GE, Toshiba, Johnson & Johnson : trois "spin-off" pour profiter de l'envolée de Wall Street

Trois géants de l'industrie, GE, Johnson & Johnson, et Toshiba, ont annoncé cette semaine leur scission en plusieurs sociétés (spin-off), un mouvement de fond, réclamé par les marchés financiers.
(Crédits : Toru Hanai)

General Electric (GE), le conglomérat industriel et technologique japonais Toshiba, le géant pharmaceutique Johnson & Johnson (J&J) : en quelques jours, ces trois conglomérats se sont pliés aux demandes des marchés financiers et ont annoncé leur scission en plusieurs sociétés cotées en Bourse. Des "spin-off" destinées à offrir davantage de cohérence et de lisibilité aux investisseurs et analystes qui ont parfois du mal à saisir le groupe dans sa complexité et à faire des prévisions sur le groupe, tout en privilégiant les secteurs de croissance.

General Electric a annoncé mardi dernier qu'il allait laisser la place à trois groupes cotés en Bourse distincts, dédiés respectivement à l'aviation, la santé et l'énergie. Vendredi, Toshiba a annoncé de son côté qu'il allait créer deux nouvelles entreprises en plus de sa structure existante, alors que le groupe est pressé depuis longtemps par ses actionnaires de maximiser sa valeur. Au même moment, Johnson & Johnson annonçait qu'il allait séparer ses produits de grande consommation (l'aspirine Tylenol ou les pansements Band-Aid notamment) du reste de l'entreprise, principalement les équipements médicaux et médicaments sur ordonnance dont vaccins, pour en faire une nouvelle entité cotée. La semaine dernière DuPont, qui était déjà redevenu indépendant après la scission, en 2019, du géant DowDupont, a lui aussi annoncé un virage stratégique et la sortie du groupe d'un portefeuille de produits industriels. Toujours la semaine dernière, IBM, a introduit en Bourse Kyndryl, spécialisée dans la gestion des infrastructures informatiques des entreprises.

Maximiser la valeur

Une occasion, dans certains cas comme GE (mais pas pour J&J), de séparer le bon grain de l'ivraie, selon Gregori Volokhine, gestionnaire de portefeuilles chez Meeschaert Financial Services. En effet, certains conglomérats sont pénalisés en Bourse par la mauvaise performance d'une de leurs branches. Autrement dit, la valeur des activités séparées est supérieure à ce qu'elle peut être dans un conglomérat. Un mouvement poussée, selon certains, à la flambée de a Bourse depuis le début de l'année.

"Les sociétés essaient de créer de la valeur avec des spin-offs lorsqu'on est proche des sommets en Bourse. C'est normal. Vous ne pouvez plus tirer de croissance" du prix de l'action sans bouleverser la structure même de l'entreprise, explique à l'AFP Jim Osman, directeur du cabinet The Edge et spécialiste des "spin-off".

Par ailleurs ajoute-t-il, tous les conglomérats qui agissent ainsi ne sont pas en difficulté.  Chez Johnson & Johnson, "il n'y a pas de bonne et de mauvaise activité" au sein du groupe, il y a deux belles branches dont ils pensent qu'elles peuvent briller seules", rappelle-t-il.

Quid d'Amazon ou Google ?

Les spin-off n'ont rien d'inéluctable, selon Howard Yu, professeur à l'école IMD, à Lausanne, en citant l'exemple Honeywell, toujours très recherché par les investisseurs. Si le groupe américain est un conglomérat ancien, de nouveaux comme Amazon ou le groupe chinois Alibaba montrent que la complémentarité des activités renforce l'écsystème, selon Howard Yu. "Il y a cette colle numérique" qui fait tenir le tout debout.

Mais pour Michael Useem, professeur à l'université Wharton et spécialiste de la restructuration industrielle,les marchés pourraient, au contraire, bientôt réclamer aux géants de la tech, Amazon ou Google (Alphabet) en tête, de se scinder, faute de lisibilité.

"Waymo, ça pourrait peut-être être valorisé 100 milliards de dollars", lance Gregori Volokhine, au sujet de la filiale de véhicules autonomes d'Alphabet. "Même pour Google, c'est beaucoup d'argent."

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LE DÉTAILS DES ANNONCES DE GE, TOSHIBA ET J&

-Le géant pharmaceutique américain Johnson & Johnson (J&J) a annoncé vendredi qu'il allait séparer ses produits d'hygiène et médicaments sans ordonnance du reste de ses opérations pour donner naissance à deux entreprises cotées en Bourse. "A l'issue d'un passage en revue complet, le conseil d'administration et l'équipe dirigeante ont estimé que la séparation prévue de la division +Santé des consommateurs+ est la meilleure façon d'accélérer nos efforts pour servir les patients, les consommateurs et les professionnels de la santé", a déclaré Alex Gorsky, le patron de J&J.

La branche "Santé des consommateurs" commercialise des produits grand public comme les pansements Band-Aid, les crèmes pour la peau Neutrogena, de la poudre de talc pour bébés ou le Tylenol, un médicament utilisé comme anti-douleur. Elle a généré un chiffre d'affaires de 3,7 milliards de dollars au troisième trimestre, soit près de 16% des recettes totales de J&J. Les autres activités du groupe, à savoir la production et la vente d'équipements médicaux, de médicaments sur ordonnance et de vaccins, notamment le sérum unidose contre le Covid-19, formeront la deuxième entreprise.

Ces divisions ont généré près de 20 milliards de dollars de revenus de juillet à septembre. Joaquin Duato, actuel vice-président du comité exécutif de J&J et qui deviendra directeur général du groupe à partir de janvier, demeurera DG de ce nouveau J&J une fois la séparation achevée. Alex Gorsky occupera lui le poste de président exécutif du conseil d'administration du J&J actuel pour assurer la transition lors de l'arrivée aux manettes de Joaquin Duato.J&J envisage d'achever la séparation d'ici 18 à 24 mois.

-Le conglomérat industriel et technologique japonais Toshiba a confirmé vendredi qu'il prévoyait de se scinder en trois entreprises indépendantes d'ici deux ans, alors que le groupe est pressé depuis longtemps par ses actionnaires de maximiser sa valeur. Deux nouvelles entreprises devraient être créées et introduites en Bourse, l'une regroupant les activités de Toshiba dans l'énergie et les infrastructures, et l'autre dans les appareils électroniques et le stockage de données, selon un communiqué.

La troisième société serait formée par le reste de Toshiba, pour gérer la part de 40% environ qu'il détient actuellement dans Kioxia, géant japonais des puces-mémoires et ancienne entité du groupe, et ses parts dans sa filiale cotée séparément Toshiba Tec (appareils de bureautique et systèmes pour le commerce de détail). "Afin d'améliorer notre compétitivité, chacune de nos activités a besoin à présent d'une plus grande flexibilité pour saisir les opportunités et relever les défis de leurs marchés respectifs", a commenté le PDG de Toshiba Satoshi Tsunakawa. Cette scission "va libérer une immense valeur en supprimant la complexité, en permettant aux activités d'avoir une direction plus resserrée et en facilitant la prise de décision", a-t-il ajouté.

-Le conglomérat américain General Electric (GE) a annoncé mardi qu'il allait séparer ses activités en trois entreprises différentes, toutes cotées en Bourse et qui seront respectivement spécialisées dans l'aviation, les soins de santé et l'énergie.

"Avec la création de trois entreprises internationales cotées, chacune pourra bénéficier d'un plus grande spécialisation, d'une allocation des ressources bien adaptée et d'une flexibilité stratégique permettant d'obtenir de la croissance de long terme et de la valeur pour les consommateurs, les investisseurs et les employés", a déclaré Lawrence Culp, le PDG de GE, cité dans un communiqué. Concrètement, GE compte créer début 2023 une nouvelle entité à partir de sa division santé au sein de laquelle elle conservera une participation de 19,9%. Les activités liées aux énergies renouvelables et aux turbines éoliennes, à gaz et à vapeur, seront elles regroupées au sein d'une société unique à partir de début 2024. À l'issue de ces transactions, le nom de "General Electric" sera conservé pour désigner une troisième entreprise spécialisée dans l'aéronautique.

Lawrence Culp restera patron de GE jusqu'à la finalisation de la scission de la division énergie, puis assurera un rôle de direction au sein du nouveau groupe d'aviation.

Créé à la fin du 19e siècle par Thomas Edison, General Electric a longtemps représenté l'un des fleurons de l'industrie américaine avec une présence dans de nombreux secteurs, du transport d'électricité à la finance en passant par les médias ou l'informatique.

Durement frappé par la crise financière de 2008, le conglomérat, basé à Boston dans le Massachusetts, a dû faire face à plusieurs cures d'amaigrissement, des restructurations et une dette colossale ces dernières années. GE a quitté en 2018 le Dow Jones Industrial Average, indice de référence à Wall Street, dont il faisait partie depuis 111 ans. Fin octobre, GE a annoncé des résultats trimestriels plutôt satisfaisants, profitant notamment de la forte croissance de ses revenus issus de l'aviation.

(Avec AFP)

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