Le gendarme boursier (AMF) s'inquiète de la capacité des marchés à financer l'économie

L’Autorité des marchés financiers (AMF) s’inquiète d’une montée des risques sur les marchés, dans la foulée de l’accélération de la normalisation des politiques monétaires, selon l’édition 2022 de sa cartographie des risques. Elle pointe une nouvelle fois le niveau élevé de l’endettement des entreprises, alors que le coût du crédit ne cesse d’augmenter. Elle redoute même un accès de plus en plus difficile au crédit. Mais le superviseur souligne aussi la solidité des acteurs du marché face à ces chocs. En revanche, l'AMF se déclare inquiète sur la capacité des marchés à continuer de financer l'économie.
Le superviseur des marchés financiers note une montée globale des risques en 2022 et 2023.
Le superviseur des marchés financiers note une montée globale des risques en 2022 et 2023. (Crédits : CHARLES PLATIAU)

C'est le propre d'un superviseur d'avoir une vision pessimiste des choses, surtout dans le domaine des risques. L'an dernier, lors de la présentation traditionnelle de sa cartographie des risques, l'Autorité des marchés financiers (AMF) pointait le risque sur la dette des entreprises. Comme d'ailleurs l'année précédente, en pleine crise sanitaire lorsque les entreprises empruntaient à tour de bras pour combler en partie l'arrêt de l'activité, notamment via les prêts garantis par l'Etat (PGE).

Depuis, ce fameux « mur des faillites » est régulièrement repoussé dans le temps. Certains, comme Allianz Global Investors, ne le voient pas venir avant 2025 ou 2026, lorsque de grosses échéances de remboursement commenceront à tomber.

En 2022, le risque de la dette reste un sujet, prévient l'AMF dans la dernière édition de sa cartographie des risques, présentée ce mercredi. Mais les nuages s'accumulent pour la stabilité financière, « dans un monde qui change », souligne Benoît de Juvigny, secrétaire général de l'AMF.

Jusqu'ici, le sentiment dominant était que les banques centrales seraient toujours là pour sauver les marchés, quoi qu'il arrive. Cette époque est bel et bien révolue et la banque centrale américain a même laissé entendre, en juin, qu'elle serait prête à sacrifier la croissance pour assurer la stabilité des prix. Pour rappel, la banque centrale européenne a accumulé quelque 6.500 milliards d'euros d'actifs dans son bilan, depuis le lancement en 2014 de son programme d'achat d'actifs (APP, asset purchase program) qui s'arrête en juillet.

« Il existe un risque de nouvelles corrections sur les marchés après celle du premier semestre, mais aussi un risque de désynchronisation des politiques monétaires, un risque de fragmentation de la zone euro et l'endettement des sociétés non financières reste important », résume Kheira Benhami, cheffe économiste à l'AMF, qui estime que ces risques pourraient s'aggraver en 2023.

Les primes de risque explosent

De fait, au premier semestre, les chocs ont été rudes, particulièrement sur les marchés obligataires. Un vrai krach, de l'avis des professionnels. La remontée marquée et rapide des taux au premier semestre, qui « pourrait s'accélérer » a déclenché un de-rating violent sur les obligations mais également creuser les écarts de rendement entre les différents segments de marché.

La prime de risque (différence entre le rendement d'une obligation par rapport au rendement d'une obligation sans risque) a grimpé de 260 points de base, au 30 juin, (dont 135 points de base sur le seul mois de juin) sur le segment high yield, le plus risqué, de 250 points de base sur les obligations financières subordonnées AT1 et de 70 points sur la dette d'entreprise la mieux notée. Le tout dans une volatilité proche des niveaux atteints en mars 2020 lors de la fermeture de l'économie au début du Covid.

Sur les actions, alors que le consensus n'a pas encore révisé à la baisse les estimations de bénéfices, les prix ont également violemment corrigé. L'indice CAC 40, dividendes réinvestis, a ainsi perdu 15%. Quant aux cryptomonnaies, autant elles ont été fortement ébranlées par la montée des taux, autant la baisse de ce marché n'a pas eu d'impact sur les marchés financiers eux-mêmes, observe l'AMF.

Le financement vert en danger ?

Pour autant, l'AMF souligne que les acteurs de marché ont su absorber ces chocs, même si le niveau de risque a été relevé à mi-année. La baisse de l'actif net des sociétés de gestions s'explique avant tout par le recul des valorisations et non pas une décollecte. Le superviseur se déclare même satisfait du fonctionnement des coupe-circuits lors du flash krach du 2 mai (erreur d'un opérateur de Citi à Londres).

En revanche, l'AMF se déclare inquiète sur la capacité des marchés à continuer de financer l'économie. Le compartiment high yield est quasiment fermé depuis le début de l'année et les introductions en Bourse ont chuté de moitié en valeur (et de 40% en nombre). Et quant au capital-investissement, il est à craindre, selon l'AMF, que le marché se dégrade fortement en 2022. Le message de l'Autorité semble se répéter, année après année, sur « la difficulté d'orienter l'épargne vers des produits en capital ».

Autre enjeu, et de taille, le financement de la transition énergétique, dont les besoins à l'échelle mondial sont estimés par le GIEC à quelque 1.000 milliards de dollars par an. « La rentabilité des investissements verts va être plus difficile à atteindre dans un environnement inflationniste », prévient Benoît de Juvigny. D'autant qu'un vrai changement est à attendre avec la mise en place d'un nouveau standard européen d'ici un ou deux ans pour mieux encadrer les « obligations vertes ».

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