Défense : DCNS et Piriou veulent devenir les leaders mondiaux de la construction des bâtiments de moins de 95 mètres

Les deux chantiers navals visent rapidement un chiffre d'affaires d'une centaine de millions d'euros. Ils convoitent notamment les programmes nationaux dédiés à l'action de l'Etat en mer, qui sont en train d'être lancés par le ministère de la Défense.
L'OPV Gowind L'Adroit, patrouilleur hauturier destiné à des missions de sauvegarde maritime construit par DCNS //  DR
L'OPV Gowind "L'Adroit", patrouilleur hauturier destiné à des missions de sauvegarde maritime construit par DCNS // DR

Alors que DCNS et Piriou vont créer une joint-venture en vue de mettre en commun des actifs dédiés à des bâtiments d'entrée de gamme, les deux chantiers naval vont s'attaquer ensemble aux appels d'offre lancés par la France, qui souhaite renouveler une partie de sa flotte de souveraineté. Ils visent notamment les programmes de bâtiments multi-missions (B2M), de bâtiments de souveraineté et d'intervention maritime (Batsimar) et, enfin, de bâtiments de soutien et d'assistance hauturiers (BSAH). Ils visent également les marchés à l'exportation portant sur les bâtiments de moins de 95 mètres, avec des standards civils et destinés aux gardes-côtes, à la police et gendarmerie, aux douanes... "DCNS et Piriou veulent devenir le leader mondial de la construction des bâtiments de moins de 95 mètres", explique-t-on à "La Tribune". DCNS va ainsi améliorer sa base de coûts en fabriquant des bâtiments aux normes civiles.

Cette alliance est complémentaire industrielle avec la création en 2013 d'une joint venture en vue de mettre en commun des actifs dédiés à des bâtiments d'entrée de gamme, que DCNS commercialisera. Nouveau venu dans la construction de bâtiment militaire, Piriou a récemment présenté lors du salon Euronaval toute une gamme de navires multi-missions de la classe OPV (Offshore Patrol Vessel) et M.OPV (Multipurpose Offshore Patrol Vessel) de 25, 35, 50, 60 et 80 mètres. De son côté, DCNS propose son patrouilleur hauturier Gowind type "L'Adroit", qui mesure 87 mètres. Sur le plan commercial, DCNS a également une idée derrière la tête. En vendant un "petit" bâtiment d'entrée de gamme, le groupe naval veut séduire des marines, qu'il n'avait pas comme client jusqu'ici. Et surtout leur proposer des bâtiments plus importants par la suite.

Le programme B2M retardé

Destinés à opérer dans les territoires d'outre-mer (Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Antilles, océan Indien), les B2M, des navires de soutien civils, ont pour objectif de compenser le retrait du service des bâtiments de transport légers (Batral) et des patrouilleurs du type P400. Un programme qui vient d'être retardé en raison des fortes contraintes budgétaires en dépit de leur mission cruciale de surveillance de la zone économique exclusive (ZEE). "On a commandé trois B2M en remplacement - sachant que les Batral, avaient des capacités amphibies, utiles par exemple pour le débarquement de fret humanitaire comme ils l'ont fait à Haïti. Si le contrat est passé l'année prochaine, comme je l'espère, nous pourrons avoir ces navires de soutien en 2015", a récemment expliqué à l'Assemblée nationale le chef d'état-major de la marine, l'amiral Bernard Rogel

Le ministère de la Défense tente de "trouver un financement interministériel pour l'acquisition de bâtiments multimissions", a précisé l'amiral Bernard Rogel. Car les B2M seront amenés à remplir des missions très diverses. Le ministère de l'Outre-Mer pourrait ainsi financer une partie de ce programme à hauteur de 20 %, le reste étant à la charge du ministère de la Défense. Selon lui, "on ne peut simultanément considérer la zone économique exclusive comme importante et laisser la situation en l'état". Ces navires, qui sont des bâtiments civils ravitailleurs de plates-formes, auront "un armement léger - au moins en autodéfense - de bâtiments civils", avait-il précisé. Le retard de ce programme n'est pas sans conséquence sur la présence en mer de la marine avec le désarmement de "tous les P 400 - lesquels ne pourront être prolongés - et les Batral, sans les remplacer tout de suite", regrette le chef d'état-major de la marine. D'où un trou capacitaire. "Nous avons déjà redéployé deux patrouilleurs : Le Malin, bateau saisi pour pêche illégale aux Kerguelen que nous avons racheté, vers la Réunion  et l'Arago vers la Polynésie", avait-il expliqué. S'agissant du Malin, ce chalutier a été transformé en garde-côtes

L'Adroit de DCNS, les futurs patrouilleurs de haute-mer ? 

C'est le programme Batsimar qui sera le fer de lance de la surveillance de la ZEE. Compte tenu des contraintes budgétaires, "cette question devra faire l'objet d'une priorité à court terme, avait-il assuré. Mais je ne vais pas demander des FREMM (frégates multimissions, ndlr) pour surveiller la ZEE. Cela étant, on ne peut non plus envoyer n'importe quel bâtiment pour faire de la surveillance de zone dans la mesure où les pêcheurs illégaux, par exemple, autour de l'île de Clipperton emploient des moyens très rapides". La marine compte sur le patrouilleur hauturier Gowind, L'Adroit, construit par DCNS, qui l'a mis à disposition de la marine pendant trois ans. "J'ai été très intéressé par le partenariat avec DCNS : le bateau est mis à disposition pour trois ans, ce qui nous procure un patrouilleur de haute mer supplémentaire ; nous en profitons, nous, marins, pour affiner notre besoin sur les patrouilleurs de haute-mer (Batsimar)", avait expliqué l'amiral Rogel. Car selon lui, "nous avons des adversaires de mieux en mieux équipés : on ne rattrapera pas un go-fast de trafiquant de drogue avec un patrouilleur de 12 noeuds, sachant qu'il est souvent trop tard quand la drogue est arrivée sur la plage. Il en est de même pour l'immigration illégale : il ne faut pas attendre que les bateaux viennent s'échouer dans les bouches de Bonifacio pour réagir !"

Les bâtiments du programme Batsimar vont aussi remplacer certains moyens métropolitains, tels que les bâtiments de surveillance des pêches. "Le redéploiement a donc ses limites", avait constaté le chef d'état-major de la marine. Enfin, la marine souhaite que le Maintien en condition opérationnel (MCO) soit confié au secteur civil, "ce qui permettrait de les faire entretenir partout dans le monde", avait estimé le chef d'état-major de la marine.

Vers un partenariat public-privé pour le BSAH ?

Partenariat public-privé (PPP) ou acquisition ? Le programme BSAH, qui est inscrit au budget, "pourrait faire l'objet d'un partenariat public-privé. Nous comptons étudier la mise en oeuvre de cette initiative singulière", avait de son côté expliqué le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian. La notification de ce PPP est prévue en 2013, avec une contractualisation de service pour une flotte de 8 bâtiments et une durée de 15 ans à partir de 2015. En tout cas, la direction générale de l'armement (DGA) s'oriente vers un PPP. "Nous prévoyons l'acquisition par un contrat de service de bâtiments de soutien et d'assistance hauturiers pour la marine", avait de son côté expliqué le Délégué général pour l'armement, Laurent Collet-Billon. "Pour les BSAH, deux versions concurrentes étaient prévues : l'une, en PPP, l'autre patrimoniale, avec 8 navires aux normes civiles dont 4 à équipage civil et 4 à équipage militaire, ce qui revenait à reconduire le dispositif actuel avec des bâtiments plus modernes et mieux adaptés", avait enfin expliqué le chef d'état-major des armées, l'amiral Edouard Guillaud.

Le PPP va-t-il décaler la livraison des bâtiments ? Non, avait estimé l'amiral Rogel. "Le PPP ne provoquera, je l'espère, pas de décalage car les sociétés intéressées sont déjà bien informées, mais il ne faut pas, en effet, prendre de retard : nous aurons besoin de ce service en 2015. Leur décalage d'un an nous oblige à affréter plus longtemps et à prolonger quelques bateaux, ce qui a aussi un coût", avait-il expliqué. L'objectif de la marine est d'avoir des navires aux normes civiles, armés par des civils ou des militaires. "Nous achèterons un service sur la période 2015-2030, les bâtiments étant financés et entretenus par l'industriel, qui en livrera 4 à équipage militaire et 4 civils. Ils permettront de faire de la lutte anti-pollution ou des missions d'entraînement", avait expliqué l'amiral Bernard Rogel. En 2008, la marine disposait de sept bâtiments de soutien et d'assistance militaires auxquels s'ajoutaient quatre bâtiments civils affrétés (bâtiments de soutien, d'assistance et de dépollution - BSAD).

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Commentaire 1
à écrit le 27/11/2012 à 9:26
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petit conseil marketing : préparer une version de guerre "low cost" en gardant le look, ca devrait se vendre comme des petits pains.

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