Et l'atterrisseur européen Schiaparelli s'est finalement crashé sur Mars

En dépit de l'échec de l'atterrissage de Schiaparelli, la mission ExoMars est un grand succès pour l'Europe avec la mise en orbite de la sonde TGO autour de Mars.
Michel Cabirol
L'atterrisseur Schiaparelli est arrivé sur Mars à la vitesse supersonique de 21.000 km/h lors de la séparation. Il devait se poser en douceur en six minutes seulement. Schiaparelli a subi une décélération de 13 G pour passer de 21.000 km/h à... 10 km/h.

C'est un nouvel échec pour l'Europe. Elle a voulu prouver qu'elle savait faire atterrir un engin, en l'occurrence l'atterrisseur Schiaparelli, sur Mars et le faire fonctionner ensuite. C'est raté. Le module européen s'est écrasé mercredi sur la planète rouge après avoir rencontré un problème peu avant de toucher le sol, a annoncé l'Agence spatiale européenne qui a localisé l'engin vendredi. L'ESA, qui était sans nouvelles depuis deux jours, a été fixée sur son sort grâce à une photo prise par la sonde américaine MRO, en orbite autour de la planète rouge.

Schiaparelli "s'est écrasé à la surface de Mars", a déclaré à l'AFP Thierry Blancquaert, responsable de l'atterrisseur à l'ESA. L'atterrisseur, qui était bardé de capteurs enregistrant tout ce qui lui arrivait, "est arrivé à une vitesse beaucoup plus rapide que prévu à la surface de Mars", a expliqué Thierry Blancquaert depuis le Centre de contrôle des opérations de l'ESA à Darmstadt.

Schiaparelli a fait une chute libre de 2 à 4 km et aurait touché le sol à plus de 300 km/heure, a précisé l'ESA dans un communiqué. "Il a atterri pratiquement à l'endroit prévu, à quelques kilomètres près", a indiqué le directeur des opérations en vol de la mission ExoMars, Michel Denis. "L'image de la NASA permet de voir une tâche blanche, cohérente avec la taille du parachute. Environ deux kilomètres plus loin, il y a une tâche noire, aux contours moins nets. C'est certainement le point d'impact de Schiaparelli", a-t-il précisé. "Elle est plus grande que si Schiaparelli était en un seul morceau. Il s'est donc cassé".

Une mauvaise synchronisation

Après sept mois de voyage, Schiaparelli s'était séparé dimanche de la sonde européano-russe TGO (Trace gas orbiter). Mercredi, il est entré dans la fine atmosphère de Mars six minutes avant l'atterrissage. Tout s'est grippé environ quelques dizaines de secondes avant l'impact. Toutefois, toutes les données du vol et de descente du module Schiaparelli ont été récupérées par la sonde TGO. Ce qui va permettre aux ingénieurs de comprendre, puis de rectifier les paramètres de la prochaine mission prévue en 2020 avec l'envoi en principe d'un rover martien, second volet de la mission ExoMars.

Son grand parachute de 12 mètres de diamètre semble avoir été éjecté trop tôt. Le système de propulsion avec neuf rétrofusées pour réduire encore la vitesse jusqu'à 2 mètres au dessus du sols rétrofusées, s'est activée très brièvement. Toutefois, les rétrofusées "ont été coupées prématurément par le système de contrôle" et n'ont pas eu le temps de consommer leur carburant, selon Michel Denis. Enfin, le module disposait si nécessaire d'une structure "écrasable" pour amortir le choc de l'impact final. Mais cela n'a pas été suffisant...

"Concernant l'atterrisseur Schiaparelli, les différentes étapes des 6 minutes de descente dans l'atmosphérique martienne se sont pour l'essentiel bien déroulées, notamment la phase de décélération atmosphérique ainsi que le déploiement du parachutes et l'éjection du bouclier thermique", a expliqué dans un communiqué Thales Alenia Space, maître d'oeuvre industriel de la mission ExoMars. "Il est confirmé également que les propulseurs se sont brièvement activés, mais ils se sont vraisemblablement éteints trop rapidement, à une altitude qui reste à déterminer".

L'atterrisseur était équipé d'un bouclier pour la protection contre les hautes températures lors de la rentrée dans l'atmosphère et pour ralentir l'atterrisseur à 1.650 km/h à 11 km d'altitude au moment du déploiement du parachute, qui stabilisait le module pendant sa descente et de le ralentir encore. "Nous ne savons pas si le parachute s'est ouvert", avait commenté dès mercredi soir le responsable des opérations de l'ESOC, Paolo Ferri. C'est semble-t-il la synchronisation qui n'était pas bonne...

Six minutes de terreur

Au moment de la séparation dimanche entre la sonde et Schiaparelli, la distance parcourue par TGO depuis le 14 mars, date de son lancement par un lanceur russe Proton, a été de 486 millions de kilomètres. Soit un périple de sept mois pendant lequel la sonde a respecté une trajectoire très précise. Au moment de la séparation, il restait alors à Schiaparelli 916.000 km à parcourir pour atteindre le sol de Mars en trois jours. L'atterrisseur est arrivé sur Mars à la vitesse supersonique de 21.000 km/h lors de la séparation. Il devait se poser en douceur en six minutes seulement, Schiaparelli subissant une décélération de 13 G pour passer de 21.000 km/h à... 10 km/h.

Six petites minutes de terreur, comme les appellent les ingénieurs spatiaux. Six petites minutes au bout desquelles l'ESA a perdu le signal de l'atterrisseur. Un radiotélescope indien qui aurait pu être le premier à capter un signal du module, l'a perdu au bout de quatre minutes lors de l'opération d'atterrissage. La sonde européenne Mars Express, toujours en vie, n'a pas elle non plus réussi à capter le signal vers 18h30. Enfin, la sonde américaine MRO n'a pas recueilli elle non plus des données à 20h30.

"C'est une mauvaise nouvelle, nous avons perdu le signal. C'est clair", avait estimé Paolo Ferri, qui s'était alors refusé à spéculer sur l'avenir de Schiaparelli, dont les données récupérées étaient toujours en cours de dépouillement. Plus les heures passaient, plus il y avait des raisons d'être de plus en plus pessimiste.

Tester les technologies d'atterrissage sur Mars

Schiaparelli visait à tester les technologies européennes d'entrée dans l'atmosphère, de descente et d'atterrissage sur Mars. La durée de sa mission était estimée entre quatre et huit jours, selon la température sur Mars. Plus elles étaient basses, plus il aurait consommer de l'énergie pour pouvoir travailler. C'est le deuxième échec après celui de 2003 quand le mini-atterrisseur Beagle 2 à bord de Mars Express, de conception britannique, a atterri mais n'a jamais donné signe de vie. L'Europe attendra donc encore avant de se vanter d'avoir fait atterrir un engin sur Mars. Jusqu'à présent, seuls les Américains ont réussi à poser sur Mars des engins qui sont parvenus à fonctionner. Depuis les années 1960, plus de la moitié des missions martiennes se sont soldées par un échec.

Cette mission devrait ouvrir la voie à une deuxième mission ExoMars en 2020. Elle est notamment destinée à poser un rover sur Mars équipé d'une foreuse pour creuser à deux mètres de profondeur sous la surface. Ce nouveau module aura pour mission de  trouver des traces de vie passée. Mars n'ayant pas été exposé comme la Terre à de violentes activités tectoniques, il est possible de trouver des roches anciennes qui n'auraient pas été exposées à des températures trop élevées. Les scientifiques européens espèrent trouver des bio-marqueurs chimiques ou des micro-fossiles.

Schiaparelli s'est crashé sur le site de Meridiani Planum (Plaine Méridiani), le même que celui d'Opportunity en janvier 2004. Ce site a été choisi pour trois raisons principales. Son altitude est faible et présente une colonne d'air suffisante pour réaliser en toute sécurité l'entrée, la descente et l'atterrissage de Schiaparelli. En outre, sa surface est plate et sans gros rochers ce qui aurait dû sécuriser son atterrissage. Enfin, il a un intérêt scientifique en contenant des couches d'hématite, qui sur Terre se forme presque toujours dans des milieux contenant de l'eau glacée.

Un succès pour l'ESA

Pour autant, la mission ExoMars reste un grand succès pour l'ESA avec la mise en orbite nominale de la sonde, TGO (Trace Gaz Orbiteur) autour de Mars. Pour les scientifiques, ce volet de la mission d'ailleurs beaucoup plus important que celle de l'atterrisseur. Pilotée par l'Agence spatiale européenne, la mission ExoMars, qui se compose d'une sonde, TGO et d'un atterrisseur EDM (Entry Descent and Landing) appelé Schiaparelli, est dédiée entièrement à la recherche de la vie passée ou présente sur Mars.

"Nous avons une sonde qui tourne autour de Mars, c'est un élément essentiel pour la réussite de la mission ExoMars 2020 destinée à poser un rover sur Mars", a assuré le PDG de Thales Alenai Space, Jena-Loïc Galle.

Simultanément à la tentative ratée d'atterrissage d'EDM, la sonde scientifique s'est mise en orbite autour de Mars. Une manœuvre délicate réussie, qui a nécessité une grande précision. Ce qui à la fois a soulagé et rempli de satisfactions les équipes de l'ESA à Darmstadt en Allemagne. Les deux opérations ont été contrôlées depuis le Centre européen d'opérations spatiales (ESOC) de l'ESA.

Début de mission pour TGO en 2018

C'est à partir de mars 2017 que la sonde TGO entamera la phase de circularisation progressive de son orbite par aérofreinage, c'est-à-dire en se servant de ses panneaux solaires pour freiner sur l'atmosphère martienne. En orbite autour de Mars, elle sera quant à elle chargée de "renifler" début 2018 l'atmosphère martienne pour détecter des traces de vie présente, en particulier par la recherche des gaz considérés comme des indices en faveur de la vie, tel le méthane. Des missions précédentes, dont Mars Express, ont permis de déceler une faible présence de méthane (CH4) dans l'atmosphère martienne.

Sur Terre, 90% de ce gaz est d'origine biologique et provient principalement de la décomposition de matières organiques. Sa détection peut donc constituer un indice possible de la présence actuelle d'une vie micro-organique sur Mars. Le méthane a en effet une durée de vie limitée. La sonde TGO va essayer de confirmer cette présence de méthane et d'analyser s'il est d'origine biologique ou bien s'il est le résultat d'un processus géologique (activité volcanique). Enfin, TGO, dont la mission s'achèvera en 2022, viendra compléter une flotte de cinq sondes déjà en orbite autour de Mars.

Une mission à 1,5 milliard d'euros

Thales Alenia Space (TAS), notamment TAS Italie, est le maître d'œuvre industriel d'ExoMars. La filiale spatiale de Thales a coordonné un consortium industriel de 75 sociétés essentiellement européennes, dont Airbus Group.

Le coût des deux missions pour l'ESA est actuellement de 1,5 milliard d'euros, indique l'Agence. Mais une rallonge budgétaire s'avère nécessaire d'autant plus qu'il y a quelques mois, le deuxième volet de la mission a dû être reporté de deux ans (2020 au lieu de 2018). Le dossier sera sur la table à la prochaine conférence ministérielle de l'ESA début décembre à Lucerne (Suisse). Il sera demandé aux pays membres un supplément de 300 millions d'euros. Le demi-échec de la première partie de la mission pèsera-t-il dans la décision des Etats membres d'octroyer une rallonge budgétaire pour ce programme?

Michel Cabirol

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Commentaires 22
à écrit le 24/10/2016 à 19:07
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Curieux que personne n'ait encore dit que c'était de la faute aux Américains si Schiaparelli s'était écrasé sur Mars. Je dis ça, je ne dit rien

le 25/10/2016 à 13:48
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Ben moi je trouve que c'est la faute à Hollande et curieux que cet éternel fautif n'ai pas encore été roulé dans le goudron et les plumes, mais cela ne saurait tarder!

à écrit le 24/10/2016 à 13:54
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Il faut croire que c'est le destin de notre UE, se cracher, un véritable symbole.

à écrit le 24/10/2016 à 12:01
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D'abord bravo pour la mission qui reste quand même globalement une réussite. Par contre, concernant l'échec de l'atterrisseur, c'est d'autant plus rageant que nous avions déjà échoué en 2003 (la partie anglaise de la mission). Cela laisse vaguement l...

à écrit le 23/10/2016 à 19:44
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C'est triste, mais il aurait pu aussi passer à côté...de la planète...

à écrit le 23/10/2016 à 11:05
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1.5 millards € donné par le contribuable européens pour que le gadget s'écrase au sol, et sachant que plusieurs satellites US/Europe tournent déjà autour de Mars. Peut être l'ESA aurait du faire comme la NASA, avec la sonde Curiosity, qui ne roule ...

le 23/10/2016 à 16:28
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Bonjour, j'espère que vous allez écrire un livre un jour, ce que vous racontez semble passionnant.

à écrit le 23/10/2016 à 10:21
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tout ça c'est de l'argent, beaucoup d'argent gâché pour des recherches qui ne servent à rien. Faudrait d'abord que l’Europe s'occupe des problèmes actuels SUR TERRE !!! Par exemple éviter son implosion qui ne saurait tarder

le 24/10/2016 à 13:10
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La recherche pour la recherche a permis au monde d’être au stade qu'on lui connait aujourd'hui. Elle a permis des découvertes qui nous servent dans notre vie quotidienne. La conquête de l'espace apparait aujourd'hui comme une nécessite pour la future...

à écrit le 23/10/2016 à 10:05
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Pour ceux qui connaissent un peu la technique, ça reste quand mêem un beau succés même si la cerise n'est pas sur le gâteau. L'échec vaut une formation si on en comprend la raison.

le 25/10/2016 à 18:31
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@papy Mougeon: et encore un commentaire fort judicieux. C'est pas courant et mérite d'être signalé :-)

à écrit le 22/10/2016 à 20:43
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Ce qui est important c'est d'avoir récupéré 99% des données qu'on était venu chercher, si médiatiquement c'est raté, sur le plan de la mission elle est réussie, elle a communiquée à TGO toutes les données de la descente, la mission schiarapelle etait...

le 23/10/2016 à 3:28
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"de l'or en barre" de savoir si y a des bactéries qui relâchent du méthane (CH4) sur mars ? Quel intérêt ? Et même si yen avait , ça vaudrait de l'or en barre de savoir ça ? Et ça vaut pas du diamant en pépites de s'occuper d'abord des problèmes sur...

le 23/10/2016 à 9:38
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@gg 22/10/2016 20:43 Je n'ai pas assez des connaissances scientifiques en astronomie et autres pour juger si c'est de "l'or en barre" mais, comme vous le soulignez, les données recueillies seront probablement extrêmement utiles pour faire avancer la...

le 23/10/2016 à 11:38
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"600MB, c'est de l'or en barre, on va pouvoir les étudier et avoir un référentiel pour les prochaines missions. Les américains ou les russes n'auraient jamais partagées ces données avec nous, faut qu'on aille les chercher nous même." Vous en êtes sû...

le 23/10/2016 à 12:15
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On voit tout de suite, vous avait pas compris à quoi servait schiarapelli et sa mission. Mais si il s'agit de Mars, tout le monde va sur Mars, parce que c'est la planète la plus proche, et qu'on peut la terra former et exploiter, 95% co2, les américa...

le 23/10/2016 à 18:45
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Vous qui avez si bien compris l'utilité de Schiapelli, je vous en prie éclairez nous... Quant à terraformer Mars, bonne chance, ce n'est pas pour demain. Essayez de calculer vaguement le volume d'oxygène nécessaire et on en reparle. Quant à l'épuis...

à écrit le 22/10/2016 à 18:14
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Conclusion, maintenant on sait pour la prochaine fois en 2020, ce qu'il ne faut pas faire.

à écrit le 22/10/2016 à 16:33
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Doubler les systèmes revient à doubler le poids. Or, mettre de la masse en orbite, c'est excessivement cher. Et comme on dépense plus pour des conneries que pour un vrai programme spatial, ça ne se fera pas.

le 23/10/2016 à 11:33
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Une partie des systèmes de l'atterrisseur était déjà redondé, les centrales inertielles en particulier. Ceci étant, on peut montrer que d'un point de vue fiabiliste redonder les équipements lorsque la durée de mission est courte apporte plus de probl...

à écrit le 22/10/2016 à 15:09
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Bien, même si nous n'avons pas réussie à nous poser en douceur ... Il me semble important de revoir tous notre logique de rentré dans cette atmosphère .... Mêttre plus d'intelligence artificiel capable de reagir en cas de défiance d'un système... E...

à écrit le 22/10/2016 à 15:09
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Bien, même si nous n'avons pas réussie à nous poser en douceur ... Il me semble important de revoir tous notre logique de rentré dans cette atmosphère .... Mêttre plus d'intelligence artificiel capable de reagir en cas de défiance d'un système... E...

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