans l'automobile électrique Evergrande Auto, qui ne commercialise pourtant aucune auto. L'intervention de sociétés publiques chinoises n'est pas également à exclure, notamment dans des filiales bancaires ou d'assurance du groupe.

Rhinocéros gris

Le groupe Evergrande fait partie de ces « rhinocéros gris », ces sociétés à l'endettement alarmant qui présente un risque financier systémique. L'inquiétude est d'autant plus palpable que les difficultés de la firme s'inscrit dans un contexte de crise pour plusieurs groupes chinois privés ou publics, mais aussi de coups de force réglementaires des autorités, de méfiance grandissante en Occident pour les actifs chinois, notamment dans le domaine de la Tech, et enfin, de ralentissement de son économie.

La semaine dernière, Pékin a été contraint de recapitaliser en urgence le conglomérat financier China Huarong, spécialisé... dans les créances douteuses. Ce groupe avait été lancé en 1999 à l'initiative des autorités pour assainir le système bancaire chinois. C'est aujourd'hui une bombe à retardement, alors que ses comptes 2020 n'ont pas été publiés. Seule une perte de 13,5 milliards d'euros a été annoncée. Rappelons que l'ancien patron de China Huarong, Lai Xiaomin, a été exécuté en janvier dernier pour « corruption et polygamie ».

Tour de vis

Mais c'est sans doute le tour de vis réglementaire des autorités sur de nombreux secteurs de l'économie qui inquiètent le plus. Certaines entreprises chinoises des secteurs de l'Internet, du covoiturage, de l'éducation, dont les plus beaux fleurons sont souvent cotés à Wall Street, sont en effet dans le collimateur des régulateurs qui multiplient les restrictions, avec pour conséquence, une réduction de la capacité bénéficiaire et une chute des cours de Bourse.

Les raisons invoquées d'une telle offensive sont souvent légitimes : respect de la concurrence, sécurité des données, lutte contre les dérives du soutien scolaire, soutien des minima sociaux.... La rivalité avec les États-Unis et l'affirmation d'une politique nationaliste ne sont sans doute pas étrangères à cette soudaine fièvre réglementaire. C'est au moins un rappel que le modèle chinois est celui d'un capitalisme d'État et que les marchés financiers ne peuvent en aucune façon dicter leurs lois sur les décisions des entreprises chinoises cotées.

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Ce rappel est douloureux à la fois pour les entreprises chinoises et pour les investisseurs internationaux, attirés par les performances de l'économie et de certains secteurs. Ainsi, les autorités boursières chinoises ont suspendu plus de 40 procédures d'introduction en Bourse à Shanghai et Shenzhen, selon l'agence Reuters, alors qu'une enquête est en cours sur plusieurs intermédiaires financiers impliqués dans ces projets. Parallèlement, Pékin a annoncé ce lundi le renforcement des sociétés d'expertise comptable en proclamant une tolérance zéro contre la fraude financière.

Mise en garde de la SEC

D'un côté, les autorités chinoises plaident pour une meilleure transparence. Mais de l'autre, cet activisme réglementaire suscite un risque pour les investisseurs qui n'est pas forcément bien perçu.

C'est pourquoi le nouveau patron du régulateur américain (SEC) Gary Gensler, a publié, fin juillet, une sévère mise en garde à l'encontre des sociétés chinoises cotées à Wall Street. Elles doivent désormais distinguer clairement ce qui relève de la gestion de la société cotée aux Etats-Unis des activités opérationnelles basées en Chine et son cortège de risques juridiques ou réglementaires. Un exercice qui s'annonce délicat à assumer pour les sociétés concernées. Et qui promet des lendemains difficiles pour les investisseurs.

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Commentaires 2
à écrit le 23/08/2021 à 20:03
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wow, les europeens decouvrent ce que je dis depuis 15 ans; he, faut se renseigner, dans la vie, ca fait 15 ans qu'ils mettent tout le monde dehors, mais veulent continuer d'exporter; et ca a donne des idees a bojo, des fois que ca passe

à écrit le 23/08/2021 à 16:17
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Les américains et les chinois continuent de resserrer leurs positions se recentrant sur leurs pays respectifs. Dommage que les médias de masse ne nous parlent pas de ça non plus, enfin plutôt dommage qu'ils ne parlent que d'un truc au final même si ç...

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