L'épargne salariale se digitalise pour mieux séduire les PME

Plusieurs startups entendent dépoussiérer l'épargne salariale en proposant des parcours 100% en ligne. Leur cible : les PME très faiblement équipées. Les acteurs traditionnels, eux aussi, s'emparent du sujet.
Juliette Raynal
Au moyen de plateformes en ligne, les dirigeants peuvent choisir les dispositifs les plus adaptés à leur entreprise.
Au moyen de plateformes en ligne, les dirigeants peuvent choisir les dispositifs les plus adaptés à leur entreprise. (Crédits : DR)

[Article publié le 13.03.2019 à 06:30, mis à jour à 09:30]

« Aujourd'hui, l'épargne salariale est un produit bancaire. Nous souhaitons en faire un service pour les entreprises et leurs salariés en apportant une forte dimension pédagogique », expose Julien Niquet, le cofondateur et directeur général de la startup Epsor. Créée en octobre 2017, cette jeune pousse a lancé, l'été dernier, une offre 100% numérique à destination des petites et moyennes entreprises.

Difficile mise en oeuvre

En décembre 2017, les encours d'épargne salariale représentaient 131,5 milliards d'euros. À cette date, un peu plus de 10 millions de salariés en bénéficiaient. Mais ces chiffres cachent une grande disparité en fonction de la taille de l'entreprise.

« Les PME constituent le parent pauvre de l'épargne salariale. Seules 20% des entreprises de moins de 50 salariés en proposent alors que ce taux s'élève à 93% dans les entreprises de plus de 1.000 salariés », pointe Benjamin Pedrini, l'autre cofondateur d'Epsor.

« L'épargne salariale a été créée en 1959 sous l'impulsion du général De Gaulle. L'idée était de pousser les entreprises à associer leurs salariés aux bons résultats en redistribuant une partie des bénéfices », explique Laure Delahousse, directrice générale adjointe de l'Association française de la gestion financière (AFG).

« Pour un dirigeant, ce produit est intéressant car c'est un moyen de mieux rémunérer les salariés sans fragiliser l'équilibre financier de l'entreprise : il ne distribue de primes que si son entreprise réalise de bons résultats », poursuit-elle. De plus, ces primes sont exonérées de cotisations patronales.

L'épargne salariale s'articule autour de deux mécanismes : la participation, liée aux bénéfices de l'entreprise, et l'intéressement qui repose sur les résultats ou les performances. Dans les deux cas, les salariés ne sont pas imposés s'ils choisissent de placer cette épargne sur un PEE ou un Perco. « C'est un produit gagnant-gagnant », assure Laure Delahousse.

Au vu de ces nombreux avantages, comment expliquer le désamour des PME pour l'épargne salariale ? Tous les spécialistes du secteur pointent du doigt sa difficile mise en oeuvre. « Les chefs d'entreprise qui ne disposent pas d'une direction des ressources humaines se heurtent à des complexités juridiques et des lourdeurs administratives. Si l'on souhaite amplifier le mouvement du partage du profit dans ces entreprises, il faut aider leurs dirigeants à aller plus vite en leur apportant plus de simplicité », estime Xavier Collot, directeur épargne salariale et retraite d'Amundi (groupe Crédit Agricole), leader du secteur avec plus de 43% des parts de marché en France en encours, devant Natixis, numéro un en nombre de comptes.

« Les salariés sont aussi en recherche de conseils. D'après une étude réalisée par Kantar TNS pour l'Autorité des marchés financiers en 2016, seuls 48% des salariés s'estiment capables de gérer leur épargne salariale », ajoute Benjamin Pedrini d'Epsor.

Pour surmonter ces écueils, la jeune pousse a développé des interfaces simplifiées à destination des chefs d'entreprise et de leurs salariés.

Un robot-conseiller

Au moyen de sa plateforme en ligne, la startup aide les dirigeants à choisir les dispositifs les plus adaptés à leur situation et à définir le budget qu'ils souhaitent allouer à leur dispositif d'épargne salariale. Une fois ces choix effectués, un système de consultation électronique permet de faire valider le plan d'intéressement auprès des salariés. Ces derniers bénéficient ensuite d'un accompagnement via un robot-conseiller qui les interroge sur leur situation fiscale, leur objectif d'épargne, leur besoin de liquidité, leur connaissance financière, leur goût pour le risque et les thématiques qu'ils affectionnent (économie locale, technologies, transitions énergétiques, etc.) « Ces informations nous permettent de proposer une sélection de fonds en fonction du profil personnalisé de chaque salarié », explique Julien Niquet.

Aujourd'hui, Epsor affirme compter près d'une centaine d'entreprises clientes, dont le fonds Partech qui est aussi l'un de ses investisseurs. « Cela représente plusieurs milliers de salariés couverts et plus de 10 millions d'euros d'encours », complète Julien Niquet. La startup entend multiplier ce volume par dix en un an pour atteindre 100 millions d'euros d'encours à la fin de l'année.

D'autres acteurs entendent dépoussiérer l'épargne salariale, dont le géant du secteur Amundi, qui s'apprête à lancer Fast'Amundi.

« C'est une solution 100% en ligne qui permet à un dirigeant de souscrire à un dispositif d'épargne salariale du bout des doigts. Un calculateur lui permet de comprendre combien lui coûtera le versement de primes et combien cela représentera pour ses salariés. L'objectif est de favoriser le passage à l'acte », détaille Xavier Collot.

Les salariés, eux, peuvent s'orienter grâce à un robot-conseiller. « Nous équipons actuellement 5.000 PME et TPE par an. Avec ce nouveau canal, nous comptons accompagner 30.0000 nouvelles TPE/ PME et 50.0000 salariés supplémentaires d'ici trois ans », affirme, confiant, Xavier Collot. En novembre dernier, le groupe de courtage Henner, la société de conseil en investissements Cedrus Partners, et la société de gestion Sanso IS, en partenariat avec Axa, se sont associés pour lancer une offre baptisée Go ! Épargne Entreprise. Ce nouveau dispositif en ligne à destination des PME et ETI promet d'apporter plus de pédagogie et de transparence et s'appuie en partie sur des fonds d'investissement durables.

L'autre géant du secteur, Natixis Interépargne, filiale de Natixis dédiée à l'épargne salariale, se penche aussi sur le sujet. Il s'est associé à la startup Fundvisory, spécialisée dans le conseil financier automatisé, pour développer un robot-conseiller afin d'aiguiller les salariés épargnants dans leurs investissements dans le PEE et le Perco. Le dispositif permet d'établir le profil de l'épargnant et de définir une réallocation personnalisée.

La startup Yomoni spécialiste de la gestion d'épargne en ligne a, elle aussi, lancé une offre à destination des chefs d'entreprise. Elle leur propose un outil de simulation pour estimer les avantages de l'épargne salariale et souscrire à un plan en quelques minutes. Encore en phase de lancement et à la recherche d'un partenaire bancaire, l'entreprise lilloise Amalia, accompagnée par l'incubateur EuraTechnologies, entend également se faire une place en « gamifiant » [en rendant plus ludique, ndlr], l'épargne salariale.

« Celle-ci n'est pas assez liée aux objectifs internes de l'entreprise. L'idée est de recréer ce lien pour motiver et fidéliser davantage les salariés », explique Idriss Boumaza, à l'origine de ce projet.

L'ensemble de ces acteurs, poids lourds ou nouveaux entrants, devraient profiter de la suppression, depuis le 1er janvier 2019, du forfait social de 20% pour les entreprises de moins de 250 salariés sur les sommes versées au titre de l'intéressement, ainsi que pour les entreprises de moins de 50 salariés sur l'ensemble des sommes versées au titre de la participation. Grâce à cet avantage fiscal, le gouvernement espère que 3 millions de salariés de TPE et PME bénéficient d'un dispositif d'épargne salariale à l'horizon 2020, contre 1,4 million actuellement.

Juliette Raynal

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