Société Générale veut innover avec les startups plutôt que les racheter

La banque privilégie la collaboration et veut s'inscrire au sein de l'écosystème numérique pour s'en inspirer et réinventer ses propres métiers. Elle n'a pas son propre corporate venture mais investit dans des fonds.
Delphine Cuny
La Société Générale a tissé des liens avec des fonds, des tiers lieux, des écoles, des startups, etc.

Entre les incursions des Google, Apple, Facebook, Amazon (GAFA) dans les moyens de paiement et les assauts des startups de la Fintech, les banques ont l'obligation de se transformer dans un environnement qui évolue très vite. La Société Générale a pris le parti de s'inspirer de la Silicon Valley dans les méthodes et l'environnement de travail, en créant notamment un nouveau lieu connecté, favorisant le travail collaboratif, les Dunes, à Fontenay-sous-Bois, où elle héberge cinq startups et trois projets en mode "startup interne". La banque privilégie en effet une démarche d'open innovation et de collaboration plutôt que d'acquisition.

« Pour se différencier à l'ère digitale, il faut savoir s'ouvrir à l'extérieur pour s'enrichir de la capacité d'innovation de la multitude, interne et externe, pour réinventer le métier de banquier et apprendre de cet écosystème, dans un esprit de totale humilité : ce n'est pas parce que vous êtes vieux ou banquier que vous savez ! » a déclaré mardi Françoise Mercadal-Delasalles, la directrice des ressources et de l'innovation, lors d'une visite avec la presse aux Dunes.

Incubateurs à Bangalore et à Dakar

La banque de La Défense fait valoir qu'elle a « tissé des relations étroites » avec les acteurs de l'écosystème numérique mondial : elle a « beaucoup appris » des tiers lieux comme l'ex-Player (devenu Liberté Living Lab), le Tank, le SenseCube, etc, en France et soutient six chaires dans le domaine de l'innovation (Mines Paris Tech, Essec, HEC, etc). A l'international, elle a lancé ses propres incubateurs : Catalyst à Bangalore, dans la Silicon Valley indienne, où la Société Générale emploie plusieurs milliers d'informaticiens pour son back-office, et le Lab Innovation Afrique créé à Dakar en février 2016.

« On réfléchit à ouvrir un deuxième lab en Afrique, peut-être au Maroc », a indiqué Aymeril Hoang, le directeur de l'innovation. « Et peut-être aussi à Berlin, où il y a un écosystème Fintech très dynamique. L'enjeu pour nous est d'identifier beaucoup plus de startups avec lesquelles collaborer. »

La banque se targue d'avoir « identifié » plus de 1.000 startups susceptibles de répondre aux besoins de ses métiers et indique travailler sur 60 « proof-of-concept » (des projets au stade de la démonstration de faisabilité). Sa direction de l'innovation a mis en place une base de données collaborative sur les jeunes pousses en contact avec le groupe, "startup radar", décrite par Aymeril Hoang comme « une agence interne capable de "scorer", d'évaluer les startups », leur degré de maturité, afin de partager de manière transversale les informations au sein du groupe « pour industrialiser [sa] relation avec les startups ».

Pas de corporate venture, investissements indirects

En matière d'investissement direct dans les startups, la Société Générale n'en est pas encore au stade industriel. Elle met en avant que le rachat de l'agrégateur Fiduceo par sa filiale Boursorama en mars 2015 « a été la première acquisition d'une Fintech par une banque en France » (pour un montant non communiqué mais estimé à quelques millions d'euros). Certes, mais d'autres acteurs plus petits, tels que Crédit Mutuel Arkéa qui a déboursé 50 millions pour s'offrir la cagnotte en ligne Leetchi, se sont montrés beaucoup plus actifs depuis. La Maif s'est hissée parmi les cinq premiers investisseurs dans la French Tech en 2016, classement où se trouve aussi le Crédit Agricole.

« Nous sommes un investisseur débutant dans les startups », a reconnu Françoise Mercadal-Delasalles.

Elle a investi cet été 1 million d'euros dans Tag Pay, une Fintech française spécialisée dans la banque mobile dont elle va déployer la solution dans plusieurs filiales en Afrique.

La Société Générale n'a pas non plus créé de fonds de « corporate venture », comme de nombreux groupes du CAC 40 l'ont fait ces trois dernières années, à l'image d'Axa et ses 230 millions d'euros dans Axa Strategic Ventures, qui vient d'investir un gros ticket de plusieurs millions dans une Assurtech américaine. Chacun sa philosophie, dans un univers où les grands groupes sont souvent suspectés de tentations prédatrices :

« Plutôt que de se limiter à une initiative de corporate venture en propre, Société Générale privilégie des participations actives dans l'écosystème, avec une présence répartie entre plusieurs lieux et une priorité donnée à la coopération opérationnelle », justifie la banque.

Elle a en revanche investi dans trois fonds de capital-risque, 360 Capital Partners en 2015, Daphni l'an dernier et tout récemment dans Paris Saclay Seed Fund. Au total, son encours d'investissement est d'environ 70 millions d'euros, précise-t-elle. Entre la "culture d'excellence opérationnelle" et la lourdeur des processus de décision, qui ne favorisent pas l'audace, d'une part, et la réglementation sur le calcul des risques des actifs bancaires (RWA) d'autre part, une source interne reconnaît que la banque a encore des réticences à passer la vitesse supérieure.

Delphine Cuny

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